Aveyron : pour Jean-Pierre Authier, "la chasse n'est pas un loisir dangereux"

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  • Jean-Pierre Authier, président de la fédération de chasse en Aveyron, regrette le climat malsain et les raccourcis.
    Jean-Pierre Authier, président de la fédération de chasse en Aveyron, regrette le climat malsain et les raccourcis.
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Sous les feux de l’actualité, entretien avec Jean-Pierre Authier, président de la fédération de chasse en Aveyron.

 

Quel regard portez-vous sur ces récents accidents ?

Je pense que ce qu’on aimerait tous c’est que cela reste des accidents. Le point de départ a été les déclarations tapageuses de Yannick Jadot d’interdire la chasse le week-end, le mercredi et les vacances scolaires, derrière les médias ont attaqué, balancé des chiffres à tort et à travers, souvent faux et en faisant des raccourcis. Quand on voit les chiffres aujourd’hui, on ne peut pas dire que c’est un loisir particulièrement accidentogène. On est tous d’accord pour lutter contre les accidents, d’ailleurs on fait de très gros efforts. Il n’y a pas une seule association qui fait autant d’efforts en matière d’éducation. Quand vous prenez les statistiques de Santé publique France, la chasse représente 4 % des accidents des sports de nature, on est le loisir de nature le moins dangereux de France, comme c’est aussi moins dangereux de se promener dans la forêt de Palanges que traverser la place d’Armes à Rodez. La difficulté que nous avons est que le chasseur est en permanence et de plus en plus entre l’enclume et le marteau. On est à la fois entre les gens qui veulent nous interdire de chasser, et des usagers de la route, des collectivités, des agriculteurs qui veulent que l’on chasse pour réguler. Cela va trop loin, une certaine presse devrait prendre du recul, analyser les vraies chiffres, il y a des accidents mais la chasse n’est pas un loisir dangereux. On est les seuls à être contrôlés pour des accidents par l’État.

Avez-vous reçu des soutiens ?

On a d’excellentes relations avec les collectivités, on a beaucoup de sympathie de la part des élus, pas seulement pour réguler car la chasse ne se résume pas à la régulation mais aussi pour la chasse plaisir, de chasser avec son chien, avec ses amis, le côté convivial est très important et primordial dans les petites communes rurales. Aujourd’hui, la chasse est le dernier lien social dans beaucoup de villages.

Quelle est l’évolution des accidents de chasse ?

Le nombre d’accidents mortels a été diminué de 71 % en vingt ans et de 41 % pendant la même période d’accidents. Le nombre de chasseurs a baissé mais les chasses au sanglier par exemple ont été multipliées par dix, par vingt en France. On a encore des efforts de communication à faire. On met tout en œuvre, on a encore rencontré mercredi dernier le procureur de la République et l’Office Français de la biodiversité qui délivre les permis de chasse, avec qui nous travaillons de concert en Aveyron pour durcir les sanctions et travailler sur la sécurité. Les brigades de gendarmerie vont être associées sur le terrain pour appuyer. On a aussi mis en place un stage alternatif aux poursuites pénales. Il faut convaincre le grand public que la chasse n’est pas dangereuse. Le site de la Gachoune amène une autre vision de la chasse. Il n’y a pas un responsable de société, un chef de battue qui va prendre quelqu’un avec trois grammes d’alcool, cela n’existe pas. La caricature c’est bien mais il ne faut pas la prendre pour argent comptant. Dans tous les accidents de chasse qui se sont déroulés ces dernières années, il n’y a pas un gramme d’alcool. On crée un malaise et la peur alors qu’il n’y a pas lieu d’être.

Quelles mesures peuvent être prises pour améliorer la situation ?

Il vient d’être mis en place cette année la formation décennale de la sécurité c’est-à-dire que quelque 1 000 chasseurs par an en Aveyron vont suivre une formation. Ce sont des rappels à la sécurité, sur les accidents. Sans cette formation, le chasseur n’a plus son permis. Les fédérations de chasse sont les seules à être aussi contraignantes avec leurs adhérents. Il ne faut pas oublier aussi que depuis une vingtaine d’années, on forme les chefs de battues sur une journée avec une partie théorique et une partie pratique. La moitié des chasseurs en Aveyron a suivi cette formation. On a aussi mis en place une formation au tir avec des agents qui règlent la carabine, sur des sangliers courants, cela va dans le sens de la sécurité. Depuis deux ans, on a obligation de signaler les zones de battues et de porter des gilets de haute visibilité, tout un panel de mesures existe, on ne reste pas inactif et cela se passe plutôt bien. On va par exemple former un monsieur de 80 ans, je ne sais pas quelle serait la réaction d’un conducteur de cet âge à qui on demanderait de repasser une formation. On a le courage de le faire. On parle enfin de partager la forêt, quand vous organisez une battue sur 200 hectares, c’est déjà gros, sur une commune de 2000 voire 4 000 hectares, vous avez de la place pour tout le monde. Cela peut se faire en bonne intelligence. On peut travailler sur des applications pour déterminer les lieux où l’on chasse.

En chiffres

11000 chasseurs en Aveyron.
278000 journées de chasse par an dans le département.
25000 à 30000 battues annuelles
15 salariés à la fédération de chasse en Aveyron dont un tiers travaille notamment sur le programme régional Via Fauna.
1000 enfants sont accueillis chaque année au centre de formation de la Gachoune à Bezonnes qui propose un sentier ludo-pédagogique.
300000€ sont consacrés chaque année par la fédération de chasse en Aveyron pour financer la biodiversité.
4% d’accidents des sports de nature sont liés à la chasse, derrière les sports de montagne (37%), les sports aquatiques (23%), les sports à air moteur (12%), les sports mécaniques (9%), autres sports (8%), sports à air sans moteur (7%) et la chasse. Cela a représenté 409 décès en 2018 (source Santé Publique France).
11 accidents mortels sur la période de chasse 2019-2020 en France dont une victime non chasseur, soit une baisse de 71% en 21 ans.
41% de baisse du nombre d’accidents sur la même période.Sur les 7 dernières années, le nombre d’accidents est inférieur à la moyenne des vingt dernières années.

Que pensez-vous de la pétition pour l’Aveyronnais Morgan Keane tué par un chasseur dans le Lot en décembre dernier qui a reçu 100 000 signataires ?

La seule chose que je regrette de la part de l’association lotoise c’est la façon dont ils alimentent leur site « Un jour, un chasseur » sur Facebook qui est sans filtre et un ramassis de conneries. On peut balancer n’importe quelles cochonneries et c’est relayé. C’est malsain car cela ouvre la porte à n’importe quoi et je m’aperçois qu’il y a des gens qui ont du courage, il ne faudrait pas que l’on revive quelques sales moments que l’on a vécus par le passé. On a des gens qui nous balancent des courriers anonymes, qui dénoncent sans vérifier, cela crée un climat malsain, on n’a rien à gagner à ce genre de procédés. Quand j’entends à la télé la vice-présidente de cette association qui va jusqu’à dire qu’un chasseur est féminicide, c’est pousser le bouchon un peu loin. Sur ce sujet, j’ai bien aimé la réponse du ministre de la justice Dupond-Moretti à Rodez qui a dit « vous parlez toujours des faits divers sur les féminicides mais vous ne parlez jamais des milliers de femmes que l’action de la justice et la police ont protégées. »

Quelles sont les actions menées par votre fédération ?

Le catalogue est de plus en plus épais depuis la loi Chasse car les fédérations travaillent de plus en plus pour la biodiversité. On mène une douzaine de programmes en Aveyron, en travaillant beaucoup en milieu scolaire avec le site de la Gachoune qui propose un sentier et un jardin éducatif créé par Nicolas Cayssiols, directeur de la fédération, qui va du compost à la petite mare en passant par un rucher pour éveiller les enfants et les sortir des écrans. On consacre énormément d’argent pour la biodiversité, environ 300 000 €. On replante des haies, on fait des mares, on est l’un des plus gros contributeurs de l’association "Arbres, haies, paysages de l’Aveyron" pour recréer un milieu favorable à la faune et accueillant qui n’est pas forcément chassable mais dans l’intérêt du territoire. Nous avons aussi un gros programme régional dit Via Fauna mené avec les services du département et de l’État car il y a beaucoup de collisions de sangliers et de chevreuils en Aveyron pour recenser les zones accidentogènes.

A lire aussi : Willy Schraen veut faire des chasseurs des "policiers de proximité" rurale et environnementale

Comité de randonnée : les relations sont bonnes

Pour Geneviève Fuertès, présidente du comité départemental de randonnée pédestre de l’Aveyron, "Nous n’avons jamais eu de souci, de craintes ni de retombées de la part de nos adhérents suite aux récents accidents. Quand nous randonnons, on doit être vigilant en se renseignant. C’est inscrit dans notre charte du randonneur. Les battues sont signalées, c’est au responsable du groupe de se renseigner. On peut vivre sur nos chemins, à condition d’être vigilant. Nous travaillons en bonne collaboration avec les chasseurs, les relations sont bonnes".
 

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Altair12 Il y a 2 années Le 15/11/2021 à 09:53

Seuls sont dangereux les inconscients ; il en est ainsi pour bien des sports et surtout la circulation routière !