"Everything, Everywhere, All At Once", trip hallucinatoire dans le "multivers"

(AFP) - C'est l'un des ovnis de la rentrée: "Everything Everywhere All At Once" débarque mercredi dans les salles françaises avec une relecture sous amphétamines du "multivers", concept issu des films de super-héros, qui brasse des centaines de références, de Matrix aux Monty Python.

Le film, qui a conquis par surprise le box-office américain, offre à la reine du cinéma d'action asiatique et ex-James Bond girl Michelle Yeoh un rôle principal complètement déjanté, celui d'Evelyn, une patronne de laverie automatique projetée dans des dizaines d'univers parallèles.

Poursuivie par le fisc, en quasi-faillite, elle tente aussi d'éviter l'implosion de sa petite famille, issue de l'immigration asiatique.

Autant de problèmes qui ne sont rien à côté de l'aventure qui l'attend: comme le titre l'indique, Evelyn va se retrouver "tout, partout, tout en même temps", confrontée à l'infinité de vies qu'elle aurait pu vivre, depuis celle d'une artiste à succès à celle d'un caillou sur une planète déserte, en passant par un monde où les doigts sont remplacés par des saucisses de hot-dog.

A l'inverse des moyens quasi-illimités de Marvel, qui après avoir épuisé les arcanes des comics a entrepris de plonger désormais ses super-héros dans le "multivers" pour renouveler sa narration, les réalisateurs Dan Kwan et Daniel Scheinert (ils se font appeler "Les Daniels") ont fait avec un budget de moins de 15 millions d'euros.

Le film, porté par le bouche à oreille, a déjà rapporté plus de 100 millions de dollars dans le monde. "La plupart (des films de super-héros) utilisent le multivers pour décrire une ou deux dimensions alternatives, nous on voulait explorer la notion d'infinité, et comment ça peut mener au nihilisme", explique à l'AFP Daniel Scheinert.

Seuls quatre ou cinq univers principaux ont été recréés sur le plateau, des centaines d'autres étant le fruit de quelques artisans d'effets spéciaux bidouillant sur leur ordinateur.

- Contraintes budgétaires -

"Les contraintes budgétaires rendent le film meilleur, le fait qu'on ne peut pas avoir des tonnes de méchants a permis de faire que chaque combattant serve à quelque chose. Il n'y a pas de scène où Michelle (Yeoh) se bat avec 50 gars, on avait pas les moyens, mais en fait c'est mieux comme ça !", ajoute Daniel Scheinert.

Les réalisateurs se revendiquent enfants des communautés de créateurs en ligne, faisant notamment leurs classes sur Vimeo, un concurrent du géant YouTube prisé des artistes.

"La culture internet est partout, on a grandi avec", souligne-t-il, pour expliquer le syncrétisme du film, lessiveuse de 02H19 mixant à haute vitesse les influences, mais dont le sens reste parfois cryptique.

"Etre connecté à tout, dans le monde entier c'est époustouflant, et voir les opinions contraires dans chaque sous-groupe, le fait que les fils des médias sociaux mettent des vidéos de chat à côté de vidéos de la guerre, et de tutoriels pour savoir plier ton T-shirt, c'est tellement fou, c'est un coup de fouet émotionnel qu'on vit au quotidien" et en ce sens, "nous ne sommes pas si éloignés du multivers".

De la culture des créateurs en ligne, les réalisateurs, fans notamment de la série d'animation pour adultes "Rick et Morty" ont également tiré un sens de l'autodérision, dont s'emparent avec plaisir les interprètes, dont Jamie Lee Curtis, en intraitable inspectrice des impôts.

"Aux Etats-Unis, Michelle Yeoh a joué des personnages très sérieux pendant des années, mais dans (le film hongkongais de 1992) +Police Story 3 : Supercop+ avec Jackie Chan, elle est très drôle et joueuse", relève Daniel Scheinert.

"Nous savions qu'elle avait cela en elle, on l'a rencontrée et en fait, elle est très drôle et bizarre et elle s'est tout de suite foutue de nous comme si on était ses neveux ennuyeux !".

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