La Monastérienne Charlène Gayrard, la recherche dans la peau

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  • Chercheuse chez L’Oréal à Paris, Charlène Gayrard est spécialisée dans les protections solaireset les alternatives.	@Fondation L’Oréal
    Chercheuse chez L’Oréal à Paris, Charlène Gayrard est spécialisée dans les protections solaireset les alternatives. @Fondation L’Oréal
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Rui DOS SANTOS

Agée de 32 ans, passée par l’ESPCI (école supérieure de physique et de chimie industrielles), la banlieusarde ruthénoise œuvre chez L’Oréal, à Aulnay-sous-Bois, près de Paris, spécialisée dans les crèmes solaires.

Quel est le point commun entre Pierre et Marie Curie, Frédéric et Irène Joliot-Curie, Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak ? Oui, ces scientifiques français ont tous décroché un Prix Nobel, respectivement en 1903 (découverte du radium) et en 1911 (isolation du radium pur), en 1935 (découverte de la radioactivité artificielle), en 1991 (travaux sur les polymères, cristaux liquides, matière molle) et en 1992 (chambres proportionnelles multifils). Mais, la réponse n’est pas complète... Ils ont, en effet, tous fréquenté l’école supérieure de physique et de chimie industrielles à Paris. C’est aussi dans cet établissement prestigieux fondé en 1882 et situé au cœur du 5e arrondissement de Paris, rue Vauquelin précisément, que l’Aveyronnaise Charlène Gayrard a fait ses classes.

Née à Rodez, cette jeune femme, qui soufflera ses 33 bougies en novembre, a grandi au Monastère, au sein d’une famille dont les racines ont puisé leurs forces sur les terres de Boussac. Elle est aujourd’hui chercheuse chez L’Oréal (groupe industriel français créé par le chimiste Eugène Schueller, le 30 juillet 1909, et géant mondial des produits cosmétiques), dans le centre de recherches situé à Aulnay-sous-Bois. Oeuvrant dans l’unité R&D (4 000 salariés à travers le monde, une centaine en banlieue parsienne), elle travaille sur la peau, les crèmes solaires en particulier, et sur les alternatives en matière de protection.

"J’ai trouvé ce qui m’anime car je suis dans mon élément, se réjouit-elle, avec un grand sourire qui ne laisse pas planer le moindre doute. C’est une jolie combinaison, un bel équilibre, entre passion et métier. Je m’amuse beaucoup". Après avoir fréquenté, à Rodez, le collège Saint-Joseph et le lycée François-d’Estaing, avec des horaires aménagés pour pouvoir pratiquer la natation à haut niveau, où elle a décroché un bac série S, Charlène Gayrard a rallié Toulouse. "J’aimais les sciences, j’étais curieuse de savoir comment tout fonctionnait, souligne-t-elle. Il n’y avait pas de virus dans la famille mais mes parents ne m’ont jamais mis de limite".

Souhaitant "faire davantage de la recherche que de l’ingénierie", la jeune bachelière a suivi les conseils de ses professeurs de lycée, "très bienveillants", l’incitant à intégrer une prépa. Elle a choisi Pierre de Fermat dans la Ville Rose car celle, par exemple, à Paris ne proposait pas d’internat pour les filles. "C’était visiblement un truc de mecs !", sourit-elle. "Ces deux années ont guidé mon parcours", assure-t-elle.

"Brillante ? Je dirais chanceuse !"

Elle a suivi le cursus PCSI (physique, chimie et sciences de l’ingénieur), "le plus interdisciplinaire possible", avant de monter à la capitale pour entrer donc à l’ESPCI, une des écoles les plus courtisées par les ingénieurs pour se lancer dans la recherche. Après une thèse de trois ans (voie empruntée par 70% des élèves de cette école), elle a consacré la quatrième année à la biologie, et plus précisément à la biophysique. Elle a bénéficié d’une bourse de 15 000 euros de la Fondation L’Oréal qui aide les femmes dans la science en général. "C’est un gros prix certes mais cela permet aussi d’entrer dans une communauté", se réjouit-elle.

Se demandant alors si elle allait rejoindre la recherche publique française, elle a effectué un autre choix : "J’avais besoin d’une émulation collective vers un but commun". Ce "travail en équipe", elle l’a trouvé chez Hifibio, une start-up basée à Paris. "C’était un tremplin, note-t-elle, avec le recul. J’ai appris les codes et la vitesse à laquelle il fallait aller". L’expérience a duré un an, avant d’être rappelée par L’Oréal. "J’ai longtemps hésité mais je ne regrette pas car j’arrivais dans ma famille scientifique, détaille Charlène Gayrard. Je suis retournée sur des projets à plus long terme (parfois dix ou quinze ans !), en faisant le saut dans un très grand groupe. Un nouveau défi qui a commencé en 2019".

Installée, avec son compagnon, un Breton rencontré sur les bancs de l’ESPCI, et leur petit garçon Antoine, qui fêtera son premier anniversaire en septembre, dans le 19e arrondissement de Paris, entre les Buttes Chaumont et le canal de l’Ourcq, Charlène Gayrard se consacre également beaucoup à "la transmission active". "Je veux redonner ce que j’ai reçu, confirme-t-elle volontiers. Je participe ainsi, depuis deux ans, au programme "Les filles et les sciences", avec diverses interventions dans des collèges et des lycées". Son message est très clair : "Il faut se donner les moyens de réussir, ne pas s’autocensurer. J’encourage tous ces étudiants, filles et garçons aussi, à s’autoriser à rêver en grand !".

Elle n’a aujourd’hui "qu’un seul petit regret" : "Avoir abandonné un peu l’enseignement. C’est ce qui me manque le plus". Est-elle une jeune femme brillante ? La surprise passée, la question l’a fait rougir : "Si j’avais été un garçon, j’aurais été brillant ! Disons que j’ai été chanceuse". Son curriculum vitae pencherait pour un parcours exemplaire... Se rendant compte qu’elle a pris ses quartiers à Paris voilà bientôt une décennie, Charlène Gayrard n’a pas pour autant coupé le cordon avec l’Aveyron : "Il y a ma famille et je m’y ressource de ma vie à 300 à l’heure".

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