Rodez. Hôtellerie-restauration en Aveyron : "Nos métiers offrent à tous un formidable escalier social"

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  • Michel Santos, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie en Aveyron.
    Michel Santos, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie en Aveyron. Centre Presse Aveyron - Christophe Cathala
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Propos recueillis par Christophe Cathala

Boudée par la main-d’œuvre dont elle est plus que jamais en recherche, l’hôtellerie-restauration reconnaît un passé non dénué de torts, sur fond de rythmes de travail mal adaptés au plus grand nombre et peu d’avantages financiers en retour. Mais les professionnels aujourd’hui, déterminés à gagner leur pari d’une réussite collective partagée, ont balayé devant leurs portes et multiplié les efforts pour rendre leurs métiers séduisants et innovants dans tous les domaines.

Michel Santos, président départemental de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) porte le message du renouveau et de l’attractivité. Entretien.

N’avez-vous pas l’impression que la profession, qui peine à trouver de la main-d’œuvre, paye une mauvaise image ancrée dans l’esprit des gens ?

Il est vrai que c’est une idée un peu trop répandue contre laquelle nous nous battons. Il faut bien avouer que l’on paye ce que l’on a pu faire pendant des années, ce côté militaire avec des cuisiniers "gueulards", des "runners" (c’est-à-dire des serveurs), menés à la baguette… On paye toutes ces dérives.

La bulle internet a rebattu les cartes, le niveau d'exigence de la clientèle...

On a eu des torts, on en a encore, mais on n’est pas les seuls. Et puis la "bulle internet" a rebattu les cartes, le niveau d’exigence de la clientèle est aujourd’hui devenu tel que certains ont été démotivés. Car avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas tout faire, satisfaire toutes ces exigences. Mais on a commencé à balayer devant nos portes et l’on sait que l’on a des efforts à faire. Des efforts qui ont été faits surtout dans nos régions.

Le côté convivial de la relation avec la clientèle fait aussi partie intégrante de notre métier

Mais pas suffisamment pour autant ?

On ne peut pas passer d’un extrême à l’autre. Les choses suivent leur cours, on avance toujours un peu plus : on accorde beaucoup de choses que d’autres professions n’accordent pas, comme les semaines à quatre jours de travail, le paiement des heures supplémentaires…

Les horaires, justement, n’y sont-ils pas pour quelque chose dans cette image dégradée, dans ce frein au recrutement ?

Au niveau du travail, il y a ce qui est effectif et ce qui ne l’est pas. Le côté convivial de la relation avec la clientèle fait aussi partie intégrante de notre métier, et on ne compte pas les heures que l’on y consacre. Il est important de jouer sur les rythmes, et le travail "en coupé", qui se traduit pour le personnel par la contrainte de venir pour le service de midi et revenir ensuite pour le service du soir, est de plus en plus dur à maintenir.

Il est vrai que les horaires, les rythmes de travail, peuvent être un frein au recrutement

Mais on ne peut pas, contrairement aux grandes entreprises de notre secteur, avoir deux équipes distinctes, nos petites structures n’y survivraient pas. On essaye d’adapter les jours et les horaires en fonction de ces contraintes. Mais attention quand même : avec cette façon de fonctionner, il n’y aura plus de restaurants traditionnels ouverts le dimanche, ces établissements où l’on se plaît à se retrouver en famille, qui est la spécificité de notre métier et que l’on ne veut pas perdre. Et on risque, sinon, de faire la part belle aux restaurants de chaîne qui ont du personnel en permanence… Mais pas toujours qualifié.

Alors, il est vrai que les horaires, les rythmes de travail, peuvent être un frein au recrutement. On bosse en décalé, quand les autres se reposent. On n’est pas la seule profession dans ce cas, 30 % de ceux qui travaillent le font en décalé dans de nombreux secteurs. Mais cela peut être aussi un atout, en générant du temps libre en semaine pour faire plein de choses, c’est un intérêt indéniable.

En sortant du Covid, les salaires ont bondi de 16,4 % dans notre secteur professionnel

Reste les salaires… Avez-vous fait des efforts dans ce domaine ?

Oui, de gros efforts. En sortant du Covid, les salaires ont bondi de 16,4 % dans notre secteur professionnel. La mutuelle est prise en charge, les avantages en nature sont toujours garantis avec le coût des repas qui ne sont pas facturés au personnel… Les salariés bénéficient de nombreux avantages dont les gens ne se rendent pas compte.

Une étude de l’Umih montre que 60 % de ceux qui ont quitté la profession veulent y revenir

Le Covid a-t-il rebattu les cartes ?

Encore plus dans notre profession, qui a subi dix mois de fermeture. C’est vrai, beaucoup de nos salariés sont, alors, allés voir ailleurs. Mais, au niveau national, une étude de l’Umih montre que 60 % de ceux qui ont quitté la profession veulent y revenir. Car c’est un métier de contact où l’on gagne plutôt bien sa vie.

Mais qui a toujours du mal à le faire savoir… Comment comptez-vous mieux communiquer sur les atouts de la profession et son nécessaire changement d’image ?

Il nous faut bien représenter le métier dans les écoles, les collèges. Créer des ateliers dans les écoles primaires, autour du bien manger d’abord, mais aussi pour expliquer aux jeunes générations ce que nous faisons. Leur dire que dans notre métier la création est infinie et que le seul écueil, c’est que ce ne soit pas bon.

Les jeunes sont notre clientème et bien sûr notre main-d'oeuvre de demain

Les jeunes sont notre clientèle et bien sûr notre main-d’œuvre de demain, c’est important de leur présenter le vrai visage de notre métier. C’est pour cela qu’il faut aller à leur rencontre, mais aussi à la rencontre des demandeurs d’emploi, des personnes en reconversion.

Les émissions télévisées prolifèrent sur le travail des chefs en cuisine, à travers des compétitions entre les candidats, n’est-ce pas un atout en matière de communication avec le grand public ?

Ce fut une image positive au départ, car nos métiers ont été mis sous le feu des projecteurs. Les chefs s’affrontent en montrant justement que la création est infinie. Mais le revers, c’est de laisser croire que le savoir-faire s’acquiert du jour au lendemain. Ce qui n’est pas le cas en cuisine notamment.

La pénurie de main-d’œuvre concerne surtout le service en salle

Cette exigence permanente du dépassement de soi ne bride-t-elle pas les vocations ?

La pénurie de main-d’œuvre concerne surtout le service en salle. Les vocations ont commencé à décliner quand on a, il y a des années, instauré le service à l’assiette : on a perdu la magie du découpage et du flambage qui était l’image de la restauration à la française.

Mais il ne faut pas perdre de vue, toujours en ce qui concerne le service en salle, que le métier de « runner » est accessible à tout le monde, sans diplôme. Il n’y a pas de compétences requises. Beaucoup de gens ont fait le job pour se payer leurs études… Et ce peut être encore le cas aujourd’hui, à travers des temps partiels de travail, des extras…

 

Trouver de la main-d’œuvre demeure primordial, mais la crise concerne aussi le pouvoir d’achat : la clientèle ne risque-t-elle pas de faire défaut à l’hôtellerie et la restauration quand il faut faire des choix dans un budget domestique ?

Il est vrai que nous vivons une grosse crise après ce Covid qui nous a déjà bien impactés. Les aides ont permis de sauver des entreprises mais pas d’investir, pas de se projeter sur l’avenir. Et quand bien même on a misé sur les augmentations de salaires, joué sur les jours d’ouverture, nous subissons l’augmentation du coût de l’énergie et des matières premières et, évidemment, la baisse du pouvoir d’achat.

A terme, le risque de casse s’accroît, surtout en zone rurale, là où le café, hôtel ou restaurant est souvent la dernière lumière allumée dans le village

Que faire ? Augmenter les prix au risque de vider nos salles ? Où est la ligne d’équilibre ? C’est un vrai problème actuellement. On essaye de garder la tête hors de l’eau parce qu’on a du personnel à sauvegarder. Mais, à terme, le risque de casse s’accroît, surtout en zone rurale, là où le café, hôtel ou restaurant est souvent la dernière lumière allumée dans le village, cette lumière qui conserve le lien social…

Et puis à ce propos, alors que les normes en matière d’hôtellerie sont de plus en plus drastiques, on subit la concurrence déloyale de concepts comme Airbnb qui nous enlèvent de la clientèle, mais aussi des logements pour nos saisonniers. A ce compte-là, c’en est fini des hôtels de charme dans les zones rurales, plus encore qu’en agglomération.

Se défendre, contre toutes ces attaques, c’est aussi un challenge fort de la profession ?

Défendre et protéger, c’est notre rôle au niveau syndical. Les modes de consommation sont en train de changer. Il y aura toujours la restauration "rapide" où l’on mange pour se nourrir. Et les restaurants où les gens vont découvrir le plaisir d’être à table. Nous travaillons d’ailleurs sur ce mot "restaurant", pour le protéger.

On est collègues, pas concurrents, l’entraide est bien réelle, la solidarité est forte quand, notamment, on cherche de la main-d’œuvre

Devront être éligibles à cette appellation tous types d’établissement à partir du moment où ils travaillent une majorité de produits frais bruts et non industriels, avec une cuisine sur place et un service assis. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, il y a des règles à changer pour instaurer des critères communs à tous. Mais il en va aussi de la formation des jeunes à qui on doit apprendre la cuisine sans ouvrir les sachets et les portes des congélateurs.

La profession est-elle suffisamment soudée pour ce combat ?

Je le crois. Et puis les cafés-hôtels-restaurants sont une grande famille. On est collègues, pas concurrents, l’entraide est bien réelle, la solidarité est forte quand, notamment, on cherche de la main-d’œuvre. Tout le monde échange, se connaît, se côtoie, on parle le même langage, y compris avec nos producteurs, nos fournisseurs quand on a le souci de la qualité. Beaucoup de jeunes l’ont découvert quand ils étaient étudiants par exemple, et ont été convaincus de se lancer dans le métier. Et d’autres y reviennent car cet échange est finalement irremplaçable à leurs yeux.

Et ces jeunes, précisément, que peut-on leur dire aujourd’hui de la profession, outre cet esprit de famille, ce rôle social et pas seulement commercial, ces efforts en cours pour être plus attractif ?

Que nos métiers, justement, ont de l’avenir et que la réussite est à portée de main, du simple CAP au Bac + 5. Un métier qui peut être aussi un complément de salaire, que l’on peut faire des temps partiels adaptables à toutes les situations. Des métiers qui permettent, de plus, de voyager dans le monde entier… Et qui offrent à tous un formidable escalier social, l’un des plus rapides assurément… On peut vite devenir chef d’entreprise, et une grande proportion des salariés que l’on a chez nous finissent par se mettre à leur compte. Et cela, même si on perd, de fait, de la main-d’œuvre, c’est une immense satisfaction.

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