"Le monde ne devrait pas exiger que l'Afrique réduise ses émissions pendant qu'il allume ses centrales à charbon" (Jane Jamila Nakasumu, PDG de Zambia Greenbelt Energy)

  • Jane Jamila Nakasumu a fondé Greenbelt Energy, qui a remporté en 2022 le prix de la startup de l'année de Total Energies Afrique.
    Jane Jamila Nakasumu a fondé Greenbelt Energy, qui a remporté en 2022 le prix de la startup de l'année de Total Energies Afrique. Courtesy of Jane Jamila Nakasumu
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - A tout juste 27 ans, Jane Jamila Nakasumu a fondé en 2015 sa propre entreprise en Zambie, Greenbelt Energy afin de répondre aux besoins d'énergie renouvelable et durable. La Zambie, pays d’Afrique australe enclavé composé d’une multitude de terres sauvages et d’une biodiversité infinie, enregistre le taux de déforestation le plus élevé du continent. Malgré les efforts constants de l'entreprise de Jane, celle-ci souhaite une meilleure considération de la population zambienne. Interview.


La pollution de l’air, provoquée par la fumée de charbon de bois, ferait presque 7.000 décès par an en Zambie. Mais pour Jane Jamila Nakasumu l’élément déclencheur de la création de Greenbelt Energy a été la cécité de sa grand-mère. "Ma grand-mère est devenue aveugle à force de cuisiner, avec la fumée de charbon". Aujourd'hui, avec l'aide d'une équipe de bénévoles, Jane Jamila Nakasumu se rend dans des communautés rurales afin de les initier à l'utilisation du biogaz. Ce gaz naturel est issu de la fermentation des matières organiques pour obtenir chaleur et électricité.

Pourriez-vous décrire le travail de votre entreprise Greenbelt Energy ?

Mon entreprise sociale aide les communautés rurales à créer leur propre énergie à partir de déchets disponibles comme matières premières. Nous avons travaillé avec les communautés agricoles rurales de Chongwe (ville en Zambie, ndlr) pour mettre en place des digesteurs où les déchets agricoles, y compris le fumier animal, ont été utilisés pour créer du biogaz comme gaz de cuisson sûr permettant l'accès à une énergie abordable. Le biogaz peut être utilisé pour la cuisine, le chauffage, l'éclairage et même l'électricité. Jusqu'à présent, nous avons travaillé avec 5 agriculteurs et formé 100 jeunes à la création d’énergies renouvelables.

Vous avez pu participer à une table ronde sur la COP 27, pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

J'ai été contactée par le WWF Zambie pour participer aux discussions locales sur la COP 27 autour de la promotion des technologies renouvelables dans le secteur agricole et de l'atténuation des pertes et dommages. Je pense que c'est important pour la Zambie, en tant qu'acteur principal du groupe de négociateurs africains à la COP 27. Au cours de la table ronde organisée par ActionAid Zambie pour la Semaine africaine du climat à la Plateforme mondiale du Danemark, j'ai été rejointe par des militants du climat qui ont partagé des expériences très personnelles sur le thème "Gérer les pertes et les dommages d'un point de vue zambien".

Environ 60% de la population zambienne est affectée par les pertes et dommages et l'Afrique seule risque de perdre 45 milliards de dollars de production agricole. En tant que jeune militante zambienne pour le climat, je demande une justice climatique égale pour toutes les nations. Le monde ne devrait pas exiger que l'Afrique réduise ses émissions pendant que l'Union Européenne et les autres pays développés allument ses centrales à charbon.

Pensez-vous que la Zambie a été suffisamment impliquée ces dernières années dans les questions environnementales lors des autres sommets sur le climat ?

Il est important de remettre sur la table le débat sur la déforestation, d'autant plus que peu de choses ont été réalisées depuis la COP26. Il faut aussi discuter des énergies renouvelables, principalement en termes de cuisine éco-responsable. Nous devons accélérer la transition énergétique vers des carburants et des technologies plus écologiques.

La Zambie et d'autres pays en développement n'ont pas pu profiter pleinement des sommets sur le climat. Les pays développés sont responsables de 78% des émissions de CO2, mais ce sont les pays en développement qui ressentent le plus les effets du changement climatique. Il n'y a pas eu suffisamment d'obligation de rendre des comptes sur qui paie pour les pertes et les dommages. La COP 27 est arrivée et pendant un an, les dirigeants mondiaux ont oublié ce qu'ils avaient dit à la COP 26. Face à la crise énergétique en Europe, les centrales au charbon ont été rouvertes comme si rien ne s'était passé à la COP 26. Pour l'avenir, nous avons besoin de plus de mécanismes d'application pour toutes les résolutions. La Zambie est le pays qui a le taux de déforestation le plus élevé d'Afrique. Il doit faire face aux pertes et dommages. Nous devons mettre en place des budgets plus importants pour les énergies renouvelables et soutenir les innovateurs de 'clean tech'.

La Cop 27 a touché à sa fin, avec un jour de retard, le 19 novembre, faisant de ce sommet, le plus long de l'histoire. Qu'avez-vous pensé des décisions finales ?

Je suis impressionnée par le niveau des engagements de financement du climat pris par les différents pays et j'espère voir la mise en œuvre des accords. J'espère que leur financement atteindra les communautés les plus vulnérables et à risque. Pour ce faire, le financement climatique doit être décentralisé. Les communautés et les groupes devraient être en mesure d'accéder facilement au financement climatique pour leurs initiatives d'adaptation. Les États-Unis ont annoncé la création d'un nouvel accélérateur de transition énergétique pour soutenir les pays en développement dans leur transition vers une énergie propre. Cette nouvelle initiative devrait fonctionner jusqu'en 2030, voire jusqu'en 2035. L'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande et l'Écosse se sont engagés à fournir des fonds aux pays en développement pour les aider à faire face aux dommages et aux pertes causés par le changement climatique.

Selon le rapport 2022 State Of The Global Climate, il est urgent d'intensifier le financement de l'adaptation au climat. Toutefois, les fonds nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ne sont toujours pas disponibles.

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