Près de Paris, l'Aveyronnais Cyril Kamir redonne de l’espoir aux malades victimes d’addictions

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  • Installé dans le XIe arrondissement de Paris, l’Aveyronnais Cyril Kamir  est coordinateur thérapeutique à l’EDVO.
    Installé dans le XIe arrondissement de Paris, l’Aveyronnais Cyril Kamir est coordinateur thérapeutique à l’EDVO. L'Aveyronnais - Reproduction
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A Paris, Emmanuel Pons

Il aurait pu reprendre l’exploitation familiale dans les Palanges mais le sort en a décidé autrement. Cyril Kamir est aujourd’hui coordinateur thérapeutique à l’EDVO, dans la Val-d’Oise.

Tout a basculé en 1984. Cyril Kamir, 25 ans, qui travaille alors avec son père, exploitant agricole dans les Palanges, est victime d’un grave accident de la route près de Toulouse. "J’étais hyper physique à l’époque. J’ai dû changer mon fusil d’épaule", raconte-t-il. Un an sur un fauteuil roulant. Plus de 30 opérations… "On m’avait dit que je ne pourrais plus marcher. Alors je me suis accroché."

Des années de rémission, souvent difficiles, qui vont décider de l’avenir du jeune homme, originaire de Montrozier et qui a grandi entre Paris et l’Aveyron où il a été pensionnaire à Saint-Jo à Rodez avant de décrocher son bac littéraire au lycée Foch.

Le modèle Minnesota

Changement de cap, donc 1990, et départ pour l’Angleterre où le jeune trentenaire se forme au modèle Minnesota, une méthode, développée dans les années 1950 aux États-Unis – qui établit que la dépendance est une maladie et non un manque de volonté – qui permet de prendre en charge les patients, sur le modèle des Alcooliques anonymes.

Retour en France en 1992 où il met en pratique son expérience britannique. "J’ai rejoint des groupes d’entraides pour les dépendants", raconte Cyril Kamir.

"Dans le modèle Minnesota, explique-t-il, tu fais abstraction de tous les médicaments de substitution, de l’alcool et même des somnifères. Le but est de redonner au patient une nouvelle vie sans qu’il consomme quoi que ce soit."

La Maison de Kate

En 1994, le jeune thérapeute intervient dans la Maison de Kate, à Bucy-le-Long près de Soisson dans l’Aisne, à une heure quarante de Paris. "C’est le premier centre qui a mis en place le modèle Minnesota en France", précise-t-il. "Après un séjour de sevrage, le malade intègre le centre pendant trois mois et travaille sur les conséquences de sa consommation, pour lui et pour son entourage." Une activité de soutien auprès des groupes de parole qui se poursuivra pendant 13 ans, jusqu’en 2007.

Cette année-là, Cyril Kamir parfait sa formation en obtenant son diplôme universitaire en addictologie.

Quelque temps plus tard, sont ouverts 16 lits, sur le modèle Minnesota, au centre de psychothérapie d’Osny (Val-d’Oise), dirigé par le docteur Petitdidier, psychiatre, où l’équipe travaille sur les questions de comorbidités – la dépendance, les traumatismes…

Les Narcotiques anonymes

Les malades participent à des réunions de Narcotiques anonymes, moins connus en France que les Alcooliques anonymes, mais répandus depuis très longtemps aux États-Unis et de nombreux pays d’Europe.

"La question est alors de savoir si c’est la consommation de drogues qui provoque la maladie psychiatrique ou si c’est la maladie qui entraîne l’addiction", interroge le thérapeute. Le modèle Minnesota est développé actuellement dans quatre centres : la Maison de Kate, le Centre psychothérapeutique d’Osny, la communauté thérapeutique d’Aubervilliers et à l’EDVO (Espoir du Val-d’Oise) où travaille depuis trois ans Cyril Kamir, après être intervenu pendant 15 années dans les trois autres structures.

Dans ce cadre, après un mois de sevrage, les malades sont admis pour une période de trois mois où "on retravaille les conséquences de leur consommation", explique le thérapeute. "L’idée, grâce à la restitution au sein des groupes de parole, c’est de les sortir de l’isolement, qu’ils partagent leur d’expérience. Cela leur permet de recréer du lien social." Ces échanges servent aussi au malade de "garde-fou pour ne plus retomber dans l’addiction avec toutes les souffrances qu’elle engendre".

"70 % de réussite"

"Après sept mois, le patient rentre dans un groupe emploi. Il réalise un bilan de compétence, fait son CV et peut même envisager de travailler à mi-temps après le huitième mois."

En tout, le séjour à l’EDVO dure entre 12 et 15 mois avec "70 % de réussite !", se réjouit Cyril Kamir. "La plupart des participants aux réunions des Alcooliques ou des Narcotiques anonymes ne rechutent pas", insiste-t-il. "Et les anciens viennent même encourager les nouveaux" au sein de groupes d’entraide. Il faut dire que "les addictions touchent de plus en plus de jeunes, constate le thérapeute. Actuellement, nous accueillons des malades âgés de 19 à 58 ans, essentiellement accros au crack ou à la cocaïne." Des malades auxquels Cyril Kamir transmet jour après jour le même message : "C’est ta vie, c’est toi qui la contrôles, plus le produit que tu as pris".

L’EDVO, depuis 35 ans

Basée à Montmagny dans le Val-d’Oise, l’EDVO accueille et accompagne les victimes d’addiction (alcool, drogues, jeux…), volontaires pour un changement de comportement. L’association, qui compte aujourd’hui 34 places et 15 places en appartements-relais, a été fondée en 1987 par Jean-Paul Bruneau, alors policiers aux "Stups".

Grâce au soutien psychologique qu’elle met en place, encadré notamment par trois thérapeutes – dont Cyril Kamir et une coordinatrice de structure – l’EDVO favorise la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en grande difficulté et concernées par l’addiction à des produits psychotropes modifiant le comportement.

L’association, qui ne reçoit aucune subvention de l’État, gère également une épicerie sociale pour les plus démunis et un point hygiène pour les SDF.

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