Réforme des retraites : "Le quinquennat est fini, il n’y a pas de majorité possible"

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    Le politologue montpelliérain Michel Crespy - Sylvie Cambon
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Propos recueillis par Vincent Coste

Pour le politologue montpelliérain Michel Crespy, l'utilisation par le gouvernement du 49.3 pour faire passer en force le projet de réforme des retraites en dit long sur une France actuellement "ingouvernable et irréformable".  

Avez-vous été surpris par la décision d’user du 49.3 ?

Ça découle d’une logique à partir du moment où, ayant fait leurs comptes, ils se sont aperçus qu’ils étaient encore dix ou quinze sièges en dessous de ce qu’il fallait. Mais ça, jusqu’au dernier moment, on ne savait pas comment ça allait tourner. Tout dépendait du vote des députés LR mais pas seulement. Il y avait trois députés Horizons qui avaient déclaré s’abstenir, le groupe Liot était divisé. Le président du groupe disait : "Il y a quinze députés qui vont contre et cinq, on ne sait pas."

Ça dit quoi l’usage du 49.3 pour une telle réforme ?

Le quinquennat est fini, parce que c’est la démonstration qu’il n’y a pas de majorité possible. LR est trop divisé. L’idée de construire une majorité relativement stable entre Renaissance et LR, comme Véran l’avait annoncé il y a quelques jours ? Cette majorité-là n’existe pas, en raison des divisions de LR en particulier. Donc, ils ne peuvent plus rien faire passer.
Mardi, ils se sont fait battre sur le nucléaire, sur les retraites ils sont obligés de passer par le 49.3. Ils ne peuvent plus rien voter, c’est fini, sauf sur des textes où il y a un consensus total. Les réformes, c’est fini, il n’y a plus rien à faire.

Une dissolution est inéluctable ? Ou un remaniement, dans un premier temps ?

La dissolution, ce serait complètement logique. Logique d’en tirer les conséquences, de se dire il n’y a pas de majorité, on va demander au peuple d’en donner une à quelqu’un. Le problème, c’est qu’on n’est pas du tout dans une situation d’alternance. On est dans une situation à trois, dans laquelle il n’y a pas de majorité, pour aucun des trois.
Donc la dissolution ne réglera pas le problème, elle risque de renvoyer une assemblée assez semblable à celle-ci, avec un peu moins de Renaissance, un peu moins de LFI, et un peu plus de RN.

Aucune de ces trois forces en présence, seule, ne pourrait dégager une majorité…

Il y a une majorité des deux tiers qui trouve que Macron est un mauvais président, il y a une majorité des deux tiers qui ne veut pas de Le Pen, et il y a une majorité des deux tiers qui ne veut pas de Mélenchon. Comment on fait ?
Si encore il y avait une situation dans laquelle on aurait un groupe qui aurait presque la majorité mais pas tout à fait. Mais ce n’est pas le cas actuellement.

Historiquement, on se retrouve dans une situation inédite avec ces trois blocs ?

On a eu souvent des situations dans lesquelles on se demandait si le président allait entrer, ou pas, en cohabitation. Mais là, en cohabitation avec qui ?
Supposons que Borne démissionne, ce qu’elle devrait faire mais ça ne changera rien. Il va nommer qui ? Le chef de l’opposition ? Mais lequel ? Mélenchon ? Le Pen ? Et ils ont essayé un rapprochement avec la droite, ce qui était naturel, pour essayer de bâtir un bout de majorité au moins parlementaire, même si elle n’existe pas dans le pays. Mais c’est ce qui vient d’échouer.

Êtes-vous en train de dire que la France est ingouvernable ?

Oui. À l’heure actuelle, oui. Elle est ingouvernable et irréformable. On peut très bien avoir un gouvernement comme l’ont eu les Belges pendant un an et demi. Pas de gouvernement du tout, ou un gouvernement intérimaire qui ne fait strictement rien, qui expédie les affaires courantes. Seulement le problème, c’est qu’on a la guerre en Ukraine, le réchauffement climatique, des problèmes de pénurie d’énergie, la crise de l’hôpital, qui demandent des décisions urgentes.
Et on peut avoir en plus une situation sociale très difficile car la rupture avec les syndicats est totale.

 

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Les commentaires (2)
RienCompris Il y a 1 année Le 17/03/2023 à 09:13

On est arrivé à une crise générale de régime et sans doute le chaos. C'est la fin d'un cycle et les débuts d'un appauvrissement. Les lendemains vont être très durs. Gens totalement déconnectés des réalités.

Palourde Il y a 1 année Le 17/03/2023 à 08:45

A force de prendre des décisions qui n'ont aucun sens , tout cela pour ne pas toucher a leurs privilèges et protéger leurs amis de la finance.Tout ses politiciens de tout bord n''ont plus aucune crédibilités. Qu'ils comment a supprimer tout leurs petits privilèges , leurs régimes très spéciaux et tout leurs avantages , qu'ils se mettent au niveaux de la majorités des Français et après on parlera de réformes