Intervention du Raid à Millau : sous le coup d'une obligation de quitter la France, Moustafa et sa compagne témoignent

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  • Moustafa vit à Millau, avec sa compagne et ses deux filles, depuis 2019.
    Moustafa vit à Millau, avec sa compagne et ses deux filles, depuis 2019. Repro Centre Presse - Clara Guichon - Midi Libre
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Clara Guichon

Ce lundi 31 juillet, l'homme pour lequel le Raid était intervenu à Millau, ainsi que sa compagne, vont recevoir une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Avant, le couple a tenu à raconter son histoire.

Nadia cherche un document dans la pile de feuilles qu'elle stocke dans son appartement de Millau. "Les papiers, la police, la préfecture. Tout ça, j'en ai marre", avoue l'Algérienne de 38 ans. Ce vendredi 28 juillet, elle et son compagnon ont appris qu'ils allaient recevoir une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). "C'est injuste", laisse-t-elle tomber.

La semaine dernière, le samedi 22 juillet, le Raid a dû intervenir pour raisonner Moustafa, père de deux fillettes, retranché dans l'appartement, et demandant à discuter avec un représentant de l'État tout en menaçant de se suicider.

"Les papiers, c'est son employeur qui les lui a fournis"

Le couple tient à raconter son histoire, espérant, sans doute, que cela puisse en changer le cours. Nadia est arrivée en France en 2014, "parce que mon père et mon grand-père ont combattu pour ce pays avant l'indépendance de l'Algérie", explique-t-elle.

Moustafa, lui, est arrivé en 2009, il y a un près de 15 ans. Il a enchaîné des jobs à Paris, dans le bâtiment et la fibre optique, avant d'être muté à Millau en 2019. Sur son téléphone, l'homme de 39 ans fait défiler des photos. On le voit, casque de chantier sur la tête, travaillant tantôt au bord d'une départementale, tantôt juchée dans une nacelle. Il souligne son goût du travail bien fait et son investissement.

N'ayant pas l'autorisation de travailler, pendant l'étude de ses demandes de papiers, il réalise des missions "au black", avant d'être déclaré grâce à de faux papiers. "C'est son employeur qui les lui a fournis", retrace Nadia. Pas de preuve écrite. Elle fait signe que tout s'est décidé à l'oral. Moustafa montre une fiche de paie éditée, à son nom, par l'employeur, et sa dernière déclaration d'impôts. Parmi les noms des entreprises déclarées, il y a celui d'Eiffage. 

"Sans ces papiers, il n'aurait pas été embauché", poursuit Nadia, pour expliquer le consentement de son compagnon. Car ce salaire, l'Égyptien en a besoin. "Je paye le loyer, l'électricité, l'assurance habitation, la cantine des enfants, les courses, énumère-t-il. J'envoie aussi de l'argent à mon père et à ma mère, en Égypte. Il n'y a pas plus."

"Il a pété un câble"

C'est en mai 2022 qu'il a déposé sa dernière demande de titre de séjour. "Il était content après l'entretien. Il disait que ça s'était bien passé, qu'il allait enfin avoir des papiers", se rappelle Nadia. Une demande finalement rejetée, la veille de l'intervention du Raid. "Il a pété un câble, avoue-t-elle. Il a appelé la préfecture, très en colère, et il a dit des insultes. Puis ils ont envoyé des policiers." La semaine dernière, la sous-préfète de Millau parlait de "menaces de mort envers les représentants de l'État".

Et c'est suite à ce déploiement des forces de l'ordre que Nadia et Moustafa ont chacun reçu une OQTF. Tous les deux paraissent à bout. Elle, répète qu'elle est fatiguée. Lui, regarde les électrodes de l'électrostimulateur qu'il a placées sur son bras pour soulager une blessure.

"Ils n'ont même pas étudié ma propre demande de titre de séjour", juge Nadia, qui n'avait pas eu de retour suite à sa demande déposée en septembre 2021. "Il n'y a pas de solution, souffle Moustafa. C'est pour ça que sauter par la fenêtre, c'était le mieux", dit-il en faisant allusion au jour de l'intervention du raid.

À l'autre bout du salon, ses deux fillettes jouent sur un matelas posé sur le sol. 

"Un système qui marche sur la tête"

Dans les locaux de l'association millavoise Myriade, qui accompagne les étrangers, Monique Crinon, la présidente, est abasourdie. "Si on m'avait demandé un exemple d'une famille bien intégrée, c'est celui-ci que j'aurais donné", lance-t-elle. Les bénévoles accompagnent Nadia, Moustafa et leurs deux enfants depuis qu'ils habitent Millau, via une aide administrative, des ateliers ou le centre de loisirs. Et dans un communiqué, l'association alerte : "Une famille risque d'être séparée par la préfecture." Le père, la mère et les enfants n'ayant pas la même nationalité.

"De mon point de vue, ils sont Millavois, poursuit Monique Crinon. Les enfants sont scolarisés, le papa travaille, la maman cherche un emploi. Et je trouve cela très violent de délivrer une OQTF à une famille qui est dans une dynamique d'insertion."

La semaine dernière, à la question de savoir pourquoi la demande de titre de séjour de Moustafa avait été rejetée, la sous-préfète était revenue sur les faux papiers de l'Égyptien. "Nous sommes dans un système qui marche sur la tête, répond Monique Crinon. Les sans-papiers n'ont pas le droit de travailler mais le patronat s'en accommode bien, quitte à offrir des faux papiers."

Un appel à rassemblement

Les deux parents sont convoqués ce lundi 31 juillet au commissariat de Millau, à partir de 10 h, pour la délivrance de leur OQTF. Ils comptent déposer un recours. Un appel à rassemblement est lancé par plusieurs organisations, devant le commissariat, à 10 h. Contactée, la préfecture n'a pas souhaité commenter ce dossier.

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Les commentaires (4)
Larrynautik Il y a 9 mois Le 30/07/2023 à 20:10

Imaginez l'absurdité totale de notre système : les enfants nés français vont être obligés de rester ici, confiés du coup à l'Aide Sociale jusqu'à leurs 21 ans, sans pouvoir voir leurs parents renvoyés pour leur mère en Algérie, pour leur père en Egypte ! Pour le seul crime de s'être emporté contre une administration absurde à la soviétique, après 12 ans à travailler pour un patronat trop content de ne payer aucune charge sociale !

Voilà ce qui se produit quand on confie le gestion de l'humain par l'administration : un traitement automatisé et mécanique de l'humain, sans le moindre état d'âme, des gens renvoyés "chez eux" comme s'ils n'étaient rien.

Mais ce n'est pas le pire : les 2 enfants vont se retrouver dans les Services Sociaux, dont l'inhumanité et le rouleau compresseur va là aussi faire son oeuvre, ballotés d'une famille d'accueil à l'autre sans attache possible.

Cette situation ubuesque est honteuse et ne rend certainement pas honneur à la soi-disant solidarité aveyronnaise, son esprit humaniste et convivial. Et certains "aveyronnais" en carton de se gargariser de cette situation absurde !

Palourde Il y a 9 mois Le 30/07/2023 à 15:52

Lui a ton envoyé la facture de l'intervention des forces de l'ordre ?

JCChat Il y a 9 mois Le 31/07/2023 à 05:40

@Palourde très lourde

Altair12 Il y a 9 mois Le 31/07/2023 à 10:20

Palourde a bien raison ; en outre le coût de l'intervention n'est que peu de chose par rapport à ce qu'a déjà coûté cette famille et ce qu'elle va encore coûter à la nation !
Déplorable !
Et les électeurs continuent à voter pour les mêmes ! ! !
Que faudra-t-il pour qu'ils comprennent enfin ?
Encore plus d'immigration ?
Encore plus d'émeutes !
Encore plus d'assistanat ?
Encore plus . . . . .