Inefficace, spéculatif, un "droit de polluer" : le crédit carbone, une idée vertueuse qui n'a servi à rien ?

  • Ils ont le vent en poupe auprès des entreprises, mais suscitent une méfiance grandissante du côté des associations et du public. Une étude publiée cette semaine démontre que les crédits carbone sont loin de compenser les émissions de carbone des entreprises qui les achètent.
    Ils ont le vent en poupe auprès des entreprises, mais suscitent une méfiance grandissante du côté des associations et du public. Une étude publiée cette semaine démontre que les crédits carbone sont loin de compenser les émissions de carbone des entreprises qui les achètent. CARL DE SOUZA / AFP
Publié le , mis à jour
L. R., avec ETX

Les crédits carbone pour préserver les forêts tropicales sont inefficaces, tranche une étude

Ils ont le vent en poupe auprès des entreprises, mais suscitent une méfiance grandissante du côté des associations et du public. Une méfiance de longue date. Une étude publiée cette semaine démontre que les crédits carbone sont loin de compenser les émissions de carbone des entreprises qui les achètent.

Un droit de polluer pour planter des arbres

Plébiscités par certaines entreprises et pays, les crédits carbone se présentent comme des outils visant à lutter contre la déforestation. Le principe est le suivant : pour compenser les émissions de carbone liées à leurs activités, les entreprises achètent des crédits carbone, qui serviront à investir dans des projets de protection de forêts ou de plantation d'arbres.

Un concept qui pourrait s'avérer intéressant, mais dont certaines entreprises profitent pour sauter à pied joint dans l’écoblanchiment. On se souvient par exemple de Disney et de la banque JP Morgan, qui auraient acheté des crédits carbone issus de projets de protection de forêts... qui n'étaient pas menacées.

Pas ou peu d'impact sur la réduction d'émissions de gaz à effet de serre ou sur la déforestation

Pour évaluer avec précision la réelle efficacité des projets financés par les crédits carbone, une équipe internationale de chercheurs a exploré les effets de 26 sites de projets de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) lancés dans six pays à travers le monde. Les résultats de leurs travaux publiés jeudi 24 août dans la revue Science dressent un constat sans appel : "Nous avons constaté que la plupart des projets n'ont pas réduit la déforestation de manière significative", observent les chercheurs.

Si l'étude note certains projets qui ont abouti, les réductions ont toutefois été nettement inférieures à ce qui avait été annoncé. "Les méthodologies utilisées pour construire les niveaux de référence de la déforestation pour les interventions de compensation carbone doivent être révisées de toute urgence afin d'attribuer correctement la réduction de la déforestation aux projets et de préserver ainsi les incitations à la conservation des forêts et l'intégrité de la comptabilisation du carbone à l'échelle mondiale", concluent les auteurs de l’étude.

Utilisation à des fins financières, compensation sans réduction, "crédits fantômes"

Depuis sa création, le crédit carbone n'a pas infléchi la hausse mondiale des émissions de gaz à effet de serre, ses défenseurs arguant juste du fait que sans cett mesure, ces émissions auraient pu être pires. Entretemps, il a permis à plusieurs  entreprises de réaliser de substantiels bénéfices, comme Tesla, l'entreprise d'Elon Musk, qui a réalisé ses premiers bénéfices en 2020 en partie grâce à la revente de ses crédits carbone à d'autres constructeurs automobiles.

L'un des nombreux exemples d'une utilisation autre qu'environnementale de ces crédits carbone.

En mai 2023, Microsoft s'est lui associé à une entreprise danoise spécialisée dans la capture de carbone, Ørsted, qui lui a permis d'acheter des crédits carbone lui permettant de polluer pendant encore quelques années. Cette capture de carbone en revanche sera réalisée sur 11 ans par  Ørsted au Danemark. Qui du gain économique ou de la réduction de gaz à efffet de serre durant ce temps via cet accord ?

En janvier 2023, une enquête des médias The Guardian, Die Zeit et SourceMaterial sur la norme de certification des réductions d'émissions de carbone baptisée "Verra"  concluait que "90% des crédits carbone ne valaient rien" et que les gains climats de ces crédits carbone étaient systématiquement surestimés. Pire même, que ces crédits carbone sont des "crédits fantômes" qui "pourraient aggraver le réchauffement climatique".

Le réchauffement climatique menace aussi les forêts

Une autre recherche parue dans Nature mercredi 23 août révèle qu’une menace supplémentaire plane sur les forêts tropicales : si le réchauffement climatique s'accentue, les températures pourraient devenir trop élevées et faire mourir les feuilles des arbres. Actuellement, seul un pourcentage infime (0,01%) des feuilles de la canopée supérieure a déjà franchi le seuil de 47°C bloquant le mécanisme de photosynthèse, qui s'avère essentielle pour absorber le carbone. Mais ce pourcentage pourrait rapidement augmenter "car les feuilles se réchauffent plus vite que l'air", alerte l'étude.

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