Metallica ou Blondie en inuit, par Elisapie, voix d'un peuple

  • La chanteuse Elisapie reprend en langue inuite des titres de Pink Floyd, Queen, Metallica ou Blondie.
    La chanteuse Elisapie reprend en langue inuite des titres de Pink Floyd, Queen, Metallica ou Blondie. SEBASTIEN ST-JEAN / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - En reprenant en langue inuite des titres de Pink Floyd, Queen, Metallica ou Blondie, la chanteuse Elisapie éclaire les tourments et espoirs des peuples autochtones du nord du Québec.

"C'est drôle, c'est un album de reprises mais c'est mon album le plus personnel", livre la musicienne, rencontrée à Paris par l'AFP.

"Metallica, c'était comme nos grands frères. Ils nous protégeaient le temps d'une chanson, nous disaient: +ce n'est pas grave si tu es triste, si t'as envie de crier+. Mais on était muets, on ne savait pas pourquoi il y avait tant de suicides de nos cousins", déroule la chanteuse, élevée à Salluit, petit village du Nunavik, région la plus au nord du Québec.

"The unforgiven" de Metallica devient ainsi "Isumagijunnaitaungituq" dans l'album "Inuktitut" (langue inuite de l'Arctique) sorti mi-septembre, son 4e disque solo. Et prend de nouveaux accents mélancoliques avec ses voix de gorge.

"Toute la musique que j'écoutais quand j'étais jeune dans les années 1980 me rappelait des souvenirs chaleureux, dansants, mais a réveillé aussi tout ce qui se passait autour, les effets de la colonisation, la sédentarisation, les chiens arrachés à nos familles, les pensionnats. Tout ce qui faisait que mon peuple souffrait".

- Suicides -

Comme de nombreuses communautés autochtones, les Inuits sont hantés par le souvenir des pensionnats qu'ils ont été forcés de fréquenter pendant des décennies, jusque dans les années 1990. Les abus et la maltraitance y étaient monnaie courante, le gouvernement canadien a reconnu "un génocide culturel".

"Les témoignages recueillis sur les pensionnats, c'est un enfant éloigné de sa famille très jeune et on essaie d'enlever l'autochtone en lui, c'est très violent", commence Elisapie, qui fut aussi travailleuse sociale avant d'être une artiste et une porte-voix de sa communauté.

Le mal-être des communautés inuites, déracinées, se traduit notamment par un taux de suicide que la chanteuse quadragénaire qualifie de "pandémie de l'Arctique". "Qimatsilunga" ("I want to break free" de Queen) est associé au souvenir d'un de ses cousins, Tayara, qui était un peu plus âgé qu'elle et s'est pendu, faute de trouver sa place.

Ce deuil, ainsi que celui d'autres cousins disparus, est encore à l'origine de "Qaisimalaurittuq", reprise du célèbre "Wish you were here" de Pink Floyd au titre parlant, "Je voudrais que tu sois là".

- "On vaut quelque chose" -

Si Elisapie est devenue musicienne -au-delà du fait d'avoir été un temps chanteuse dans le groupe de rock inuit de ses oncles, Sugluk-, c'est par "besoin de fouiller" dans son parcours pour "mettre tout ça dans la musique".

Quand elle est née, sa mère avait "déjà des enfants et surtout n'était pas mariée". "Ma grand-mère a décidé de me donner en adoption à un couple de la famille qui ne pouvait pas avoir d'enfant. Ma mère, en bonne Inuite, s'est exécutée et mon père, qui travaillait dans la baie de l'Hudson, un (homme) blanc de Terre-Neuve, a compris qu'il n'aurait pas le choix".

L'album n'est pas seulement conçu pour panser de vieilles blessures mais est aussi porteur d'espoir pour une communauté qui a "été tellement ignorée, comme si personne n'habitait dans nos régions du nord, comme si c'était juste un grand mur blanc".

"Ce disque, c'est un peu pour dire qu'on est bons, qu'on est beaux, qu'on vaut quelque chose, qu'on peut nous écouter, qu'on peut être vus à la télé", insiste-t-elle.

"Blondie (+Heart of glass+ devient +Uummati Attanarsimata+) a partagé ma version sur leurs réseaux et Lars Ulrich, batteur et membre fondateur de Metallica, a aussi partagé mon titre", savoure-t-elle. De quoi donner plus d'écho à la voix de son peuple.

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