11-Novembre : découvrez les incroyables histoires des monuments aux morts de l'Aveyron

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  • Devant le monument aux morts de Mur-de-Barrez.
    Devant le monument aux morts de Mur-de-Barrez.
  • Le monument aux morts de Boisse-Penchot.
    Le monument aux morts de Boisse-Penchot.
  • Le monument aux morts de Rodez.
    Le monument aux morts de Rodez. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
  • Le monument aux morts de Decazeville.
    Le monument aux morts de Decazeville.
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En ce jour de commémoration de l’armistice de la Grande Guerre, coup de projecteur sur des monuments aux morts singuliers en Aveyron.

"Ecoute les pierres et écoute le vent. Fais ce que tu dois pour trouver les voix qui vont te parler", confie un ancien indien pour accueillir le monde. Accueillir la parole face à l’oubli. Cela fait depuis bien longtemps que les gens défilent devant les monuments aux morts sans y prêter attention, sans les regarder, encore moins les écouter. Faire parler les pierres est nécessaire en ce jour de commémoration de la Première Guerre mondiale qui aurait coûté la vie à près de dix millions d’êtres humains, dont 1,5 million en France, qui a compté aussi quatre millions de blessés.

35 000 monuments aux morts en France

La France a ainsi fait ériger plus de 35 000 monuments aux morts, inaugurés parfois quinze ans après, comme ce fut le cas à Decazeville pour cause de tensions entre architecte et entreprise. Une telle… entreprise a bien sûr aiguisé le commerce. L’affaire fut fructueuse, ce dont traite brillamment Pierre Lemaître dans son roman "Au revoir là-haut."

A Decazeville, inauguré quinze ans après

Au-delà de cet indéniable marché, au vu des nombreuses commandes, il est question de rendre hommage, de commémorer collectivement. Tant sur le plan architectural qu’idéologique, l’Aveyron dispose de monuments singuliers. L’opportunité aux artisans, sculpteurs en particulier, de se révéler et proposer leurs talents.

C’est le cas de celui de Rodez, réalisé par le sculpteur Denys Puech. Son cadre architectural a été détruit en 1974 et remplacé par un piédestal. Il a aussi été déplacé, de la place d’Armes au jardin public du Foirail, non sans polémique. Une même polémique alimente actuellement le monument d’Espalion comme ce fut le cas à Decazeville voici une décennie.

Message pacifiste

À Decazeville justement, le monument a la particularité, avec celui de Mur-de-Barrez et de Boisse-Penchot, de diffuser un message pacifiste. Ces trois monuments sont d’ailleurs inscrits au titre des Monuments historiques depuis le 18 octobre 2018 sur un ensemble de quarante-deux monuments aux morts de la région Occitanie.

Autre particularité de l’édifice decazevillois, celle de ne faire figurer aucun nom. En revanche, le livre d’or de la commune fait état de 370 morts, ce qui est considérable pour une commune d’un peu plus de 10 000 habitants à l’époque. Cet édifice se veut un monument dénonciateur de la guerre avec des serpents dressés qui apportent le venin destructeur de l’humanité et à l’arrière-plan des tombes à l’infini. Devant l’obélisque, une sculpture en bronze représente une lanterne de mineur, sur un socle en pierre, symbole du passé minier de la cité.

Boisse-Penchot et la Libre-Pensée

Non loin de là, à Boisse-Penchot, le monument a aussi été référencé par la Libre-Pensée dont Victor Hugo et Jean Jaurès furent d’ardents défenseurs. Il a été réalisé par le sculpteur Marc Robert, né à Agen-d’Aveyron et qui a, entre autres, conçu le buste de George Sand au cimetière Montparnasse.

À la pointe du Nord-Aveyron, à Mur-de-Barrez, le monument aux morts est aussi résolument pacifiste. Comme le soulignait alors Hélène Charbey, adjointe à la culture lors de sa restauration en 2019 : "L’initiative de la modification du message revient peut-être au fondeur qui, ayant été brancardier, a pu mesurer l’ampleur du désastre humain." Le fondeur du monument était Eugène Rudier qui a exercé avec Rodin.

Tristesse, douleur, solitude, cette litanie de morts touche, avec force et beauté, grâce au savoir-faire des artisans. Il suffit de croiser le regard de ce soldat, tendu et dépourvu de fusil. En arrière-plan, les barbelés, les ruines, les villages dépeuplés. Car c’est la France paysanne qui est partie au combat.

"On ne passe pas", "Le Poilu montant la garde", "Le coq", ou encore "Le salut aux héros" dont on retrouve plusieurs répliques à Arvieu, La Cavalerie, Saint-Hippolyte ou Auzits marquent gloire et fierté. Autant d’allégories comme "Le poilu victorieux" conçu à plus de 900 reprises en France ou "Le poilu au repos" recensé plus de 40 fois, dont un se trouve à Sébazac-Concourès. Le message est symbolique pour faire son deuil.

Le monument de Sainte-Eulalie-d’Olt avec sa réplique de Jeanne d’Arc se veut même christique à l’inverse des monuments dénonciateurs de la guerre qui humanisent. Par le sens du détail, visages et paysages parlent et éprouvent. Parmi les sculpteurs de renom, Louis Bellouvet qui fut disciple de Denys Puech, a réalisé ceux de Marcillac et Salles-la-Source. Contre l’oubli. Leur conception en bronze, calcaire ou en marbre venu de Carrare en Italie comme pour celui de Viviez, témoigne de la portée du message. Un message pour transmettre, perpétuer le souvenir.

L’heure de la réhabilitation

Des monuments au présent, à regarder à nouveau, autrement. Surtout en cette période sombre. Si la pierre semble figée dans l’histoire, celle-ci est en perpétuel mouvement. À l’image des noms qui s’ajoutent encore. Comme c’est le cas pour Jean Marty et Germain Monjeau sur le monument aux morts de Toulonjac cette année. Des soldats attendent encore leur heure, de même que les fusillés et déserteurs. À l’heure où certains veulent déboulonner les statues, de l’importance de la présence de ces pierres comme gardien de la mémoire pour ne pas que chaque individu ne devienne un soldat inconnu.

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Les commentaires (1)
Mézac Il y a 5 mois Le 12/11/2023 à 11:53

Des élus d'une commune du Nord-Aveyron (dont je tairai le nom), ont été envoyés à Paris pour acheter une statue afin commémorer la terrible guerre.
Ils ont fêté leur voyage dans un célèbre cabaret parisien où ils ont dépensé une bonne partie de l'argent qui leur avait été confié (à l'époque : pas de chèque ni de CB).
Ils sont revenus avec une petite statue, sans rapport avec l'imposant piédestal qui l'attendait.
Cherchez de quelle commune il s'agit ...