2023 en Aveyron : l’étrange mystère autour d’œuvres de Soulages qui dégoulinent

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  • Les coulures peuvent atteindre quelques centimètres de longueur.
    Les coulures peuvent atteindre quelques centimètres de longueur. Capture d'écran - Vidéo CNRS
Publié le , mis à jour

Une équipe de chercheurs du CNRS de Toulouse et une restauratrice doctorante ont enquêté cette année sur le phénomène qui touche des toiles réalisées entre 1959 et 1960, à Paris, du maître de l’Outrenoir, le peintre ruthénois Pierre Soulages. 

En ce jour de Noël, le compte à rebours vers la nouvelle année démarre. L'occasion de revenir sur les temps forts qui ont marqué 2023 dans l'actualité aveyronnaise. On démarre par les insolites.

Des tableaux de Pierre Soulages, le maître de l’Outrenoir, dont la peinture redevient liquide et se met à couler : voilà le mystère sur lequel des scientifiques du CNRS à Toulouse se sont penchés cette année. Jusqu’à publier une vidéo qui a fait couler beaucoup d’encre, le 6 mai dernier.

"La peinture devient de plus en plus molle"

"La peinture, plutôt que de s’oxyder et de devenir de plus en plus cassante devient de plus en plus molle, et quelques fois liquide", expliquait dans celle-ci Pauline Hélou de la Grandrière, restauratrice du patrimoine depuis 17 ans, et qui consacre sa thèse à ces altérations.

Ce phénomène a été remarqué sur des œuvres produites par Pierre Soulages à Paris entre décembre 1959 et mars 1960. "On retrouve les mêmes altérations dans les peintures de Soulages que dans les peintures d’autres artistes qui travaillaient à Paris à la même période et qui se fournissent chez les mêmes marchands de couleur".

Conditions de séchage, exposition précoce…

Et de poursuivre : "On a des altérations qui sont très similaires et qui sont liées à un comportement des matériaux très particuliers de cette époque", précise Pauline Hélou de la Grandrière dans cette vidéo. "Ces œuvres sont très importantes aujourd’hui pour l’histoire de l’art, parce qu’elles ont contribué à la diffusion de l’abstraction française, et aussi dans l’histoire des œuvres de Soulages parce que c’est une période où il a accédé à un niveau de reconnaissance internationale assez important".

Pour mieux comprendre ce phénomène, une équipe de scientifique du CNRS, des spécialistes de l’optique, est venue à Toulouse, aux Abattoirs, le musée du Frac Occitanie, pour examiner trois tableaux de Pierre Soulages, sur lesquels Pauline Hélou de la Grandrière est intervenue. Différents appareils ont été utilisés pour comprendre l’évolution chimique de cette peinture.

"Un problème de vieillissement"

Car c’est bien une évolution de ses composants qu’il faut tenter de décrypter : "Les peintures ont été sèches, tout à fait sèches. Ce n’est pas un problème de séchage, mais un problème de vieillissement. La peinture redevient fluide et s’écoule des empâtements". Un prototype a été mis au point pour mieux scruter l’intérieur même de la peinture, comme l’explique Mathieu Thoury, physico-chimiste. "On vient sonder la manière dont les liants ou les pigments qui participent aux couches picturales absorbent la lumière et la manière dont ils réémettent cette lumière en luminescence".

Toutes les œuvres auraient comme point commun d’avoir été exposées immédiatement après leur création, et qui ont donc voyagé dans l’obscurité, avec des variations de températures peut-être importantes, peu de temps après avoir été achevées.

Le musée ruthénois tempère

Toujours est-il que c’est peu de dire que cette publication en ligne du travail de recherches du CNRS de Toulouse à propos des coulures inexpliquées sur trois des œuvres de Pierre Soulages a fait couler de l’encre dans la sphère médiatique. Naturellement, lors de la Nuit des musées notamment, où beaucoup de monde a fréquenté les salles du musée ruthénois, la question était sur toutes les lèvres, dans tous les regards. Combien ont scruté les toiles de près, sûrs de dégoter une larme.

"Un phénomène connu des restaurateurs"

Dans cette fulgurance médiatique, le musée Soulages de Rodez ne s’était jusqu’alors pas exprimé. Hormis le directeur Benoît Decron, qui avait prévenu, dans Le Parisien, que les œuvres de Rodez ne risquaient rien, le musée ruthénois n’avait pas fait de communication. Il avait alors tenté de dépassionner le sujet. Via la page Facebook du musée, il a fait un peu de lumière sur le sujet.

Primo : "Ce n’est pas soudain : ce phénomène est connu des restaurateurs depuis une vingtaine d’années. Il touche plusieurs peintres du XXe siècle", a commencé à préciser le musée.

Deuzio : "Les peintures ne dégoulinent pas : ces fluidifications se font à l’échelle microscopique et sont très rarement visibles à l’œil nu. Pour les trois peintures de Soulages où les coulures sont visibles, c’est avec un regard d’expert".

Tertio : "Les scientifiques cherchent. C’est un sujet d’étude qui rassemble des chimistes, des physiciens, des historiens, autour de la restauratrice Pauline Hélou de La Grandière qui effectue une thèse sur ce sujet. Elle nous donnera ses conclusions dans quelques mois : ses résultats ne sont pas encore publiés".

Fin de l’histoire ?

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