Les déchets alimentaires interdits de poubelle depuis le 1er janvier : une obligation pour l'instant largement impossible

  • Nos poubelles contiennent environ 30% de matière organique: pelures, coquilles d'oeuf, marc de café, restes de repas, parfois donnés aux poules ou aux chiens, ou compostés dans le jardin, mais le plus souvent jetés en pure perte.
    Nos poubelles contiennent environ 30% de matière organique: pelures, coquilles d'oeuf, marc de café, restes de repas, parfois donnés aux poules ou aux chiens, ou compostés dans le jardin, mais le plus souvent jetés en pure perte. Roman Mykhalchuk / Getty Images
Publié le , mis à jour
Centre Presse Aveyron

Depuis ce lundi 1er janvier, les déchets alimentaires ne doivent plus être jetés à la poubelle, mais cette obligation européenne restera encore de longs mois très théorique pour une majorité de Français faute d'une solution locale pour collecter séparément leurs biodéchets.

Au 1er janvier 2024, "moins d'un Français sur trois aura effectivement accès à une solution de tri à la source dans sa collectivité", regrette l'ONG Zero Waste Europe.

Le ministère de la Transition écologique lui-même n'a pas caché que seuls 27 millions de Français, soit 40% de la population, auraient une solution en 2024: une collecte porte-à-porte, un point d'apport volontaire proche de chez soi, ou la mise à disposition d'un bac de compostage sur la base du volontariat.

"Cette obligation est connue depuis 2015!", rappelle Zero Waste Europe, dénonçant "un retard inacceptable" qui selon elle "traduit un manque de volonté politique des collectivités locales comme de l'Etat".

Trois métropoles seulement

A Paris, la ville a expérimenté la collecte dans les immeubles comme à Milan où cela fonctionne bien, mais est déçue par la faible utilisation. A la place, elle installera d'ici fin 2024 environ 500 nouveaux bacs à biodéchets dans les rues, où les Parisiens devront apporter leurs épluchures et restes alimentaires, en espérant qu'ils n'y jetteront rien d'autre.

Rien ne change dans l'immédiat non plus pour les 1,9 million d’habitants de la deuxième métropole française, Aix-Marseille. Des points de collecte en extérieur existent déjà comme expérimentations, et d'autres seront installés progressivement en 2024.

La métropole de Lyon a entamé les démarches dès 2021. Selon l'agglomération d'1,4 million d'habitants, des bornes de compostage ont été installées tous les 150 mètres, soit 1.300 en tout pour l’instant.

Des petites villes ont anticipé depuis longtemps.

Dans la communauté urbaine du Grand Besançon existent des composteurs individuels en maison, des bacs partagés pour les copropriétés et des chalets de compostage prévus pour des quartiers entiers, à l'accès réservé aux riverains munis d'un code. Dans l'hypercentre, une collecte par vélo cargo des seaux à biodéchets, expérimentée depuis 2022, doit être étendue à 15.000 riverains en 2024.

Conséquence, les habitants de l'agglomération n'auront plus à sortir les poubelles d'ordures résiduelles (bac gris) qu'une fois tous les 15 jours.

Pas d'amende 

Le gouvernement s'est surtout employé à ne pas prendre à rebrousse-poil une opinion publique perçue comme réticente, insistant pour dire qu'il n'y aurait pas d'amende en cas de non-tri, ni d'obligation d'avoir un seau à épluchures trônant au milieu de son salon.

Tardives et non contraignantes, les modalités d'application de la loi n'ont été publiées que début décembre.

Un simple avis, dépourvu de la portée d'un décret, qui "ne prévoit ni sanctions ni objectifs de résultat", décrypte l'association d'élus Intercommunalités de France.

Le texte n'oblige même pas les collectivités à lancer une étude de préfiguration avant le 31 décembre, mais uniquement à prouver qu'elles ont décidé de le faire.

Alléger les poubelles

Nos poubelles contiennent environ 30% de matière organique: pelures, coquilles d'oeuf, marc de café, restes de repas, parfois donnés aux poules ou aux chiens, ou compostés dans le jardin, mais le plus souvent jetés en pure perte.

L'enjeu est le même qu'à Bruxelles, Milan ou Séoul où le tri des biodéchets est rentré dans les moeurs.

Il s'agit d'abord d'alléger nos poubelles et d'autre part de cesser de brûler en incinérateur des déchets organiques contenant beaucoup d'eau, ou de les enfouir en décharge, au lieu de les valoriser en compost pour le potager ou l'agriculture, ou en biogaz pour rouler ou se chauffer.

En avance

"Pour nous, c'est rentable", ose Odile Bégorre-Maire, élue de Lay-Saint-Christophe (Meurthe-et-Moselle) qui a près de 30 ans de recul.

L'intercommunalité du bassin de Pompey (environ 40.000 habitants), dont elle est vice-présidente, a inauguré une plateforme de compostage dès 1999. La collecte en porte-à-porte touche deux tiers des habitants.

En coeur d'agglomération, là où il n'y a ni courette ni jardin et des cages d'escaliers trop étroites, des points d'apport volontaire ont été placés dans la rue dans un rayon de 100 à 150 mètres des habitations.

Tout n'est pas parfait et "il y a encore 20% de biodéchets qui pourraient encore être éliminés du sac contenant les ordures ménagères résiduelles, et toujours 10% de lieux où les gens ne s'y mettent pas vraiment", dit-elle à l'AFP.

Mais depuis janvier 2023, les éboueurs ne passent plus qu'une fois tous les 15 jours pour les ordures ménagères résiduelles. Pour les biodéchets et le recyclage, le ramassage a lieu chaque semaine.

"Les gens ont eu seulement 2 ou 3% de hausse de la taxe d'enlèvement des ordures depuis 2016, alors que, sinon, la taxe aurait grimpé de 25%", calcule-t-elle.

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