Guerre entre Israël et le Hamas : six mois après le 7 octobre 2023, "il n’y a pas de porte de sortie visible" au conflit

Abonnés
  • L'hôpital d'Al-Shifa à Gaza après les combats entre Tsahal et le Hamas.
    L'hôpital d'Al-Shifa à Gaza après les combats entre Tsahal et le Hamas. Facebook - Manyusha Foundation
Publié le
Manuel Cudel

État des lieux et perspectives après 6 mois de conflit avec Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po Paris, auteur de Pour une approche subjective des relations internationales, chez Odile-Jacob.

Comment analysez-vous la situation, six mois après les attaques terroristes du 7 octobre en Israël ?

La leçon essentielle qu’on puisse en tirer, c’est l’inefficacité de la stratégie de la puissance contre la violence. Mais le gouvernement Netanyahou n’a pas de plan B et la classe politique israélienne non plus. L’opération menée par Israël au lendemain des attaques du 7 octobre consistait à éradiquer le Hamas, six mois après, cela semble plus incertain que jamais.

Pire des paradoxes, le Hamas n’a jamais été autant présent dans l’agenda international et il garde sa popularité au sein de la popularité gazaoui. Ces six mois ont été, par ailleurs, extrêmement meurtriers. C’est préoccupant aussi pour l’avenir car les victimes d’aujourd’hui inspireront des rages de demain qui risquent d’être encore plus fortes que les violences qu’on a connues le 7 octobre.

La dernière leçon, c’est l’incertitude et le manque de cohérence de la communauté internationale. Le seul acteur qui peut mettre fin à cet engrenage de la violence à Gaza est Washington s’il décide d’arrêter les livraisons d’armes à Israël. Mais les États-Unis tiennent l’État hébreu pour la pointe avancée de l’Occident au Proche-Orient et cela reviendrait, notamment, pour eux à faire gagner le camp de l’islamisme radical.

L’élection éventuelle de Donald Trump pourrait-elle aussi avoir un impact ?

C’est un partisan inconditionnel non seulement de l’État d’Israël mais de Benyamin Netanyahou, un soutien sur lequel mise le Premier ministre israélien. Mais son élection ne viendrait pas effacer totalement le contentieux américano-israélien qui ne cesse de grandir, ne serait-ce que parce que la société américaine se transforme, une bonne partie de la jeunesse est maintenant plus proche de la cause palestinienne.

Benyamin Netanyahou fait face, dans le même temps, à une contestation croissante dans son propre pays.

Cette pression acquiert une intensité inédite, avec notamment un sentiment d’exaspération à l’égard de Netanyahou jugé responsable des failles sécuritaires du 7 octobre et incompétent ou manipulateur dans la gestion de cette guerre qu’il mènerait pour retarder ou empêcher sa mise en accusation devant les tribunaux israéliens.

Mais rien dans la mobilisation actuelle en Israël n’annonce un vrai changement d’attitude à l’égard de la question palestinienne.

Quelles sont les forces impliquées aujourd’hui ?

Ce conflit a des dimensions tentaculaires qui n’épargnent personne dans la région, en tout premier lieu le Liban, par l’entremise du Hezbollah, mais aussi l’Iran, le Yemen, la Syrie et l’ensemble des gouvernements arabes pris à témoin par leur opinion publique Ni l’Iran, ni la Syrie, ni le Liban n’ont véritablement intérêt à entrer dans une guerre dont le coût et les incertitudes paraissent trop élevés. Mais faut surveiller de près l’opinion publique arabe et l’évolution des acteurs déployés dans ce conflit. Et Téhéran est obligé de réagir après le raid israélien sur le consulat iranien en Syrie. Je pense qu’il y aura une riposte contrôlée. Le risque, c’est la bavure qui peut conduire à une escalade sans fin. Nous sommes donc dans une situation très dangereuse.

Cette guerre entraîne aussi une montée de l’antisémitisme en France.

Elle se traduit aussi par des actes d’islamophobie. C’est la mondialisation. Un conflit qui a lieu quelque part crée des mécanismes d’identification. Hélas, ce phénomène risque de se banaliser, cela devrait conduire la communauté internationale à prendre des initiatives fortes pour mettre fin à cette guerre et notamment à assortir la demande de cessez-le-feu de sanctions.

Le conflit a eu également un impact économique.

Il y a une logique systémique, un conflit au Proche-Orient a un impact sur la politique pétrolière mondiale, sur la circulation marchande en Mer Rouge avec les attaques des Houthis, sur le moral des opérateurs économiques, donc si ce conflit s’élargit, se renforce, il faut s’attendre à ce que l’économie mondiale en souffre.

Aujourd’hui, il en est du conflit israélo-palestinien, comme du conflit russo-ukrainien, il n’y a pas de porte de sortie visible.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
Milsabords Il y a 23 jours Le 07/04/2024 à 22:10

Et dans trente ans, à l'ouverture des archives, le président d'alors confiera que la France et ses alliés n'ont rien voulu faire pour arrêter ce qui aura été le premier génocide du XXIe siècle ...