La fin des cabanières chez Roquefort Société

  • Même si ces cabanières ne perdent pas leur emploi, elles vont changer de métier après plus de 20 ans d’expérience pour toutes.
    Même si ces cabanières ne perdent pas leur emploi, elles vont changer de métier après plus de 20 ans d’expérience pour toutes. Repro CP
Publié le , mis à jour
ML

L’année des 150 ans des caves de Roquefort, la direction a décidé de se séparer de ses cabanières qui emballaient et triaient encore les meilleurs fromages à la main. La fin d'une époque. 

La nouvelle est tombée en comité d’entreprise le 13 septembre. Abrupte, l’année des 150 ans des caves. Le métier emblématique de cabanière va vivre sa dernière saison à Roquefort Société. Les huit femmes qui emballaient et triaient encore les meilleurs fromages à la main seront remplacées par une machine. Cet abandon du “plombage” manuel s’accompagne d’un changement de procédé dans l’affinage de 90 jours de la fine fleur du roquefort. Les feuilles d’étain seront remplacées par l’aluthène (une feuille d’aluminium recouverte de plastique d’un côté, ndlr). L’image traditionnelle des travées en bois va s’effacer au profit de caissettes en plastique avalées par la machine.

Un recul "social, de savoir-faire, d’image et commercial" 

Hier, les représentants syndicaux CFDT et CGT de Roquefort Société livraient leur écœurement et leurs interrogations. D’une part, "le savoir-faire des huit personnes concernées va disparaître car la machine ne saura pas juger de la qualité du produit". Même si ces cabanières ne perdent pas leur emploi, elles vont changer de métier après plus de 20 ans d’expérience pour toutes. "Déjà que Lactalis (la société mère, ndlr) trouve que nous sommes en sureffectif, ce n’est pas rationnel de supprimer des métiers", disent-ils.

De même, ils s’inquiètent sur la qualité de l’affinage avec ce nouveau matériau. Autre inconvénient, à l’heure où l’on parle beaucoup d’écologie, l’étain avait l’avantage d’être recyclable. Les 5 à 6 millions de feuilles étaient refondues, puis laminées pour être réutilisées. L’aluthène sera jeté. Enfin, dernier argument, le commercial. Parmi les gros producteurs de roquefort, Société avait su garder un petit pan artisanal. "D’ailleurs, ce que l’on vend aux touristes quand on fait visiter les caves, c’est ce métier, cette âme, s’étonnent syndicalistes et cabanières. Elles ont été très sollicitées par la direction, pour représenter la marque lors des 150 ans." 

Changement d'image dans un contexte défavorable 

Ils craignent le mécontentement de la clientèle haut de gamme et des crémiers avides du "produit le plus noble". Sans compter la tendance des consommateurs à rechercher de plus en plus des produits artisanaux. Et ce changement d’image de la marque arrive dans un contexte très défavorable. "En dix ans, nous sommes passés de 5,8 millions de pains de roquefort à 3,7. De 80% de parts de marché à 60%. Mais la direction répète que c’est la marque et la qualité qui nous sauvent", assènent, déboussolés, les représentants syndicaux. Selon les membres du comité d’entreprise, la direction changerait de procédé pour des questions de productivité, d’évolution du métier et de sûreté d’approvisionnement en films, car il n’y a qu’un seul fournisseur -et très cher- d’étain en France, Soudetain, basé près de Decazeville. Seulement, hier, malgré nos sollicitations, la direction de Roquefort société n’a pas répondu. Quant aux syndicats CFDT et CGT, ils attendent le début de la saison pour décider de leurs actions à venir. Ils souhaitent aussi fédérer le monde agricole autour de leur combat. 

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