Les greffiers en grève pour ne plus être les parents pauvres de la justice

  • Une greffière photographie ses collègues lors d'une manifestation le 3 avril 2014 devant le palais de justice à Paris
    Une greffière photographie ses collègues lors d'une manifestation le 3 avril 2014 devant le palais de justice à Paris AFP/Archives - Joel Saget
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AFP

Profession de l'ombre mais rouages essentiels du système judiciaire, les greffiers, qui s'estiment délaissés et déconsidérés, sont appelés à une grève mardi pour réclamer la revalorisation de leur statut et de leur rémunération.

Le mouvement, parti d'Agen, dure depuis près d'un mois déjà, mais se cantonnait jusqu'ici à des rassemblements sur les marches de dizaines de palais de justice en France, sans interruption de travail.

Mardi, un palier sera franchi avec la première grève d'ampleur nationale depuis près de 14 ans, à l'appel des quatre principaux syndicats de la profession (Unsa-Services judiciaires, CGT Chancellerie et services judiciaires, SDGF-FO et CFDT-Interco justice).

C'est le grand chantier dit de la "Justice du XXIe siècle", en gestation, qui a mis le feu aux poudres et déclenché cette grogne venue de la base.

Parmi les très nombreuses pistes évoquées pour cette réforme figure la création d'un greffier juridictionnel, aux missions élargies. Il pourrait notamment prononcer un divorce par consentement mutuel, compétence qui relève aujourd'hui du seul juge.

"Beaucoup de greffiers sont intéressés par le greffier juridictionnel, mais c'est beaucoup ce qu'on fait déjà au quotidien. Depuis longtemps, les magistrats se reposent sur leurs greffiers", affirme Camille, greffière au tribunal de grande instance de Paris.

Il est temps, estiment-ils, que soit reconnu cet état de fait par le biais, notamment, d'une revalorisation de la grille des salaires, qui n'a quasiment pas bougé depuis 2003. Aujourd'hui, un greffier du premier niveau en fin de carrière plafonne à 2.315 euros bruts par mois.

Un niveau de rémunération qu'ils rapportent à celui de leurs études: bac+2 est nécessaire pour le concours de l'Ecole nationale des greffes, mais "tous les collègues que je connais ont des bacs+4 ou +5", assure Christian, du TGI de Paris.

La grève se tient le jour d'une réunion entre les syndicats et la Chancellerie pour évoquer la réforme statutaire des greffiers. Une première entrevue avait eu lieu le 11 avril, sans avancée.

- Soutien des syndicats de magistrats -

"Depuis plusieurs années, ça a toujours été les magistrats qui ont été revalorisés", s'indigne Christian. Le décalage passe d'autant plus mal que les magistrats ne sont pas toujours tendres avec les greffiers.

"Avec certains, cela se passe très bien, mais d'autres nous considèrent comme des domestiques", observe Christian.

"Pourtant, nous sommes essentiels au bon fonctionnement de la justice", martèle une greffière, qui, sous couvert d'anonymat, énumère les étapes où le rôle de la profession est essentiel, notamment pour éclairer "un avocat ou un magistrat perdu dans les méandres procéduraux".

Le greffier est à la fois le garant de la procédure judiciaire, mais aussi le visage de la justice pour beaucoup de justiciables, le contact privilégié des avocats et des policiers, sans compter le juge, qui ne peut rien faire ou presque sans lui.

"Chez nous, c'est comme partout, il y a des fainéants, mais il y a aussi beaucoup de gens très investis, qui ne comptent pas leurs heures. Quand une audience se termine à minuit, on est là. Quand quelqu'un doit être déféré à une heure tardive, on est là", explique un jeune greffier qui préfère ne pas être identifié.

"J'aimais ce métier, j'avais l'impression d'être utile. Là, je suis complètement démotivée", lâche Catherine Baudon, également greffière à Paris.

Bien que les deux principaux syndicats de la magistrature soutiennent le mouvement, les greffiers ne pensent pas que beaucoup de magistrats se joindront mardi au cortège qui partira de la place du Châtelet pour arriver à proximité du ministère de la Justice.

Les greffiers, eux, devraient être là en nombre et pour beaucoup en robe. De Paris, d'Ile-de-France, mais aussi de province, d'où arriveront plusieurs autocars.

Le plus souvent mesurés dans leur expression, ils ne parlent pas encore de pourrissement du conflit. Mais "si jamais ils ne nous font pas de belles propositions" lors de la réunion prévue mardi, "ça va être le feu", prévient l'un d'eux.

Source : AFP

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