Narguant la crise en Espagne, Valence s'embrase pour la fête des Fallas

  • Des "ninos", poupées satiriques typiques des Fallas de Valence, représentent Hitler, Staline et Kim Jong-il, le 16 mars 2015
    Des "ninos", poupées satiriques typiques des Fallas de Valence, représentent Hitler, Staline et Kim Jong-il, le 16 mars 2015 AFP - José Jordan
  • Des "ninos", poupées satiriques typiques des Fallas de Valence, représentent Poutine et Obama, le 16 mars 2015 Des "ninos", poupées satiriques typiques des Fallas de Valence, représentent Poutine et Obama, le 16 mars 2015
    Des "ninos", poupées satiriques typiques des Fallas de Valence, représentent Poutine et Obama, le 16 mars 2015 AFP - José Jordan
  • Deux "ninots" parmi les 760 "monuments" ou personnages en carton et polystyrène des Fallas de Valence, le 14 mars 2015
    Deux "ninots" parmi les 760 "monuments" ou personnages en carton et polystyrène des Fallas de Valence, le 14 mars 2015 AFP - José Jordan
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Centre Presse Aveyron

Barack Obama en tutu blanc esquisse un pas de danse et tacle Vladimir Poutine. Ces "ninots", poupées satiriques et colorées fabriquées lors des Fallas de Valence, l'une des fêtes les plus populaires d'Espagne, disparaîtront le 19 mars dans de gigantesques brasiers.

Tous brûleront "sauf deux: un adulte et un enfant, épargnés par le vote des visiteurs", qui finiront au musée Fallero, explique le jeune fallero Vicente Rodriguez, 26 ans, supervisant l'exposition des personnages.

Ces festivités très anciennes - la première trace écrite les évoquant date du XVIIIe siècle - que l'Espagne voudrait voir inscrites au patrimoine immatériel de l'humanité de l'Unesco attirent chaque année plus d'un million de touristes.

La fête s'ouvre fin février et son apothéose a lieu près de trois semaines plus tard, quand ces "ninots", quelque 760 "monuments" ou personnages en carton et polystyrène pouvant atteindre 30 mètres, disparaissent dans les flammes d'immenses feux de joie.

Raillant la crise et la corruption, les saynètes qu'ils composent sont humoristiques - comme cette représentation du chef du parti antilibéral Podemos Pablo Iglesias, trônant sur des toilettes, tenant un rouleau de papier à l'effigie du chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy.

Elles se font parfois plus graves, comme celle baptisée "Je suis Charlie", en hommage aux victimes de l'attentat commis en janvier à Paris contre le journal satirique Charlie Hebdo, montrant des crayons hurlant devant un pot d'encre rouge renversé, bras en l'air et poings serrés, aux côtés d'autres pleurant ou en colère.

Pendant les Fallas, les corridas dont la saison vient de s'ouvrir passent même au second plan. Les géants en papier animent les rues illuminées, où flottent les parfums de churros (beignets) et de paellas.

- Charpentiers et satire -

Fête païenne, les Fallas sont nées lorsque les charpentiers, à l'arrivée du printemps, "nettoyaient leurs ateliers et faisaient un feu", raconte Ximo Palomarez, responsable du musée Fallero.

Ils fabriquaient alors des poupées avec les torches qui les éclairaient l'hiver et de vieux habits.

"C'était une manière pour le peuple de critiquer et ridiculiser avec humour ceux qui avaient du pouvoir et en abusaient", explique M. Palomarez.

Le dernier dimanche de février, le coup d'envoi est donné, à 7h30, lors de la "desperta", les premières détonations de pétards.

Puis chaque jour à 14h00, jusqu'au 19 mars, la ville tremble au rythme des "mascletas", cinq minutes d'explosions de plus de 100 kg de poudre, aux allures de fin du monde. La place de la mairie bordée de palmiers est envahie par des milliers de spectateurs venus ressentir le "terremoto" (séisme), lorsque culminent ces détonations faisant trembler le sol, nouant le ventre et inondant le centre-ville d'un nuage blanc de soufre.

- Dévotion -

Pour le novice, difficile de comprendre que des familles, des amis, des voisins réunis en associations, les "Commissions Falleras", engloutissent parfois toutes leurs économies pour créer ces géants éphémères. Le plus cher recensé à ce jour, en 2009, a coûté 900.000 euros, malgré la crise. En 2015, le budget des Fallas de Valence a atteint 6,9 millions d'euros.

"Les Fallas, c'est un mode de vie. Pour moi, c'est comme entrer en religion. C'est une dévotion", témoigne l'instituteur Vicente Rodriguez, fallero comme son père et son grand-père.

"C'est comme une équipe de football travaillant toute l'année pour gagner la Coupe d'Europe." "Je suis content de travailler un an pour pouvoir brûler une Falla. Ensuite je pleure et je recommence", dit-il.

Son association, comme 380 autres, participe à des concours et en organise, imagine défilés, concerts et loteries pour récolter des fonds et financer ainsi ses créations.

"C'est une manière d'apprendre aux petits à partager avec les autres", témoigne Carmen Sancho, issue de l'une des plus anciennes familles de Valence et élue "Fallera Mayor" (Reine) en 2014, à 22 ans.

Vêtue comme les autres "falleras" d'une luxueuse robe à crinoline brodée à la main comme au XIXe siècle, elle défile en fanfare avec 100.000 autres Valenciens pour l'offrande de milliers de bouquets de fleurs à "la Vierge des Abandonnés", patronne de la ville.

Jeudi, après avoir mis le feu à leur "falla", nombre d'entre eux convergeront vers la mairie pour voir la plus grande création, un lion de 22 mètres, symbole de force, partir en fumée.

Pour rien au monde Hector Sebastia, soudeur de 29 ans, ne raterait cette fête. "Certains habitants s'en vont pendant les Fallas: ils disent qu'on passe nos journées à lancer des pétards et à se bourrer. Ils n'ont rien compris."

Source : AFP

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