Rodez. Affaire Viguier : "ça a brisé Jacques", témoigne son ex-compagne

  • Chef d’entreprise à Rodez, Émilie a partagé la vie  de Jacques Viguier durant  près de 10 ans.
    Chef d’entreprise à Rodez, Émilie a partagé la vie de Jacques Viguier durant près de 10 ans. Mat.R.
Publié le
Mathieu Roualdés

À bientôt 40 ans, Émilie, cadre à Rodez, témoigne pour la première fois sur l’affaire Viguier. Et sa vie commune avec Jacques, acquitté à deux reprises suite à la disparition de sa femme, dans les années 2000.

Elle n’avait jusqu’alors jamais témoigné, si ce n’est à la barre d’une cour d’assises. Avant de trouver la force de se livrer, notamment grâce à la sortie du film Une intime conviction, revenant sur la célèbre affaire Viguier. "Ce film, c’est une bénédiction pour moi", explique cette Ruthénoise qui, de 2001 à 2008, a partagé la vie de celui que certains considèrent encore comme l’auteur du "crime parfait" malgré deux acquittements, en 2009 et en 2010 en appel, à la suite de la disparition de sa femme, Suzy, en 2000, dont on n’a jamais retrouvé le corps… Entretien.

Comment avez-vous rencontré Jacques Viguier ?

Il était mon professeur de droit à l’université. On a rapidement noué une relation avant d’emménager ensemble alors que l’affaire faisait la Une de tous les journaux…

Vous n’aviez que 20 ans au début de la relation. Comment, à cet âge-là, surmonte-t-on le fait que son compagnon soit accusé de meurtre et en attente de son procès ?

J’ai mal vécu le fait qu’on puisse penser que j’ai partagé la vie d’un criminel autant de temps. Surtout, lorsqu’on connaît mes valeurs. Je me suis toujours considérée comme une victime collatérale de cette affaire. Je n’ai jamais eu honte. Et j’ai surtout ressenti beaucoup d’impuissance face à la machine judiciaire et médiatique. J’avais trop idéalisé ce système, je m’étais d’ailleurs dirigée vers le droit pour devenir juge d’instruction…

Ce système judiciaire vous a néanmoins donné raison en acquittant à deux reprises Jacques Viguier…

Certes, mais le mal était déjà fait. Le premier procès a eu lieu près de 10 ans après les faits ! Les parents de Jacques en sont morts, lui est totalement détruit moralement. C’est d’ailleurs en grande partie ce qui m’a amenée à le quitter, pour ne pas sombrer à mon tour… Puis, aujourd’hui encore, tout le monde croit qu’il est coupable ! Et personne n’a eu de réponses sur la disparition de Suzy. L’enquête n’a jamais cherché à en avoir d’ailleurs..

C’est-à-dire ?

On peut très bien enquêter et ne pas aboutir à une réponse. Mais dans cette affaire, le juge d’instruction et la police n’ont exploré aucune autre piste que celle de Jacques. C’est totalement fou ! Durant 10 ans, on n’a jamais eu accès aux écoutes téléphoniques, on n’a jamais véritablement envisagé une disparition alors que c’est totalement plausible.

Bref, il n’y avait strictement rien dans le dossier. Il n’y aurait jamais dû avoir de procès et un non-lieu directement ! Mais l’affaire était trop belle pour tout le monde, en présentant Jacques comme vice-doyen de l’université ou encore comme notable… Un portrait médiatique très éloigné de l’homme avec lequel j’ai vécu durant toutes ces années. C’est incroyable toutes les choses fausses qui se sont dites sur cette affaire.

Depuis tout ce temps, vous n’avez jamais douté de la culpabilité de Jacques Viguier ?

Jamais. Tous les gens qui connaissent le dossier sont convaincus de son innocence. Et ce film me fait beaucoup de bien car il offre enfin un peu de la vérité au grand public !

Ce film justement va dans votre sens, tout en jetant le trouble sur l’amant de Suzy Viguier, Olivier Durandet. Ce dernier a d’ailleurs demandé l’interdiction du film. Selon vous, fait-il partie de ces pistes non exploitées ?

Évidemment qu’il en fait partie. Maintenant, on s’interdira toujours de faire à qui que ce soit ce qu’on a vécu, même si cette personne est absolument antipathique et qu’elle a manipulé énormément de choses…

Et concernant Suzy, privilégiez-vous la piste criminelle ou une disparition ?

On ne sait pas. Il n’y a aucun élément. Et malheureusement, je n’admettrai jamais que l’enquête fut aussi peu sérieuse. Surtout pour les enfants de Jacques. Le drame, il est là ! Car comment se construire avec un papa détruit, une maman disparue et une confiance perdue dans les institutions. Pour eux, la police et la justice, c’est synonyme d’inquiétant aujourd’hui. Je ne souhaite à personne de vivre cela.

Avec Jacques Viguier, n’avez-vous jamais cherché à trouver la vérité ?

Si, bien entendu. On a engagé des détectives privés et autres. Mais Jacques a totalement subi toutes les fausses accusations et les procès. Je ne lui en veux pas même si j’ai toujours eu envie de lui crier ‘‘bouge-toi’’ ! Son attitude lui a causé du tort mais elle est totalement à l’opposé du criminel machiavélique qu’on a présenté. Cette affaire l’a brisé. Il est devenu bipolaire suite à sa garde à vue avec des phases de grande dépression… Cela a été très dur pour lui car il avait construit sa vie en voulant être aimé de tous. Et encore aujourd’hui, je ne vois pas comment il pourrait se sortir de cette sidération. Il n’était pas armé pour faire face à cela.

"Une intime conviction" : un film déjà salué par la critique

Lundi dernier, dans la salle feutrée du CGR de Rodez, la projection du film Une intime conviction, suivi d’un débat avec le réalisateur Antoine Rimbault, a fait le plein.Et le long-métrage revenant sur le procès en appel de Jacques Viguier, en 2010, a séduit tout le public.La critique est d’ailleurs unanime depuis sa sortie, le 6 février dernier. Captivant, épatant, prenant...les qualificatifs ne manquent pas pour ce film comme pour le jeu des acteurs, Marina Foïs et Olivier Gourmet en premier lieu.
Si ce premier essai du réalisateur parisien redessine les contours flous de l’affaire, il a pour certains également définitivement acquitté Jacques Viguier. Avec la diffusion notamment d’écoutes accablantes, notamment pour l’amant de Suzy : Olivier Durandet.Jamais inquiété dans l’affaire, ce dernier a d’ailleurs porté plainte contre le film, tout en demandant son interdiction.« Plus que l’affaire, ce film se penche surtout sur notre système judiciaire », a quant à lui indiqué le réalisateur, ne souhaitant pas entrer dans la polémique.

Le film peut-il faire évoluer l’opinion publique ?

Oui, je l’espère. Car, pour une fois, quelqu’un introduit un peu de vérité sur cette affaire ! Et c’était inespéré qu’on puisse se faire entendre un jour. Même si le film n’est pas un plaidoyer pour défendre Jacques. Alors qu’on pourrait s’attaquer à tous les points du dossier. Le film met surtout en évidence le désarroi qu’on a ressenti face à l’injustice.

Êtes-vous toujours en contact avec Jacques Viguier ?

Directement, non. Mais j’ai conservé beaucoup de contacts avec ses enfants, désormais adultes, et que j’ai élevés avec Jacques pendant ces neuf ans. Ils sont très importants pour moi.

L'affaire Viguier en dates

27 février 2000. Suzy Viguier, âgée de 38 ans et mariée à Jacques, disparaît, à Toulouse, à la suite d’une soirée avec son amant, Olivier Durandet.
1er mars 2000. Jacques Viguier déclare la disparition de son épouse et dépose plainte contre X.
10 mars 2000. A la suite d’une perquisition à son domicile, Jacques Viguier est placé en garde à vue et mis en examen pour assassinat. 
30 avril 2009. Après dix jours de procès hypermédiatisé, Jacques Viguier est acquitté. Le parquet fait appel.
2 mars 2010. Défendu notamment par Me Eric Dupont-Moretti, Jacques Viguier est une nouvelle fois acquitté lors de son procès en appel devant la cour d’assises d’Albi.

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Les commentaires (1)
Albiana Il y a 1 année Le 24/04/2023 à 14:15

C'est courageux !