Rodez : l’armoire à reliques de Saint-Amans

Dans la chapelle d’axe du chœur de l’église Saint-Amans prend place un retable du XVIIIe siècle, commandé au peintre Alexis Salinié en 1764, dans les derniers travaux de l’église nouvellement édifiée. Dans l’inventaire dressé en février 1906, faisant suite à la loi de séparation de l’Église et de l’État, il est mentionné sous ces termes : " Un autel style ancien bois sculpté blanc et or dont le haut retable encadre une peinture à huile complètement noircie par le temps ", et c’est une peinture à l’huile sur toile que les monuments historiques inscrivent à l’inventaire supplémentaire en 1908.

Sur la peinture est représenté un épisode de la vie de saint Amans au cours duquel il provoque la chute de l’idole Ruth grâce à ses prières. En s’approchant, on comprend que la peinture est réalisée sur du bois, puis on voit des serrures et on distingue les planches des deux portes d’une armoire. L’ensemble a les apparences d’un retable avec un tableau peint sur toile, alors qu’en réalité il s’agit d’un trompe-l’œil destiné à abriter les reliques les plus insignes de l’église. Les enquêteurs de 1906 s’y sont trompés et n’ont pas soupçonné la présence d’une armoire ; ce qu’elle dissimulait ne se retrouve donc pas dans leur inventaire.

Mais avant d’en présenter le contenu, attardons-nous aujourd’hui sur ce retable et armoire à reliquaires en lui-même. L’emplacement de ce retable exceptionnel avait été prévu dès la conception de la nouvelle église. En effet, la chapelle d’axe est dépourvue de fenêtre sur le mur central, destiné à recevoir le meuble dans son épaisseur. La présence d’une armoire reliquaire dans l’église était en effet ancienne et on lui accordait suffisamment d’importance pour la prévoir dans le plan d’ensemble de l’édifice.

Une armoire reliquaire en bois est mentionnée pour la première fois en 1609, dans un inventaire dressé par les consuls du Bourg : "Au-dessus du maître-autel, dans le chœur, une armoire qui sert de retable. Elle est fermée par une première porte en bois très solide, par une seconde de barreaux de fer, par une troisième en bois peint, où est représentée l’histoire de saint Amans".

Remploi, restauration

Elle est à nouveau décrite en 1732 selon des termes très proches. La proximité des descriptions avec le meuble conservé incite à penser à un remploi de l’armoire du XVIIe siècle au moment de la reconstruction. Les observations menées lors de l’étude préalable à un projet de restauration en 2016 (étude de Sandrine Cailhol et Christian Schmitter commandée par la Ville de Rodez) confirment le remploi d’éléments, peints du côté intérieur avec des motifs de faux-marbre. La peinture représentant le miracle ne peut cependant pas être celle de 1609. En effet, la vue de Rodez figurant dessus comporte une représentation de la croix de mission monumentale érigée devant la façade de la cathédrale sous l’épiscopat de Mgr de Paulmy vers 1670. La peinture a peut-être été exécutée lors de la réfection de l’autel mentionnée dans les archives en 1672, ou alors serait consécutive au remontage lors de la reconstruction de l’église et devrait être alors attribuée à Alexis Saliné.

Les recherches doivent être poursuivies pour trancher cette question.

Crédit photographique et remerciement : Christian Bousquet