Coronavirus: comment informer sans angoisser?

  • Les prises de températures dans les lieux publics se multiplient.
    Les prises de températures dans les lieux publics se multiplient. VIVEK PRAKASH / AFP
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Relaxnews

(AFP) - Comment informer sans provoquer la panique? Médias et plateformes sont plongés dans un exercice délicat pour couvrir la crise du coronavirus dans toute sa complexité, au risque d'alimenter la peur en bombardant le public d'informations anxiogènes.

"On gère aujourd'hui l'angoisse du coronavirus autant qu'on gère le coronavirus", soulignait jeudi le Pr Claude le Pen, économiste de la santé, dans l'émission "28 minutes" sur Arte.

Depuis plusieurs semaines, les informations sur le virus passent en boucle sur les chaînes d'info, dans les journaux et à la radio, et se succèdent à un rythme effrénée sur les réseaux sociaux. Un phénomène qui s'intensifie avec la multiplication des cas de contamination.

En ce moment, "vous ne pouvez plus allumer la radio ou la télé sans tomber sur le coronavirus", reconnaît le Dr Michel Cymes, qui a lui-même animé plusieurs émissions sur ce sujet, dont une grande soirée spéciale mardi sur France 2 dans laquelle il répondait en direct à des questions du public. Résultat : 2,9 millions de téléspectateurs, et plus de 37.000 questions récoltées.

BFMTV a également organisé une soirée spéciale mercredi, "Coronavirus : comment faire face ?", avec en invité vedette le Pr Jérôme Salomon, numéro deux du ministère de la Santé. Une soirée regardée par 367.000 téléspectateurs en moyenne pour sa première partie, et sur laquelle 3,7 millions de personnes en tout ont zappé, d'après Médiamétrie.

Des chiffres qui traduisent le besoin d'explication du grand public, et illustrent la responsabilité considérable des médias dans une telle situation.

Mais l'exercice est délicat. "Sur le plan médical, les informations diffusées sont plutôt bien, parce que, comme c'est compliqué, les médias vont interroger des experts et reproduisent très fidèlement leurs propos", estime Michel Cymes. En revanche, il regrette l'importance donnée à des informations comme le nombre de décès.

Lever le pied

"Je pense qu'on est quand même un peu responsable de l'angoisse du grand public en comptabilisant les morts de cette façon", sans donner généralement d'explications, alors que "tous les morts aujourd'hui sont des personnes qui avaient des facteurs de comorbidité, comme des problèmes cardiovasculaires", dit-il à l'AFP.

De même, "dans l'esprit du public, le stade 3 est un stade de gravité supplémentaire, alors que ce n'est pas vrai, ça veut juste dire que le virus circule plus, il n'a pas changé. Je suis persuadé que ça va augmenter l'anxiété du public, alors que c'est uniquement un problème géographique": une diffusion plus grande du virus sur le territoire, sans que sa nocivité ait évoluée.

Selon un sondage OpinionWay pour l'émission de France 2, 42% des Français se disent "assez inquiets" (dont 10% très inquiets), 30% peu inquiets et 10% "très inquiets". 76% considèrent être bien informés sur les mesures pour se protéger, mais 23% s'estiment à l'inverse mal informés.

Certains spécialistes vont jusqu'à recommander au public de lever le pied en réduisant leur consommation d'infos.

"Ca peut être effrayant, et on peut se sentir submergé par le flot des nouvelles", a souligné sur Twitter le Pr Carl Bergstrom, de l'université de Washington, suggérant de choisir "un moment dans la journée" pour consulter les nouvelles, et "de s'en tenir à l'écart le reste du temps", sinon "ça peut devenir une obsession".

Mais cela demande de lutter contre des réflexes très humains. "La crainte de l'épidémie qui décime des populations, c'est ancré dans nos gènes depuis le début de l'humanité, a expliqué sur le site de la RTBF Mehdi Khelfat, le responsable de l'information internationale de la radio-télévision publique belge. D'autant qu'"on est face à un danger un peu mystérieux. Il y a un intérêt médiatique pour toutes les histoires où l'homme ne maîtrise pas les choses de manière palpable", résume-t-il.

Autre écueil difficile à éviter, les réseaux sociaux, véritable "cancer de la société" pour Michel Cymes, vu la quantité de fausses nouvelles qui y circulent.

Des médias, dont l'AFP, ont développé des services de fact-checking qui traquent les affirmations mensongères et les grandes plateformes ont elle-même mis en place des mesures, comme la mise en avant des conseils des autorités sanitaires.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lui-même réuni lundi autour du Pr Salomon des représentants des médias audiovisuels et des plateformes pour les mobiliser, et les encourager à diffuser les spots de prévention et d'information officiels.

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