Lettres à Rilke: le "jeune poète" retrouve une voix

  • La traduction française de l'intégralité de cette correspondance qui s'étale de 1902 à 1909 --excepté deux lettres, perdues-- paraît au Seuil jeudi. La traduction française de l'intégralité de cette correspondance qui s'étale de 1902 à 1909 --excepté deux lettres, perdues-- paraît au Seuil jeudi.
    La traduction française de l'intégralité de cette correspondance qui s'étale de 1902 à 1909 --excepté deux lettres, perdues-- paraît au Seuil jeudi. Courtesy of Seuil
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Relaxnews

(AFP) - On connaissait les "Lettres à un jeune poète" de l'écrivain autrichien Rainer Maria Rilke, l'un des livres les plus délicats jamais écrits sur la création artistique. Pas les lettres du jeune poète à Rilke, maintenant publiées en français.

Ce poète aspirant s'appelle Franz Xaver Kappus. C'est lui qui en 1929 fait paraître les fameuses dix lettres signées Rilke, sans inclure les siennes, auxquelles il trouvait trop peu d'intérêt.

"Là où un grand parle, un unique, les petits doivent se taire", lance-t-il en introduction de cette édition parue à Berlin à l'époque. Elle a été augmentée, 90 ans plus tard, des lettres du fameux "junge Dichter" (jeune poète).

La traduction française de l'intégralité de cette correspondance qui s'étale de 1902 à 1909 --excepté deux lettres, perdues-- paraît au Seuil jeudi.

"Sondez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle étend ses racines dans les tréfonds de votre coeur et consultez votre conscience: devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire?", dit Rilke (1875-1926). Des mots célèbres, que Lady Gaga s'est fait tatouer sur le bras gauche, en allemand.

"Dès que je me serai tout entier rassemblé, je plongerai les yeux dans mon âme et me demanderai: dois-je écrire? Mais alors me viendront ces pensées qui se pourchassent comme des hirondelles, et qui me font si peur", lui répond son correspondant.

Kappus écrivit pour la première fois à Rilke en 1902 en tant qu'élève officier dans l'école militaire où était passé son illustre correspondant. Il resta un écrivain mineur: jamais il n'aurait eu de postérité sans ses échanges avec l'auteur des "Sonnets à Orphée".

- "Traité d'éducation" -

La mérite-t-il aujourd'hui? Ne serait-ce que pour avoir suscité une oeuvre aussi importante que ces "Lettres"?

Erich Unglaub, universitaire allemand, estime dans la postface que les missives de Kappus "sont loin d'égaler les réponses de Rilke". Mais "les deux pôles de l'échange permettent de mieux comprendre, dans leur interaction, les problèmes que soulève l'existence de poète - problèmes que Kappus aborde de façon très concrète".

"Cela va renouveler la perception de ce livre. Je ne suis pas sûr qu'on ait besoin de savoir quelles lettres recevait Rilke pour lire ce qui est presque un traité d'éducation, mais voir le dialogue est intéressant", juge Jean-Yves Masson, professeur de lettres et écrivain.

On découvre par exemple que Kappus appréciait Paul Verlaine. Or Rilke n'en touche pas mot. "S'il n'a rien trouvé chez Verlaine qui lui correspondait, il ne doit pas s'y être attardé. Chez lui c'est très simple: soit un auteur lui parle, soit il ne lui parle pas, et dans ce cas, peu importe son prestige", selon Jean-Yves Masson.

Les deux hommes semblent s'être rencontrés, d'après Erich Unglaub, en 1907. Leurs chemins avaient divergé, et la dernière lettre de Kappus, douloureuse, touche d'autant plus qu'elle reste pour l'éternité sans réponse.

"Je n'ai quasiment rien appris à l'école. Par révolte. Ou bien par prétention: je me croyais précoce. Et maintenant que je veux tout rattraper, je ne sais par où commencer", avoue le militaire autrichien depuis les confins de l'Empire austro-hongrois, à la frontière avec le Monténégro.

Pour Jean-Yves Masson, "Rilke était d'une très grande générosité. Il passait plusieurs heures par jour à sa correspondance, il préférait écrire aux gens plutôt que de les rencontrer. Cela lui a valu toute sa vie des lettres comme celles-là. Et quand il répond, il se donne en fait des conseils à lui-même. Car à cette époque il est encore jeune, il n'a pas publié ses recueils les plus importants".

Après ce point bas, et la dislocation de l'Empire austro-hongrois, Kappus eut finalement une carrière littéraire et de journaliste, à Berlin dans l'entre-deux-guerres. Il y mourut en 1966.

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