Emma Bruschi, la créatrice qui remet au goût du jour "des matières anciennes tombées dans l'oubli"
(ETX Studio) - Elle est arrivée finaliste lors de la 35e édition du festival de mode, de photographie et d'accessoires de Hyères en octobre dernier. Jeune designeuse, Emma Bruschi a été repérée pour ses créations de vêtements et d'accessoires qui réunissent ses deux passions : la mode et l'agriculture. Sa collection "Almanach", entièrement conçue à partir de paille, lui a valu le Prix 19M des Métiers d'art de Chanel.
Emma Bruschi a grandi dans une famille d'agriculteurs. Un univers qu'elle n'a jamais oublié. Pour chacune des pièces de sa collection "Almanach", qui l'a propulsée au rang des finalistes du festival de Hyères, la jeune designeuse de 25 ans a utilisé une matière bien connue, mais quelque peu délaissée par l'industrie textile : la paille.
"C'est en visitant le Musée de la paille de Wohlen, en Suisse, que j'ai eu un déclic. La paille faisait déjà partie de mes matières préférées, mais je ne réalisais pas qu'on pouvait la pousser aussi loin dans son utilisation. Toute une technique basée sur l'artisanat s'est ouverte à moi : j'ai y vu des pièces incroyables, discuté avec des gens qui développent encore ces techniques. Grâce à eux et au savoir-faire qu'ils m'ont transmis, j'ai pu démarrer ma collection Almanach", raconte Emma Bruschi à ETX Studio.
À partir d'un stock conséquent de paille tressée fourni par des artisans locaux, la designeuse a commencé à donner vie aux pièces qui constituent la collection "Almanach" : bijoux, vêtements... sans oublier le fameux chapeau de paille. Ses créations brillent par leur sens du détail et la finesse de la paille, similaire à de la dentelle dorée.
Le nom "Alamach" a quant à lui été emprunté au calendrier savoyard qui définit les cycles des moissons. "Un symbole de tout l'art de vivre autour de l'agriculture et de l'artisanat traditionnel et local", explique Emma, qui place la nature au coeur de son travail. La jeune femme collabore en effet régulièrement avec des artisans : une éleveuse qui tisse sa laine avec ses moutons, un vannier qui fait pousser son propre osier ou encore un souffleur de verre qui fabrique des perles…
Remettre des matières ancestrales au goût du jour
Emma envisage dans un avenir proche de cultiver sa propre paille de seigle en Haute-Savoie, dans une ferme appartenant à sa famille. Une plante très rustique qui pousse presque en autonomie et donc facile à élever et écologique, dans la mesure où elle ne nécessite aucun traitement chimique.
En dehors de la paille, Emma exploite d'autres matières, toujours dans l'idée de les faire pousser elle-même. "Je me suis notamment inspirée de la méthode de la chercheuse londonienne Suzanne Lee, qui consiste à créer des tissus de cellulose semblables au cuir, à partir d'une souche de bactéries que j'obtiens en fabriquant une sorte de thé fermenté. C'est pour l'instant assez expérimental mais je m'en suis déjà servie pour la fabrication d'une veste et d'un chapeau", précise-t-elle.
La designeuse travaille aussi avec des matières textiles de seconde main, notamment des vieux draps et de la dentelle récupérés chez des particuliers. "Je travaille aussi beaucoup avec la laine et le lin, car ce sont des matières à la fois écologiques et locales. Elles consomment par exemple beaucoup moins d'eau que le coton", explique-t-elle.
Une exposition en 2021 pour présenter ses créations
Le goût de la transmission est également important pour Emma Bruschi, qui anime des ateliers textiles pour enfants et collabore régulièrement comme pigiste pour le magazine Regain, spécialisé dans l'agriculture paysanne.
Prochaine étape pour l'artiste, fraîchement installée à Genève: lancer sa propre marque. Elle s'attèle notamment à la confection de chapeaux faits main, qu'elle prévoit de vendre aux particuliers sur demande (environ 200 euros la pièce), ainsi qu'aux maisons d'art.
Elle prépare également les pièces en vue d'une nouvelle collection qu'elle réalisera en collaboration avec les maisons d'art de son choix, grâce au Prix 19M des Métiers d'art de Chanel obtenu lors du festival de Hyères, qui lui octroie une bourse de 20.000 euros pour mener ce projet.
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