L'échappée belle des vélo-entrepreneurs par temps de Covid

  • Boîtes à vélo, une association qui promeut le vélo comme mode de déplacement professionnel principal, constate une "croissance régulière" du nombre des adhérents.
    Boîtes à vélo, une association qui promeut le vélo comme mode de déplacement professionnel principal, constate une "croissance régulière" du nombre des adhérents. RyanJLane / Istock.com
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Relaxnews

(AFP) - "On est sur le bon chemin, sans être dans +l'ubérisation+. " Plombier, menuisier, cafetier, paysagiste... ils ont fait le choix de se déplacer à vélo par goût, par nécessité ou après une reconversion en pleine crise sanitaire.

"J'avais envie d'entreprendre, de créer des emplois, de faire un boulot qui ait du sens." Ancien coursier indépendant, Clément Le Joubioux a sauté le pas et créé sa propre société à Marseille, qui fait travailler trois livreurs logistiques (de courriers et colis) réunis par la même passion pour le vélo.

"Je ne me voyais pas dans un fourgon", abonde Benoît Chevalier, ancien salarié en ressources humaines reconverti électricien à Angers où il fait tous ses déplacements à biporteur.

"Il y a clairement une dynamique", se réjouit Mathieu Cloarec, directeur des Boîtes à vélo, une association qui promeut le vélo comme mode de déplacement professionnel principal. Il constate une "croissance régulière" du nombre des adhérents: 184 aujourd'hui, avec 2 ou 3 nouveaux par semaine.

Les adhérents des Boîtes à vélo concentrent leurs activités dans l'artisanat (26%), les services (26%) ou la logistique (22%). Auto-entrepreneurs pour près d'un tiers (31%), ils emploient 2,8 équivalents temps plein (ETP) en moyenne et 61% réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 30.000 euros annuels.

En insistant sur le respect des Codes du travail et de la route, des valeurs comme la solidarité ou l'ancrage dans un territoire, les Boîtes à vélo veulent se distinguer et surtout "ne pas cautionner le modèle déstructurant" des plateformes numériques avec leur armée de livreurs au statut précaire, insiste Mathieu Cloarec.

Lambert Watine a travaillé trois ans comme coursier à vélo à Paris. Mais "un accident du travail très précaire mal déclaré m'a fait changer de voie. Je me suis lancé dans le travail du bois", raconte-t-il. Aujourd'hui, cet ancien des Beaux-Arts est menuisier à vélo dans la capitale.

Jean-Dominique Rotella était opticien. Il est désormais laveur de vitres à Lyon et ne se déplace qu'à vélo: "cela procure une grande liberté pour gérer son emploi du temps".

- Entrepreneuriat écologique -

Philippe Baladier s'est lui aussi reconverti, pandémie oblige. Ancien plombier-chauffagiste, il a créé à l'été 2020 son "Cyclo-Café" et vend des boissons et des glaces sur les bords du lac d'Annecy. "Mon contrat d'intérim venait de se terminer quand on est tombé dans le premier confinement. C'est à ce moment-là que j'ai pensé faire un autre boulot où je serais mon propre patron."

A Nantes, ville pionnière chez les vélo-entrepreneurs, Sonia Boury et son compagnon dirigent depuis dix ans une entreprise de plombiers à vélo. Le déclic ? "D'énormes grèves en 2010. Impossible de circuler en ville. Mon conjoint a pris sa caisse à outils et son vélo. Ca a été une révélation." L'entreprise emploie neuf personnes. "La moitié, ce sont des reconvertis dont certains ont perdu leur travail à cause de la pandémie", ajoute Sonia Boury.

Chez Sylvain Studer également, "l'élément déclencheur a été le premier confinement. Il m'a permis de cogiter et de sauter le pas", témoigne ce paysagiste strasbourgeois, qui exerçait auparavant en bureau d'études.

Il insiste sur le "caractère écologique" du vélo, qui "oblige à repenser son métier, notamment la question de l'évacuation des déchets. Ce qu'on prend au jardin, on le laisse au jardin, en créant des talus par exemple."

Le plus dur a été de persuader les banques: "l'entrepreneuriat à vélo est perçu comme une utopie. Il faut convaincre que c'est du vrai entrepreneuriat", insiste Sylvain Studer.

"On est sur le bon chemin, sans être dans +l'ubérisation+", est convaincue Sonia Boury. "Les clients apprécient de me voir à vélo, cela met en avant mon côté artisan et me différencie des autres sociétés de nettoyage", confie Jean-Dominique Rotella.

"Le vélo ne transfigure pas magiquement une activité", nuance Mathieu Cloarec. Mais il dégage une forme de sympathie qui peut être un avantage commercial."

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