Rodez : Ali et Reza, deux Afghans qui veulent conserver le lien

  • Ali, à gauche, et Reza,  ici après leur serviceau restaurant "Liens"de Station A, devant une carte  de leur pays : l’Afghanistan, tombé récemment aux mains des talibans.
    Ali, à gauche, et Reza, ici après leur serviceau restaurant "Liens"de Station A, devant une carte de leur pays : l’Afghanistan, tombé récemment aux mains des talibans. MR
Publié le
Philippe Henry

Le restaurant "Liens", à Station A, embauche deux jeunes afghans réfugiés. Quelques jours après la prise de Kaboul par les talibans, on les a rencontrés.

Ils s’appellent Ali et Reza. On taira leurs noms par souci d’anonymat, mais aussi de sécurité pour leurs familles. Ces deux Afghans, âgés de 22 et 23 ans, cuisinent et servent aujourd’hui au restaurant solidaire "Liens", imaginé par Véronique Bras et Christophe Chaillou dans les bâtiments de Station A. Mais depuis quelques jours, leur tête est ailleurs. Dimanche 15 août exactement, jour où Kaboul est tombé aux mains des talibans. "Je n’en dors plus, je n’arrête pas d’y penser…", souffle Ali qui a découvert, comme beaucoup de réfugiés afghans, la nouvelle sur les réseaux sociaux dans sa chambre du Foyer des jeunes travailleurs, rue de Bonald. L’onde de choc fut mondiale. Personnelle aussi.

Sa femme, qu’il a épousée à 15 ans avant de quitter son pays, vit toujours dans la capitale afghane et travaille dans l’armée. " Elle est en danger ", confie-t-il. Il n’en dira pas beaucoup plus, son français est toujours approximatif et la " situation politique de mon pays est trop difficile à expliquer quand on n’a pas tous les mots ". Ce qu’on comprend, en revanche, c’est qu’Ali ne croit absolument pas au visage rassurant montré par le mouvement islamiste après sa prise de pouvoir. "Ça va tenir une semaine, un mois mais après… "

Une vie d’exil

Et le jeune homme sait de quoi il parle. Originaires de la province rurale de Ghazni, au sud de Kaboul, lui et sa famille ont vécu aux côtés de ces talibans, longtemps retranchés dans les montagnes et à la frontière avec le Pakistan. "Ils étaient si peu au début…", se remémore Ali qui, lorsqu’il était chauffeur de taxi dans les rues de sa ville, à seulement 14 ans, devait régulièrement passer par la case bakchich pour ces combattants d’un autre temps.

Ce climat, et ces vingt années de guerre avec l’armée américaine sur son sol, Ali a décidé de le quitter très tôt. à 15 printemps, après le décès de son père. "Je devais subvenir aux besoins de ma famille et trouver du travail ailleurs." Direction l’Iran, comme beaucoup d’Afghans. Puis la Turquie, les pays de l’Est, l’Autriche, l’Allemagne… Et enfin la Suède. Il s’y installera trois ans mais la vie y est "trop chère" et le travail n’est pas légion pour celui qui durant son exil a mis de côté son rêve de devenir médecin pour des petits boulots alimentaires. En Scandinavie, il fait la rencontre de Reza. Lui a quitté son pays très tôt, à l’âge de 5 ans avec ses parents et ses huit frères et sœurs.

"Des personnes d’une incroyable volonté"

C’est ensemble que les deux Afghans ont atterri à Rodez, après un court passage à Paris, grâce à l’association Madera, qui leur a proposé cette formation au sein du restaurant de Station A. Depuis, ils disent s’y régaler. "Ici, tout le monde est vraiment très, très gentil", sourient-ils. Ali a même un nouveau rêve en tête : ouvrir son propre restaurant dans le futur, certainement ailleurs qu’à Rodez. "On sait qu’ils ne sont que de passage mais ce sont des personnes d’une incroyable volonté et détermination. Ils ne se ménagent pas et travaillent très bien", souffle une Véronique Bras, épouse du célèbre chef Sébastien, émue de cette vie d’exil de ses deux employés. Et citant ces quelques mots de Victor Hugo : "Vous exilez un homme. Soit. Et après ? Vous pouvez arracher un arbre de ses racines, vous n’arracherez pas le jour du ciel. Demain, l’aurore."

Quant à savoir quand Ali et Reza pourront retrouver leur terre natale, qui leur manque tant, la réponse est claire : " Quand les talibans seront partis… " Leur dernier règne avait duré cinq ans, de 1996 à 2001.

 

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