Conques-en-Rouergue. Conques : la rencontre artistique de la céramiste et de Christian Lacroix

Depuis huit ans, la céramiste Sylvie Pons présente ses œuvres dans le village de Conques, où elle partage un bel espace d’exposition avec deux autres créatrices d’art pétries de talent : Magali Vermeersch, et ses extraordinaires objets de papier, et Delphine Iskandar et ses jolis bijoux en porcelaine. "Ici, c’est du bonheur, Conques est un lieu inspirant que je connais depuis longtemps, car je venais souvent à la galerie du Don, où j’ai vu tellement de belles expos", souligne cette Cantalienne, qui a installé son atelier lumineux, à Ribeyrevieille, sur les hauteurs de Villedieu, près de Saint-Flour. Fille d’ingénieur, Sylvie Pons a beaucoup voyagé avant de revenir au pays et de se poser sur la terre de ses origines : Israël, la Belgique, l’Algérie et plusieurs régions de France. "Tous ces voyages vous nourrissent, raconte la céramiste. Adolescente, j’ai vécu à Arles et je suis tombée en amour pour les santonniers." Un premier déclic.

Volcans et glaciers

Après avoir travaillé plusieurs autres matériaux, Sylvie Pons s’est donc naturellement tournée vers la terre, cette "matière très vivante." D’abord le grès puis la porcelaine, des terres cuites à très haute température. Avec une première cuisson à 950° et une deuxième cuisson à 1 250°. Diplômée de l’école des arts céramiques de Saint-Quentin-la-Poterie en 2007, son travail est aujourd’hui très largement reconnu, ce qui lui a valu, entre autres de décrocher le prix des métiers d’art du Cantal en 2015 et celui des Ateliers d’art de France, en 2016.

Ses sources d’inspiration artistique, Sylvie Pons les puise dans les volcans, les glaciers, les mouvements de l’eau et du ciel. Certaines de ses sculptures font penser à des estampes japonaises, dont la fameuse et célèbre Grande vague de Kanagawa. "Je suis en recherche de mouvements, de vibrations, à travers mes créations, je voudrais transmettre cette sensation du vivant", explique-t-elle. Dernièrement, Sylvie Pons a travaillé sur les nuages, en concordance avec le peintre Michel Guinot. Des créations qu’elle présentera à Conques, lors de la prochaine saison estivale.

Des céramiques à partir des dessins de Christian Lacroix

Les hasards de la vie font parfois fort bien les choses. Passionné de couture, installé à Arles, Jean-Philippe, le jeune frère de Sylvie Pons est assistant de Christian Lacroix depuis 18 ans. "Un jour, mon frère m’a dit, M. Lacroix cherche un ou une céramiste pour mettre en forme ses dessins. Il est venu à l’atelier, il s’est tout de suite intéressé à mon travail. C’est quelqu’un d’extrêmement humain. Autant dire que j’étais hyperimpressionnée…" Une collaboration entre la céramiste cantalienne et le grand couturier, costumier, designer et illustrateur s’est ainsi instaurée durablement depuis huit ans. D’une remarquable finesse, les sculptures en céramiques réalisées par Sylvie Pons d’après les dessins de Christian Lacroix, ont été exposées pour la première fois à la galerie Gallimard à Paris, dans le cadre d’une exposition sur la Princesse de Clèves. "C’est génial, ça m’amène dans des univers tellement différents. Ça m’apporte beaucoup. Ça m’ouvre à d’autres horizons et ça m’oblige à me dépasser", sourit la céramiste. "Tous les ans, Christian Lacroix vient dans mon atelier pour travailler lui-même la terre. C’est quelqu’un qui est heureux de découvrir, d’apprendre. Qui aime rire aussi…"

Une céramiste en résonance

L’Étincelle nomade, une nouvelle maison d’édition toulousaine s’est intéressée au travail de Sylvie Pons et vient de lui consacrer un ouvrage, Une céramiste en résonance, à partir des photos de Pierre Soissons et d’un entretien mené par Catherine Poitevin. Christian Lacroix en a signé la longue préface, un texte d’une grande sensibilité.

"Toutes les œuvres de Sylvie Pons se tournent ou s’ouvrent vers le ciel, vers la lumière où tendent houle, flammes, cimes, nuées. Toutes se pétrifient et s’élancent vers les sommets. Ceux du cœur et de la spiritualité. Comme ceux environnant l’atelier de Rybeyrevieille, suspendu entre ciel et plateau de la planèze volcanique, volcans endormis et cascades jaillissantes. C’est de tout cela que s’inspire Sylvie Pons, enracinée elle-même dans cette terre qu’elle transfigure…", écrit notamment le créateur arlésien. Des œuvres qui, selon Christian Lacroix, trouveraient leur place dans cet espace des maisons traditionnelles, le tokonoma, dédié à une œuvre d’art, "en majesté et monstration, non seulement pour la décoration mais aussi pour la méditation, comme devant un jardin zen, symbole du monde et au-delà de l’univers".

Quel plus beau compliment, n’est-ce pas ?

On peut également voir les œuvres de Sylvie Pons, 11, rue du Touat, à Rodez, chez M’Art-in Boutik.