Au Chili, le sismologue sud-aveyronnais Bertrand Potin traque les séismes

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  • Bertrand Potin : "En sismologie, les modèles prédictifs n’existent pas encore.".	@BP
    Bertrand Potin : "En sismologie, les modèles prédictifs n’existent pas encore.". @BP
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Aurélien Delbouis

Géologue de formation, le natif de Rivière-sur-Tarn s’est spécialisé dans la sismologie. Aujourd’hui chercheur auprès de l’université du Chili à Santiago, le trentenaire nous parle de ses aspirations et des progrès à venir d’une discipline qui espère "sa petite révolution". Rencontre.

"Ce milieu m’a toujours intéressé. J’étais passionné par les dinosaures, les fossiles… Mais je ne pensais pas pouvoir en faire mon métier… Mais finalement si !"

Chercheur sismologue rattaché à l’université du Chili, Bertrand Potin a cette chance de donner corps à sa passion dans l’une des zones à la plus forte activité sismique au monde. "Je suis pourtant arrivé ici un peu par hasard. Après le doctorat, l’université de Grenoble nous invite à partir en "post doc" à l’étranger. Un de mes directeurs de thèse m’a permis de venir ici mais j’aurais tout aussi bien pu partir en Allemagne ou en Suisse. J’ai choisi l’option exotique."

Arrivé à Santiago en janvier 2017, le trentenaire a vite pris la mesure de ce pays qui s’étire sur plus de 4 500 km du Nord au Sud pour une largeur de moins de 100 km dans sa partie la plus étroite.

Il a aussi mesuré le travail qui l’attendait dans le pays le plus riche d’Amérique du Sud mais où beaucoup de choses restent à faire. "Pour le comparer au Japon par exemple, autre point chaud de la sismologie mondiale, nous avons ici 20 ans de retard. Nous avons donc pas mal de choses à mettre en place, pas mal de défis techniques devant nous, pour tenter de comprendre les séismes. C’est aussi ce qui fait l’intérêt du job."

Modèle prédictif

La spécialité de Bertrand, la tomographie sismique. Il s’explique : "Il s’agit de faire des images à l’intérieur de la terre à partir d’ondes sismiques. De façon très similaire à un scanner médical. En analysant ensuite ces ondes, on réussit à construire la structure interne de la terre."

Ces images de la terre, ou plutôt "les modèles", permettent ensuite "de mieux localiser les séismes, mieux déterminer les magnitudes et tout un tas de facteurs comme ça."

De là à prédire le prochain "Big One" qui fait frémir l’imaginaire collectif ? "Pas encore hélas ! La prédiction n’existe pas en sismologie ! Pour faire un parallèle avec la météorologie, les modèles ont commencé à être précis qu’avec l’arrivée des satellites. Or en sismologie, nous n’avons pas encore trouvé l’outil qui nous permettrait de compiler des données pour élaborer des modèles prédictifs."

D’ailleurs, et pour reprendre l’une de ses expressions, "la sismologie attend aujourd’hui sa révolution."

Saut technologique

"Dans ma spécialité, la tomographie, les choses sont théoriquement résolues depuis le début du siècle mais avec les nouvelles technologies, les progrès de l’informatique, l’explosion des capacités de calculs, on doit pouvoir faire des choses immensément meilleures." Et de poursuivre : "Pour en revenir au Chili, le problème, c’est qu’il y a trop de séismes. Plus d’une centaine par jour. Et comme il n’y a pas assez d’analystes, nous sommes obligés de sacrifier une grande quantité de données tout simplement parce que n’avons pas capacité de les traiter !"

Il va sans dire qu’un "saut technologique" ne serait pas de trop ! Bertrand a préféré investir l’univers de l’intelligence artificielle pour le suppléer dans sa tâche, par certains points "très fastidieuse". "J’utilise un petit programme pour traiter des données brutes. Ce programme traite en 15 jours ce qu’est capable d’analyser une personne en quatre mois. Et ce n’est que le début", prophétise le chercheur aveyronnais. En attendant, le natif de Rivière-sur-Tarn apprécie ses heures passées sur le terrain. L’essence même de son travail. "J’ai toujours été attiré par l’ailleurs. Et en ce sens, ce métier me correspond très bien. Par définition, un chercheur est amené à se déplacer, voyager, acquérir des données. C’est le côté magique de ce métier qui me fait me lever chaque matin."

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