Rodez : Alexandre Dainotti, sans regrets ni remords

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    Bancs de la partie civile, au premier jour du procès. José A. Torres
Publié le
Mathieu Roualdés

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L’assassin de Pascal Filoé, tué à coups de couteau le 27 septembre 2018, a écopé de 30 ans de réclusion criminelle, en janvier 2021 devant la cour d’assises de l’Aveyron.

Lundi 11 janvier, 14 heures. À l’intérieur du palais de justice de Rodez, parties civiles, avocats et journalistes ont pris place sur les bancs. Les forces de l’ordre sont en rang serré. Les chuchotements des salles d’audience ont disparu, on sent la tension, personne n’ose parler à son voisin. Le procès qui doit s’ouvrir n’est pas seulement celui d’un assassin, mais bien de toute une ville.

Sur les bancs, au premier rang, Florence Filoé est assise aux côtés de ses trois enfants. Voilà deux ans qu’elle sait que ce moment tant redouté arrivera : celui d’affronter, à seulement quelques mètres, l’homme qui a volé la vie de son mari, de son amour " de toujours ", Pascal, en l’assassinant en pleine rue de neuf coups de couteau. Jusqu’alors, elle avait seulement vu son visage sur des coupures de presse ou sur des photos publiées sur les réseaux sociaux. 14h22, la sonnerie retentit enfin. La cour entre, l’accusé aussi. Dans la salle, il est seul, sans famille, ni amis. Vêtu d’un sweat-shirt noir à capuche, il décline son identité : " Alexandre Dainotti, né le 12 août 1979 à Mouscron en Belgique. Adresse : maison d’arrêt de Draguignan, 26 rue de l’Embergue Rodez avant mon incarcération. " Il est à l’aise. La justice, il la connaît, il ne la craint pas ou ne le montre pas. Le président fait le rappel des faits. Tout le monde les connaît, ils ont fait le tour de la France. Le 27 septembre, au matin, Alexandre Dainotti boit deux cafés sur la terrasse de la brasserie Le Central. Il attend que Pascal Filoé quitte les locaux de la police municipale. Depuis des semaines, il tient pour responsable le directeur adjoint des services à la Ville de la saisie de son chien, un jeune Staff nommé "Poutine". Un chien qu’il n’avait pas le droit de posséder et qu’il promenait tous les jours sans muselière et sans laisse. La veille des faits, le trentenaire avait préparé un sac au cas où il " irait en prison " et lancera à une serveuse d’un bar : "Demain, vous entendrez parler de moi. Il ne se passe jamais rien dans votre ville, mais là ça passera dans le journal"…

Une personnalité insaisissable

Retour au palais de justice, 15h22 : le président demande à Dainotti de se présenter. "Je me considère comme tout le monde. On m’a présenté comme un marginal, ça ne m’a pas trop plu. Je ne bois pas, je ne traîne pas avec les SDF qui picolent tous les jours avec leurs chiens sans laisse. On ne les emmerde pas eux. Moi, j’avais un travail, pas déclaré certes, mais je faisais des petits boulots pour nourrir mon chien. On veut me faire passer pour un monstre sanguinaire. Ce sont des choses qui m’ont blessé." En fin de journée, Alexandre Dainotti prend une nouvelle fois la parole. "Je ne regrette rien. Je ne vais pas faire comme Daval, avec des larmes de crocodiles, ou comme les mecs pour réduire leur peine avec des faux regrets. Ça peut choquer mais c’est comme ça".

Tout est dit, le ton des cinq jours du procès est donné. Celui que les experts présentent comme "paranoïaque", "antisocial" et dans "une toute-puissance" à la suite d’une enfance dans le Sud de la France marquée par la violence, n’a ni regrets, ni remords. "Il considérait son chien comme son enfant, il n’a pas supporté qu’on lui prenne", résumera laconiquement un psychiatre, indiquant qu’il n’y a "ni traitement médicamenteux, ni thérapie pouvant soigner ces traits de caractère qu’on peut réduire à ‘‘je fais ce que je veux, quand je veux’’".

"Il a 30 ans pour réfléchir"

Au premier rang, Florence Filoé a beaucoup pleuré. Elle s’effondrera à plusieurs reprises durant le procès face aux mots glaçants de l’accusé : "J’y ai pensé toute la nuit, je voulais le charcler", "à l’hôpital, on ne s’occupait pas de moi, tout le monde était avec Filoé, je pensais qu’il y avait plus de chirurgiens ici", " je ne voulais pas vraiment le tuer, je voulais qu’il morfle, qu’il reste handicapé"… Des phrases insupportables pour les proches et la famille du défunt. "Tu l’as attaqué par-derrière, viens sans couteau, on va voir", lui lanceront-ils au deuxième jour du procès. Alexandre Dainotti n’a pas répondu. Ce jour-là, il finira par se faire expulser de l’audience après avoir affublé le président de "menteur" à plusieurs reprises. Il le sera de nouveau le lendemain, coupable d’exprimer trop fort ses sentiments lors de la plaidoirie d’un avocat. Le reste des débats, il les passera à prendre des notes sur un papier et les glisser à son conseil, Me Maïlys Marlet, souvent désemparée par son client… "J’ai déjà envie de faire appel alors que je ne suis même pas jugé", avait-il annoncé. Il l’a fait après sa condamnation à 30 ans de réclusion criminelle. Puis, il a changé d’avis. Alexandre Dainotti est insaisissable. Il l’a été tout au long de son procès.

Mais plus que la personnalité de cet accusé "seul au monde" et capable de "glacer" des policiers municipaux en un seul regard, on retiendra surtout de ce procès les mots de Florence Filoé, à l’énoncé du verdict : "J’ai posé la boule au ventre que j’avais. D’entendre le mot coupable m’a permis de retrouver mon souffle. Ce Monsieur n’a jamais connu l’amour. Son enfance fut terrible et l’enfant fait l’adulte qu’on devient. J’ai encore espoir qu’il puisse apprendre des choses de la vie. Aujourd’hui, il n’a pas de remords mais il a 30 ans pour y réfléchir. Ça fait mal au cœur de voir que la vie a aussi peu d’importance pour lui mais je n’ai ni haine, ni colère. On n’avance pas avec ces sentiments-là. Durant ce procès, j’ai surtout entendu de jolis témoignages, de belles choses sur mon mari. ça fait chaud au cœur car ces hommages, on n’a pas forcément pu les avoir lors des obsèques nationales." Ce jour-là, des milliers de personnes s’étaient réunies sur la place d’Armes de Rodez pour un dernier au revoir à Pascal Filoé. Il avait 45 ans.

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