Monter un business pour se sentir "utile", l'histoire de Mathilde Lefrançois [Farmitoo]

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    Monter un business pour se sentir "utile", l'histoire de Mathilde Lefrançois [Farmitoo]
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Centre Presse Aveyron

Marketplace de référence pour les agriculteurs français et internationaux, Farmitoo est fondée en 2017 par quatre serial entrepreneurs dont une femme, Mathilde Lefrançois. Retour sur le parcours inspirant et inspiré d’une jeune femme qui casse les clichés du secteur.

" Contrairement à ce que l’on peut penser, les agriculteurs font partie de la CSP (catégorie socio-professionnelle) la plus connectée, et comme tout bons chefs d’entreprise, ils ont besoin d’optimiser leur temps " note Mathilde Lefrançois, co-fondatrice de Farmitoo. " Aujourd’hui ils font appel à des capteurs pour connaitre l’état de leur sol, ou à l’intelligence artificielle et la robotique pour faciliter leurs tâches" … alors pourquoi pas à un site de e-commerce pour s’approvisionner en matériel agricole ?
Le 6 décembre dernier, après avoir remporté le prix IVY 2021 du jeune dirigeant tech, Mathilde Lefrançois, co-fondatrice de Farmitoo, une marketplace proposant de l’équipement agricole en France et à l’international, se distingue à nouveau en devenant lauréate des trophées MOCI 2021, dédiés aux PME et ETI leaders à l'international. " Ça montre à nos partenaires que maintenant on joue dans la cour des grands ! La vision de Farmitoo c’est d’être l’outil de confiance de l’agriculteur dans son achat de matériel ". Une ambition claire pour la jeune femme qui, il y a à peine quatre ans, ne connaissait rien du monde agricole et de ses rouages…

Entrepreneure à tout juste 23 ans

" Après un master entrepreneurial à l’ESSCA, j’avais envie de me lancer dans un métier qui ait de l’impact et du sens pour moi ", se rappelle-t-elle. " Je voulais répondre à des problématiques et me sentir utile ". Diplôme en poche, la jeune femme, accompagnée de quelques copains de promo, lance un projet sur lequel ils avaient planché pendant leur cursus. KWAALA, une marketplace de location de matériel de voyage entre particuliers, voit le jour en 2015. Mathilde Lefrançois a alors tout juste 23 ans. Un an plus tard, elle doit pourtant se rendre à l’évidence… le modèle de la start-up ne fonctionne pas. " Il fallait que les clients se déplacent pour venir chercher leur matériel, puis après utilisation le redéposer. C’était trop contraignant. La demande devait également être très locale pour avoir le moins d’impact néfaste sur l’environnement et pour éviter les mauvaises surprises lorsqu’on trouvait l’équipement souhaité ".

Qu’à cela ne tienne ! Mathilde Lefrançois transforme cette déception en motivation. Elle plie bagage et rejoint trois autres jeunes femmes - des inconnues qui deviendront des amies - pour faire un tour du monde ! Une quête de sens professionnel qui pousse la jeune femme à rejoindre l’organisation Improove, afin d’être formée à une méthodologie permettant de mesurer l’impact social de projet. De cette formation né un second bébé : AQWA, (Assessment for Quality Water Access), une association créée par les quatre jeunes femmes qui, de septembre 2016 à septembre 2017, réaliseront six missions dans huit pays différents, sur trois continents, afin de mesurer l'impact social de projets innovants liés à l'eau et à l'agriculture. " Le pire pour nous pendant ces années-là, ça a été de se rendre compte qu’il y avait des services entiers – souvent des entreprises sociales ou des fondations – qui n’avaient aucun impact social, alors que c’est pourtant leur rôle ! ", se rappelle-t-elle.

Denis le Magnifique !

Alors qu’elle bourlingue toujours à travers le monde, Mathilde Lefrançois veut aller encore plus loin et écrire une nouvelle histoire entrepreneuriale. " Vera Kampf, une amie et fondatrice de la galerie d’art en ligne Singulart, m’a mise en relation avec Denis Fayolle qui, à l’époque, cherchait à monter une nouvelle boite ". Le serial startupper est déjà partout. LaFourchette, Habiteo, Singulart, Next Station, c’est lui. Un parcours qui, plutôt que d’intimider la jeune femme, l’inspire et lui permet d’y croire. " On a fait un premier Skype, puis un deuxième, et à la fin de notre troisième call, il m’a annoncé qu’il voulait venir me voir en Equateur pour discuter en chair et en os ! On a passé 48h ensemble, et à son départ on s’est dit que dès mon retour en France, on monterait une entreprise. "

A l’époque les deux entrepreneurs ne savent absolument pas dans quel secteur ils aimeraient se lancer, " on savait juste qu’on voulait le faire ensemble ". Avec une expertise en marketplace international, un secteur que Mathilde Lefrançois connait déjà via sa première entreprise, Denis Fayolle lui laisse carte blanche. " Le modèle de Denis, c’est de s’associer à quelqu’un pour des valeurs communes et un bon feeling, ensuite il embarque dans le secteur que son associé a envie d’explorer ! ". Rapidement, elle porte son choix sur le monde de l’agriculture, tant pour le service apporté aux agriculteurs, que pour sa propre position de consommatrice, qui prône le " bien manger ".

Livres, magazines, interviews, vidéos, études de marchés, … La jeune entrepreneure décortique le secteur pour comprendre ses rouages et son jargon. " Au départ j’ai contacté un agriculteur qui m’a dit qu’il était à la recherche d’un troupeau de 70 chèvres " se rappelle la jeune femme. " En gros, si j’arrivais à les lui trouver, il les prendrait sans hésiter. Je me suis dit que c’était ça la bonne idée ! La mise en relation pour faciliter l’achat de bétail. Après avoir mis l’annonce sur un forum et avoir attendu, attendu et encore attendu, j’ai dû me rendre à l’évidence…si ce concept n’existait pas déjà, c’est tout simplement parce que ça ne marchait pas ! ".

En poursuivant leurs recherches, les deux entrepreneurs identifient un maillon de la chaine susceptible de les intéresser : l’intermédiation. " On s’est demandé où l’agriculteur s’approvisionnait, comment ? Quel type de matériel il choisissait ? L’achat de machines agricoles, c’est un sujet un peu complexe, et très local. On s’est rapidement rendu compte que dans le secteur de l’agroéquipement, il y avait beaucoup d’intermédiaires, que le prix en bout de chaine était souvent très cher, que l’offre n’était pas forcément très complète, et les prix pas toujours transparents ". C’est en se basant sur ces analyses que Mathilde Lefrançois, Denis Fayolle ainsi que Grégoire Casoetto et Pierre Ducoudray, leurs associés, lancent Farmitoo en 2017.

Agroéquipement, un marché de niche ?

Selon les chiffres de l’INSEE, en 2019, la France comptait environ 400 000 agriculteurs exploitants, soit 1,5 % de l'emploi total. Une population rurale qui n’en demeure pas moins connectée et avertie. Selon une étude menée en mars dernier par le site agriculture.gouv.fr, 79 % des agriculteurs français utilisent internet, un chiffre supérieur à la moyenne nationale. Près de 80 % de ces agriculteurs connectés affirment d'ailleurs qu'ils utilisent les nouvelles technologies dans le cadre de leur métier. " Beaucoup d’études montrent que l’achat en ligne pour les agriculteurs augmente d’année en année. D’une part, car ils ont aujourd’hui accès à une meilleure connexion internet, mais aussi car la jeune génération commence à reprendre les exploitations ".

Pour attirer sa clientèle, Farmitoo commence par miser sur le référencement et l’acquisition en ligne en ciblant des intentionnistes d’achats : des agriculteurs qui ont déjà des habitudes de consommation en ligne et qui, lorsqu’ils vont sur internet, savent généralement ce qu’ils veulent acheter. " On s’est peu à peu rendu compte que c’était une bonne technique pour commencer, mais qu’il nous manquait quand même le contact client ". Salons, foires, presse spécialisée, ou tout simplement quelques coups de téléphone pour prendre des nouvelles des agriculteurs, les équipes de Farmitoo axent alors leur développement sur le lien physique afin de créer une communauté. "Le secteur agricole, c’est beaucoup de bouche à oreille. Ce sont des clients qui estiment beaucoup les avis et les paroles de leurs pairs, il est donc très important pour nous d’avoir leur feedback afin de savoir pourquoi certains favorisent l’achat chez un distributeur plutôt que sur Farmitoo. C’est grâce à cette réponse là que nous innovons toujours plus afin de proposer l’offre la plus exhaustive possible ".

Avec plus de 150 000 pièces proposées sur son site, allant du semoir à engrais aux pièces détachées de tracteur ou même au nettoyant agroalimentaire, Farmitoo lie directement les agriculteurs avec les fabricants d'équipements agricoles. Le site leur permet ainsi d'avoir accès à un grand nombre de marques de matériel et d'avoir la possibilité de comparer les différents produits et leurs prix. La proximité qu’entretient l’entreprise avec les fabricants de matériel agricole permet également à Farmitoo de trouver les meilleurs tarifs pour les agriculteurs, et de les négocier pour eux.
Après avoir bouclé une série A de 10 millions d'euros, Farmitoo, aujourd’hui présent dans sept pays européens, ambitionne de continuer " doucement mais sûrement " son expansion dans l’espace Schengen. " Être accessible dans 7 pays européens, c’est génial et ça nous pousse à continuer, pour autant, il ne faut pas qu’on oublie notre clientèle de base et notre marché ", pondère la jeune femme. Actuellement en réflexion pour proposer d’ici quelques mois un service centré sur la vente d’occasion de machines agricoles, Mathilde Lefrançois espère à terme voir Farmitoo s’imbriquer dans tous les maillons de la chaine.

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