Des acteurs de Rodez dans la peau des gueules noires du Bassin decazevillois

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  • Benoît et Sergio en pleine répétition hivernale, à l’ancienne école de la Calandreta.
    Benoît et Sergio en pleine répétition hivernale, à l’ancienne école de la Calandreta.
Publié le
Joel Born

Plusieurs dizaines de comédiens amateurs de Rutènes en scène vont faire revivre la grande grève des mineurs du Bassin de Decazeville, durant l’hiver 61-62. Une formidable aventure humaine et théâtrale. Témoignages.
 

"Ce spectacle a un écho dans le réel. Il permet de mieux comprendre l’histoire de ce territoire et de montrer combien l’entraide et la solidarité étaient fortes."

Elsa

"Jusqu’aux cerises s’il le faut… Le nouveau spectacle théâtral de l’association Rutènes en scène plonge dans les entrailles de la terre pour remettre en pleine lumière la grève de 66 jours des mineurs du Bassin de Decazeville, l’une des grandes pages de l’histoire du mouvement ouvrier, durant l’hiver 1961-1962, il y a de cela tout juste soixante ans. Un épisode empli de douleur, de fraternité et d’une immense solidarité que les acteurs amateurs s’apprêtent à faire revivre sur scène.

Un profond respect

Rennais de naissance, Antonin Hussaud, 35 ans, a grandi au Pays basque et dans les Landes. Après avoir pas mal bougé durant sa jeunesse, il a posé ses valises en Aveyron en 2009. Professeur au lycée professionnel d’Aubin, ce spécialiste des maisons à ossature bois, est aussi un passionné de théâtre. Après avoir pris des cours à la MJC de Rodez, il est devenu référent théâtre au sein du club de comédie musicale, et a joué dans l’Aiglon, la précédente création de Rutènes en scène. C’est dire qu’il vit cette nouvelle expérience avec enthousiasme. "Étant prof à Aubin, j’avais déjà entendu parler de la grève et puis j’ai visité le musée de la mine et celui de l’Aspibd, témoigne l’enseignant. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui ont vécu cette période. Humainement, c’est vraiment très fort. C’est une vraie chance de jouer quelque chose comme cela qui a du sens." Antonin campe le rôle de Georges, un jeune homme, fils de mineur qui revient de la guerre d’Algérie. "C’est un rôle intéressant et il me tarde de vivre ça sur scène."

Une famille de mineurs

Dans le jargon cycliste, on parlerait de lui comme du régional de l’étape. Natif de Cransac, au 11 de la rue Anatole-France, dans le quartier de la Treille, ancien footballeur de Cransac, Aubin et des Quatre-Saisons, jeune retraité de la Bosch, Serge Garric vit depuis de nombreuses années dans la Région ruthénoise, mais il reste viscéralement attaché à ce Bassin qui l’a vu naître et grandir. Fier de ses racines. Faire partie de ce spectacle, c’est pour lui une façon de rendre hommage à sa famille, son arrière-grand-père, ses deux grands-pères et ses quatre oncles, tous anciens mineurs, mais aussi au Bassin et à sa population. "J’adore cette ambiance, cette chaleur humaine, cette solidarité. Quand j’ai l’occasion d’y descendre, mes yeux brillent et j’y suis bien, confie Sergio. Je suis fier de ce Bassin avec ce mescladis de nationalités et ce caractère de combattant, cette terre qui a connu bien des déboires depuis la fermeture des mines et encore en ce moment avec la Sam. Lors des rassemblements, je suis solidaire envers les salariés Sam par ma présence et je me dis qu’a-t-on fait dans ce coin de l’Aveyron pour vouloir nous détruire comme cela. Peut-être que les décideurs n’aiment pas que l’on ne baisse pas la tête. Mais non, nous sommes trop fiers…" S’il a goûté aux improvisations face à un public avec les Imprototypes, Serge Garric est novice dans le théâtre. "Je ne connaissais pas du tout le domaine théâtral. J’ai rencontré des gens super motivés et très impliqués pour cette pièce, avec un grand coup de chapeau à Laurent et Christophe. Et je pense que ce spectacle sera au top."

"Tant de vies brisées"

Gestionnaire à Via santé, dans sa vie professionnelle, Elsa Carié, Agentole de 33 ans, adore le théâtre. Après avoir participé à l’Aiglon, elle remet ça avec Jusqu’aux cerises s’il le faut. Elle est aussi membre de la troupe du Théâtre pour demain et après de Laurent Cornic. C’est dire que ses semaines sont bien remplies. Elle apprécie tout particulièrement "la dynamique, l’émulation" d’une troupe théâtrale. "On rencontre tellement de personnes différentes." La grève des mineurs, Elsa ne la connaissait pas. "J’en ai pris conscience, en découvrant le scénario du spectacle", avoue la jeune femme. "C’est intéressant de remettre à l’honneur tous ces gens. Il y a eu tellement de vies brisées. Ce spectacle a un écho dans le réel. Il permet de mieux comprendre l’histoire de ce territoire et de montrer combien l’entraide et la solidarité étaient fortes." Des valeurs qui ont malheureusement tendance à disparaître, emportées par l’individualisme dominant. Mais Elsa a espoir que "les tendances s’inversent." Persuadée que le théâtre peut être un formidable vecteur de messages et d’ouverture.

"On avance tous ensemble"

Breton d’origine et de cœur, Aveyronnais depuis une quinzaine d’années, menuisier charpentier dans sa vie de tous les jours, Benoît Poylecot est un passionné de théâtre. Depuis longtemps. Il participe à l’aventure de Rutènes depuis le début et il a même créé sa compagnie de théâtre, Strip-tease, pour une pièce qu’il a écrite, mise en scène et jouée : Breizh à marée basse. "La grève des mineurs, c’est une histoire que je découvre. Ça me touche profondément, car j’ai toujours été un battant, explique ce quinquagénaire, qui campe le rôle de Pintou, avec cette gueule d’acteur qu’on n’oublie pas. Il me tarde de voir comment le public va répondre. Les émotions que l’on va susciter." Et Benoît, qui contribue aussi, de par son métier, à la création des décors, d’exprimer tout le plaisir qui est le sien de prendre part à ce nouveau spectacle. "On se retrouve et on avance tous ensemble, sans forcément se connaître. Toutes les barrières sociales disparaissent."

"Leur rendre hommage"

Ruthénois de 57 ans, Philippe Coquerel est, lui aussi, un passionné de théâtre depuis 35 ans. Ancien des Comédiens au chariot, dont il fut président plusieurs années, il a participé à l’épopée de Guilhem de Peyre et joué plusieurs pièces sous la direction de Laurent Cornic avec lequel il a contribué à la création de Rutènes en scène. Après l’Affaire Fualdès (il en était le conteur), le voilà embarqué dans ce nouveau spectacle des Rutènes. "Ce qui me guide, avant tout, c’est le projet. J’avais bien sûr entendu parler de la grève des mineurs, mais je n’en connaissais pas tous les détails, précise-t-il. C’est une façon de leur rendre hommage, de leur faire honneur. Christophe a réalisé un travail remarquable à base de témoignages. Il faut maintenant que tout cela se mette en musique. Pour nous, au fond de la mine, ce sera un jeu permanent durant tout le spectacle." Et Philippe de retenir lui aussi la formidable aventure humaine de "ce spectacle fait par des Aveyronnais pour des Aveyronnais".

"Une histoire qui nous touche"

Enseignante d’équitation indépendante, Céline Andrieu joue le rôle de Gisèle, une femme de mineur, copine de Maria. Cette ancienne prof d’histoire et géo connaissait la grève des mineurs du Bassin de Decazeville dans ses grandes lignes. Et si elle découvre la troupe de Rutènes en scène, elle a déjà fait du théâtre avec les Comédiens au chariot, où elle a rencontré Laurent Cornic. "Je suis rentrée dans cette aventure parce que je voulais refaire du théâtre et Laurent Cornic est au top, il a plein d’idées. J’avais vu l’Affaire Fualdès et Palace, j’avais adoré. La grève des mineurs, c’est une histoire qui nous touche. Après, avec le Covid, c’est très compliqué pour les répétitions, et il faut vraiment avoir envie et croire en cette aventure humaine."

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