Quatre vingt deux Ukrainiens trouvent refuge en Aveyron

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  • Sur les lits de camp, au gymnase du Dojo, une mère de famille et son enfant patientent.
    Sur les lits de camp, au gymnase du Dojo, une mère de famille et son enfant patientent. Centre Presse - José A. Torres
Publié le , mis à jour
Mathieu Roualdès

Vendredi 18 mars 2022, Rodez a accueilli 82 Ukrainiens, des mères et des enfants déplacés par le conflit qui frappe leur pays depuis trois semaines.

Il est 13 h 26. Après plus de vingt heures de route depuis la frontière polonaise, un premier bus arrive sur le parking du Dojo, à Rodez. Un second suit. À travers les vitres, des enfants ukrainiens font « coucou » au comité d’accueil : agents de l’agglomération, de la Ville, compagnons d’Emmaüs, Protection civile, traducteurs…

Puis, un dernier coup de klaxon retentit avant que la première femme ne descende les marches. Un seul sac dans la main gauche, sa fille dans l’autre, accrochée à sa peluche rose. « Bienvenue, vous êtes à l’abri ici ! », entend-on. Quatre-vingts autres déplacés d’Ukraine suivent. Des mères de famille et leurs enfants, en majorité. Seuls trois hommes sont du voyage.

À 36 ans, l’un d’eux a eu une autorisation exceptionnelle de quitter le front. Impossible pour lui de laisser sa femme, 34 printemps, et leurs… neuf enfants. La plus jeune vient tout juste de fêter ses trois mois. « Elle n’a rien à manger, auriez-vous du lait s’il vous plaît ? », lance rapidement le papa, à une traductrice. La réponse est positive. Tout a été prévu et les denrées ne manquent pas à l’intérieur du gymnase. Sur les tables, les sucreries ne font pas long feu. Les enfants s’y jettent dessus.

« J’aime tout de la France, merci à vous »

Les mamans, elles, sont sur leurs téléphones. Après avoir envoyé un message à son mari resté au front, Kristina, 36 ans, ouvre une carte et regarde de nouveau où se trouve Rodez en France. Sur le Net, cette artiste peintre à Kiev avant l’invasion russe, découvre également que la préfecture aveyronnaise abrite le musée Soulages. « Je connais, j’aime beaucoup. J’aime tout de la France, votre art et vos parfums surtout. Merci à vous », confie-t-elle, avant de couper court à l’entretien pour retrouver ses deux enfants…L’un d’eux court entre les lits de camp installés, l’autre n’a pas manqué de voir qu’une console vidéo était installée dans un coin. « On fait tout cela pour eux », lâche une mère, les yeux rougis. De fatigue et de tristesse.

« Je ne veux pas dormir ici »

Dans les escaliers du Dojo, face aux lits de camp espacés de quelques centimètres, c’est en revanche la douche froide pour l’une de ses compatriotes. « Je ne veux pas dormir ici », tente-t-elle d’expliquer, vite rejoint par d’autres femmes. « Je veux repartir en Pologne », dira même l’une d’elles.

Pour les bénévoles, c’est aussi la douche froide. La répartition des familles dans les trois communes volontaires, Rodez, Espalion et Decazeville, s’avère être un sacré casse-tête. Au micro, Irina, une Ukrainienne expatriée depuis plusieurs années dans la région, s’évertue à expliquer comment doit s’organiser l’accueil…

Mais les questions fusent. « Comment fera-t-on pour manger ? », « pour l’argent ? », « pour se déplacer ? », « y aura-t-il du travail pour nous ? »... Présents dans la salle, les trois maires patientent. Sans trop savoir comment faire. Éric Picard d’Espalion annonce qu’il peut loger jusqu’à 30 personnes dans des gîtes. Mais beaucoup ont peur de s’engager, «Espalion, c’est tout petit », disent la plupart de ces familles originaires de grandes villes ukrainiennes : Kiev, Kharkiv, Kherson…

Finalement, 8 mères et leurs 11 enfants feront le grand saut. Vingt-neuf personnes se disent prêtes à rejoindre Decazeville. D’autres profitent de la présence de traducteurs pour trouver des familles d’accueil. Pour le reste, ce sera les lits de camp. Et certainement jusqu’à lundi.

La commune ne peut mettre à disposition ses logements publics avant que la préfecture « enregistre » ces nouveaux arrivants…Le hic, c’est que le samedi, « c’est repos» à la préfecture et qu’il « faut attendre que le week-end passe », s’énerve une bénévole.

Une urgence médicale s'ajoute à l'urgence humanitaire

Il est 15h30. Et au flottement s’ajoute un autre flottement. Celui de l’urgence médicale. Le centre hospitalier Jacques-Puel a dépêché trois urgentistes sur place. Toutes les familles, petits et grands, sont invitées à un dépistage Covid-19 et une consultation rapide.

Pour certains, le test est sans appel : positif. L’annonce fait vite le tour de la salle. Mais le virus paraît dérisoire face à l’urgence humanitaire. Côté médical, on conseille néanmoins à plusieurs personnes de se présenter à l’hôpital aujourd’hui pour des observations plus poussées. Si l’exil marque les esprits, la guerre et son angoisse frappent les corps. Et les visages.

Il est 16 heures, le bus pour Espalion est parti. On a posé notre stylo, refermé notre carnet. Et laissé ces familles à une nouvelle vie. En Aveyron, ou ailleurs. Car pour Kristina, Irina et les autres, l’urgence c’est désormais de repartir et de retrouver leur quotidien d’avant. Celui où l’on pensait qu’envahir un pays était d’un autre temps.
 

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