Les enjeux de la Présidentielle en Aveyron : "On attend du prochain président du patriotisme industriel"

Abonnés
  • Sophie Garcia est à la tête du Medef Occitanie depuis 2017.
    Sophie Garcia est à la tête du Medef Occitanie depuis 2017. Archives ML
Publié le
RICHAUD Guilhem

Sophie Garcia, présidente du Medef Occitanie et membre du bureau national du syndicat patronal analyse la situation de l’Aveyron et des départements ruraux.

Pour Jacques Douziech, le représentant départemental de la CFE-CGC, "notre économie est gouvernée par de grandes entreprises qui définissent les règles de l’organisation des différents secteurs à travers la chaîne de sous-traitance. La gouvernance de ces entreprises est uniquement inspirée par ceux qui représentent les intérêts du capital. Ça ne peut pas fonctionner et ça n’est pas légitime". "Le capital est une ressource comme une autre, qui aujourd’hui est plutôt abondante. La logique voudrait que ce soit l’entreprise qui dicte ses exigences au capital, et pas l’inverse. J’aimerais que le gouvernement, quel qu’il soit, arrive à comprendre cette évidence. Si on réforme cela, on change tout, car on remet les acteurs de la production en situation de négocier leur juste part du progrès", poursuit le représentant syndical.

Dogme

"La CFE-CGC attend du prochain président ou présidente de l’ambition, du patriotisme industriel et non des poignées de mains à des futurs hommes et femmes sans emplois. En Aveyron le monde industriel a enregistré la fermeture d’une des dernières fonderies françaises et ses 313 emplois ; et sacrifie le diesel au nom d’un dogme présenté comme écologique alors que l’Allemagne et maintenant l’Italie rejettent l’abandon des moteurs thermiques", complète Jacques Douziech.

Revalorisation salariale

Enfin, sur le plan national, le représentant de la CFE-CGC souhaite que des revalorisations salariales soient proposées alors que "pour certaines entreprises, le "quoiqu’il en coûte" les a aidées à restaurer leurs marges, de dépasser l’avant crise dans le versement des dividendes à leurs dirigeants". "Autant d’ingrédients qui légitiment la forte attente des salariés", souligne Jacques Douziech.

Les entreprises aveyronnaises sont confrontées à une vraie problématique de recrutement. Les candidats manquent. Comment analysez-vous cette situation ?

On ne trouve plus de main-d’œuvre de bac-2 à bac + 5. C’est assez global. L’Aveyron est un département qui est au plein-emploi. Cette situation n’est pas récente, mais la crise a conforté cette situation. L’Aveyron devait déjà faire face à ces problèmes avant 2020. Le sujet est bien plus large. Il s’agit d’une problématique de ruralité.

Comment attirer des collaborateurs et leur famille dans ces régions-là ?

D’abord, il faut penser à retenir les jeunes. Je pense que l’une des réponses est à aller chercher du côté de la formation. J’en parle pas mal avec la rectrice et avec les CFA : il nous faut de la formation initiale et que les jeunes puissent aller jusqu’au bac + 2 parce que dès qu’ils partent, ils ne reviennent pas. Si on veut espérer les garder, il faut au moins les former jusqu’au bac + 2 localement.

Ce sont des sujets qui ne dépendent pas directement des chefs d’entreprise. Comment pouvez-vous travailler sur ces dossiers avec les politiques ?

J’échange régulièrement avec la rectrice, mais également avec la Région, qui a beaucoup de prérogatives en matière de formation. On tente de cartographier, notamment grâce aux retours des entreprises sur le terrain, là où il manque de la formation. On peut apporter des éléments complémentaires aux institutions sur les besoins locaux. Il faut investir en priorité sur les départements de plein-emploi comme l’Aveyron, pour limiter les départs.

Vous insistez aussi beaucoup sur la question du logement…

On retombe sur les mêmes problématiques : on a de la ruralité, mais quelque chose d’incroyable, on a des problèmes de logement, car il n’y a pas assez de foncier. On discute avec les mairies et les communautés de communes. L’un des gros soucis de la ruralité est également la distance entre le logement et l’entreprise. On estime que quand on est dans l’Aveyron, dans le Gers ou en Lozère, il faut habiter à moins de 20 km de son travail. Si vous commencez à avoir 50 km de routes difficiles à faire et à consommer un carburant de plus en plus cher, cela devient un souci. Dans les départements ruraux où il y a le moins de transports en commun, pas ou peu de trains, la mobilité est un sujet. Là, les entreprises peuvent travailler sur le covoiturage, même si ce n’est pas toujours évident. On étudie aussi la possibilité pour les entreprises de se déplacer en se regroupant dans des tiers lieux afin d’installer une partie de leur activité plus proche de là où habitent les gens. Mais cela ne peut pas marcher pour tous les métiers. Sur le service et la fonction support, cela peut être une solution, mais pas sur la production.

Le plan de relance a permis, en Aveyron, le lancement de plus de 100 M€ d’investissements des entreprises dans des projets de développement. Est-ce que ce problème de recrutement, s’il venait à perdurer, pourrait bloquer ces investissements ?

Oui, c’est un vrai problème. Aujourd’hui, déjà, on a des entreprises qui ne prennent pas les commandes car elles ne sont pas sûres d’avoir assez de salariés pour les honorer. Avant de faire un investissement, soit on est sûr de pouvoir avoir des collaborateurs, soit on ne le fait pas.

Est-ce que le problème n’est pas aussi le salaire ? Pour recruter, ne faudrait-il pas mieux payer les salariés ?

Le salaire n’est que le quatrième critère du salarié lorsqu’il choisit une entreprise après le temps de trajet, le coût du logement et, surtout, la qualité de vie et de l’environnement de travail. L’aspect pécuniaire n’est d’ailleurs pas à prendre que sur le salaire. Il faut plutôt regarder le reste à vivre, avec les coûts de logement et de transports, mais aussi, dans les zones rurales, le coût des gardes d’enfants, qui sont souvent plus élevés qu’en ville car il y a moins de crèches. En cumulant tout ça, parfois, peut-être que ça ne vaut pas la peine d’aller travailler. Et ça peut se comprendre. Augmenter les salaires c’est possible, dans la mesure où les entreprises se portent bien.

Avec la crise sanitaire et les confinements, certains citadins se sont interrogés sur leur mode de vie dans les grandes métropoles. Cela peut être une opportunité pour les zones rurales et leurs entreprises ?

C’est une opportunité pour les villes moyennes. J’en suis persuadée. Elles ont déjà des logements, des infrastructures, des services, des loisirs… C’est une véritable opportunité car on retrouve une qualité de vie qu’on n’a pas dans les métropoles et des services de proximité qui restent présents. Une ville comme Rodez, en Aveyron, peut en profiter. Sur l’installation des services ou des loisirs, le Medef prône le partenariat public-privé. On ne dit pas que l’État ou les collectivités doivent tout payer. Il faut échanger avec tous les acteurs. C’est ça qui fera, si nous sommes ensemble, que nous arriverons à débloquer des situations. Pour cela, l’échelon régional est assez intéressant puisque c’est là que beaucoup de choses se concentrent.

Comment les chefs d’entreprise appréhendent cette période d’élections ?

Très franchement, l’échéance électorale est totalement secondaire dans le quotidien des chefs d’entreprise. Ils sont sur des problématiques importantes avec les soucis de pénuries de main-d’œuvre, d’approvisionnement et du coût de l’énergie. Si on ajoute à cela l’instabilité générale, très franchement, la présidentielle n’est pas le premier sujet de conversation…

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?