Aveyron : il y a 40 ans, Henry’s plaçait Bozouls sur la carte du monde

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  • Plus de 4.000 personnes s’étaient réunies à Bozouls pour fêter l’exploit de l’équilibriste, le 1er août 1982.
    Plus de 4.000 personnes s’étaient réunies à Bozouls pour fêter l’exploit de l’équilibriste, le 1er août 1982. Archives Centre Presse
  • Le record du monde officialisé.
    Le record du monde officialisé.
  • Henry’s et sa plateforme pour l’exploit de 1982.
    Henry’s et sa plateforme pour l’exploit de 1982.
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Mathieu Roualdés

À l’été 1982, le funambule Henry’s établissait un nouveau record du monde en survivant onze jours sur un fil au-dessus du "trou" de Bozouls.

Samedi 1er août 1982. Il est 17 h 01 lorsque celui qu’on appelle Henry’s retrouve la terre ferme et la place de la mairie de Bozouls. Près de 4 000 personnes sont là, des locaux, des touristes et beaucoup de journalistes. L’effervescence est telle que le funambule, vêtu d’un maillot de cycliste floqué au nom des portes Rozière, est victime d’un malaise… Dans la foule et sous un soleil de plomb, il s’écroule avant que sa femme, Janick, ne l’aide à retrouver ses esprits. "Il est habitué aux malaises d’après exploits", dit-elle. Et quel exploit ! Ce petit homme, un peu livide ce 1er août, vient de passer onze jours sur un câble tendu au-dessus du célèbre Gourg d’Enfer. À plus de 100 mètres du vide. Ces 264 heures passées en lévitation constituent un nouveau record du monde. Et les caméras ne s’y trompent pas : toutes veulent capter ce moment. Henry’s, le Stéphanois, vient de placer Bozouls sur la carte du monde et offre à son canyon une nouvelle célébrité. Surtout, il écrit une des plus belles pages de l’histoire du village.

"En termes de sécurité, on ne pourrait pas le refaire"

Quarante ans plus tard, que ce soit sur la place de la mairie ou ailleurs, personne n’a oublié Henry’s et son exploit. Le maire Jean-Luc Calmelly était alors un jeune conseiller municipal, imprimeur et président du comité des fêtes. Lorsqu’il se plonge dans ses souvenirs à l’aide des coupures de presse de l’époque, ses yeux d’enfants ressurgissent. "C’est la première fois que le trou de Bozouls faisait l’objet d’une telle médiatisation. L’engouement dans le village était incroyable. On était des centaines de bénévoles à se relayer 24/24… Puis quand j’y repense, je me dis qu’on ne pourrait plus jamais faire la même chose aujourd’hui en termes de sécurité. À l’époque, on avait nous-mêmes accroché le câble à un tronc d’arbre d’un côté et une pelle mécanique d’un autre ", sourit celui qui, par la suite, a nourri une véritable relation d’amitié avec le funambule star.

À Bozouls, il a d’ailleurs laissé une trace indélébile et est revenu à de nombreuses reprises sur les terres de son exploit, tantôt pour traverser le canyon sur deux roues d’une voiture, tantôt sur une petite moto… " Sa fille, qui l’accompagnait dans tous ses numéros à travers le monde, a même fini par épouser un Bozoulais ", sourit encore Jean-Luc Calmelly. Sans oublier d’expliquer comment ce Stéphanois avait choisi le "trou" aveyronnais comme scène de son exploit : " C’était l’idée d’un entrepreneur du village. Il souhaitait faire connaître Bozouls et avait vu un reportage télé sur Henry’s. Il a donc décidé de l’inviter, de lui montrer le trou et le courant est de suite passé ". Janick, son épouse, dira même que cette place de la mairie avec ses terrasses lui avait fait penser à un "village à la Pagnol".

Préparation d’athlète, toilettes ambulantes et jus de myrtilles

Du côté des habitants, certains restaient néanmoins sceptiques sur ce record. Et tout au long des onze jours, ils étaient nombreux à venir en pleine nuit sur la place pour surveiller si Henry’s ne bénéficiait pas d’une aide extérieure. Que nenni ! L’homme avait tout préparé. À 52 ans, il s’était infligé un rythme de vie d’athlète de haut niveau avant de grimper sur le fil, le mercredi 21 juillet, avec quelques valises en mains. À l’intérieur de celles-ci, disposées sur une toute petite plateforme accrochée au câble (2 mètres de long, 70 cm de large), le funambule avait prévu 34 bidons d’eau minérale, du jus de myrtilles aux vertus prétendues magiques pour la vue, des conserves de nourriture, un drapeau tricolore fièrement érigé, un toilette "privé" et… des vêtements légers. Bien mal lui en a pris car dès ses premières heures en hauteur, de violents orages se sont abattus. "Il n’a qu’une bâche en plastique pour se protéger. Mais il est tellement têtu qu’il n’accepterait pas que je lui fasse passer un pull-over", confiait Janick, son épouse avec qui il était relié par talkie-walkie. Henry’s voulait l’autonomie totale. Il l’a eu.

Pour éviter l’ennui, l’équilibriste s’obligeait des marches sur le câble toutes les vingt minutes. Avant de s’endormir, dans un duvet humide, entre 21 heures et une heure du matin, sous les yeux de nombreux spectateurs. Plus d’un millier de personnes suivaient l’exploit au quotidien. Cela a duré onze jours. Onze jours pour l’éternité. Avant que Henry’s ne range ce nouveau record du monde dans son armoire à trophées, déjà garnie de jolies photographies comme celle d’une traversée du mythique Grand Canyon, des chutes du Niagara ou encore d’un stade de Montréal devant plus de 40 000 spectateurs. À Bozouls, on se souvient aussi qu’il était revenu en 1995 pour tirer un feu d’artifice de son câble !

Henry’s, de son vrai nom Henry Réchatin, s’est éteint à 82 ans. Il s’est donné la mort, ne supportant pas sa vieillesse. "C’est le goût du risque qui me motive", expliquait-il en 1965 au micro de Michel Drucker. À Bozouls, après son exploit, il avait eu cette phrase relayée par Centre Presse à l’époque : "Je vis ces exploits comme une drogue. Tant que je pourrai, je n’arrêterai pas. Ma femme me dit souvent que je suis masochiste mais il faut toujours essayer de forcer. Car j’ai l’impression que l’on perd de plus en plus l’habitude de souffrir. Les jeunes n’ont plus d’ambition. On prend des médicaments pour résister au mal, on ne fait plus confiance à notre propre volonté".

Samedi 20 août, Bozouls remet ça avec de la slackline

Comme un hommage. Dans le cadre de la Festà del Traouc, le comité des fêtes de Bozouls a imaginé un nouvel exploit pour les visiteurs. Dans l’après-midi et la soirée du samedi 20 août, plusieurs acrobates sont invités à traverser le canyon sur une… sangle élastique ! On appelle cela de la slackline. Très en vogue depuis plusieurs années, la discipline s’apparente à du funambulisme. Selon nos informations, l’événement pourrait réunir plusieurs des athlètes de haut niveau de la discipline. Ce même jour, le village proposera également des passages en tyrolienne au-dessus du canyon. Tarif : 5€ l’aller-retour. Sans oublier la soirée musicale. Dans laquelle les plus anciens ne devraient pas manquer de se rappeler au bon souvenir du célèbre Henry’s…
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