Rodez. Climat, trésorerie : la double peine pour des éleveurs de l'Aveyron

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    Climat, trésorerie : la double peine pour des éleveurs
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Philippe Routhe

Ils prévoient de manifester mardi 13 septembre au soir. Un premier signal d’alarme dans ce contexte inédit qui met les éleveurs de la région à rude épreuve.

Dès le mois de mai, nombre d’éleveurs ont senti le mauvais vent arriver. Voire dès le mois d’avril. "La première coupe n’était pas vraiment au rendez-vous. En 2021, un été pluvieux nous avait permis de rattraper le coup. Mais on se doutait que l’on ne vivrait pas deux années de suite le même scénario. Cela n’a pas loupé. Et ce fut même pire que ce que l’on pensait". Germain Albespy est éleveur à La Bastide l’Évêque, en ovin et caprin. Comme tous ces collègues agriculteurs, il doit taper dans les stocks pour nourrir ses bêtes et sait qu’il ne passera pas l’hiver s’il n’agit pas. "Avec différents techniciens, notamment de la Chambre d’agriculture, on a établi différents scénarios. Et on a fait le choix d’acheter du fourrage. 70 tonnes", explique-t-il. Un fourrage qui sera payé, au bas mot, 50 % plus cher que l’an passé.

La faute au mauvais jeu de l’offre et de la demande. "Beaucoup de départements sont dans la même situation que nous. Et en Aveyron, c’est tout le monde qui est touché", explique-t-il. Avec des pertes fourragères allant de 40 à presque 80 %.

Une solution : décapitaliser…

Résultat, les éleveurs sont un peu à la croisée des chemins. Ils ont des choix à faire. "Car à cela s’ajoute tout le reste, comme les hausses de charges, etc. C’est la double peine", lance le producteur aveyronnais. Certains font le choix de décapitaliser, en vendant une partie du cheptel. Car aujourd’hui, les trésoreries ont également été asséchées. "Il y a des exploitants qui attendent le chèque du maquignon pour pouvoir acheter à manger aux bêtes… on en est là ", souffle Germain Albespy. "Il y en a qui vendent tout leur cheptel" assure Laurent Saint-Affre, président de la FDSEA de l’Aveyron. Un président également inquiet du moral des agriculteurs à l’approche de l’hiver.

Rarement la situation n’a en tout cas été aussi tendue dans les fermes de la région admet-on chez tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire. Mais en attente d’une réaction urgente, une partie du monde paysan a la mauvaise sensation de ne pas être entendue.

"On sait que l’administratif n’est pas le point fort de notre pays" ironise Germain Albespy. "Mais il est simplement question de l’autonomie alimentaire de notre pays. Tout l’enjeu est là. Et moi j’ai le sentiment que le pays évite le sujet car, oui, notre situation va avoir un impact sur le panier du consommateur".

Raison pour laquelle, mardi soir, Cantaliens, Lozériens et Aveyronnais, à l’instar des Tarnais qui ont manifesté en début de semaine, ont décidé de mener une action "syndicale forte" . Avec pour principal objectif, la demande du traitement des dossiers à la Commission nationale de gestion des risques agricoles (CNGRA) d’octobre "et un déblocage des fonds en suivant et dans les plus brefs délais".

Le 30 août, le président du conseil départemental, Arnaud Viala avait rencontré le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, pour entre autres évoquer avec lui la problématique de la sécheresse dans le département de l’Aveyron. Mais il se pourrait bien que dès mardi soir, cela fasse un peu plus de bruit. En tout cas, les agriculteurs sont bel et bien inquiets.

Laurent Saint-Affre : "Il y a urgence"

Entretien avec le président de la FDSEA de l’Aveyron. Quelle est la situation des exploitations dans le département aujourd’hui ?Les pertes fourragères vont de 45 à 70 %, voire 80 % pour certaines exploitations. Et l’urgence, c’est la trésorerie des exploitations qui est à sec. Or, il y a besoin de fourrage. Mais vu le contexte, il est aujourd’hui très cher. La demande est importante et cela fait le jeu de l’offre et de la demande… La DDT mène actuellement ses enquêtes sur le terrain pour évaluer la situation. Elle dressera le bilan lundi soir.Comment réagissent les éleveurs ?Il y en a qui vendent des bêtes pour pouvoir acheter le fourrage qui permettra de nourrir les bêtes qu’ils ont gardées. D’autres ne bougent pas parce qu’ils ne peuvent pas, et vont subir l’hiver. Il y a une grosse préoccupation de l’état de santé de ces éleveurs qui se font beaucoup de soucis. J’en connais un qui a fait le choix de vendre toutes ces bêtes. Il a calculé, au regard des hausses de charges, qu’il lui fallait 60 000 euros. Ça ne passe plus…Qu’en est-il des indemnisations ?Le fond de calamités agricoles, on sait comment cela marche. Il est financé à 50 % par l’État et 50 % par les agriculteurs. Le problème, c’est qu’il faut que cela aille vite. Localement, la direction des territoires a eu un peu de mal à s’y mettre mais maintenant c’est bon. Elle y est. En revanche, côté de l’État ça ne va pas. Nous avons un ministre hésitant. Il est entre la première et la marche arrière. Cela fait quand même six mois qu’il est en place.Raison pour laquelle vous irez manifester mardi soir.Oui. Cette sécheresse est certes exceptionnelle, mais les dossiers de calamités et tout ce qui va avec, tout cet aspect administratif, on sait comment ça marche. Là, une réunion nationale est programmée le 19 octobre et la prochaine… en mars. Ça ne va pas ! Il y a urgence. Trop d’éleveurs n’ont plus de perspectives. Ils doivent vite retrouver de la trésorerie.
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