Pesticides : faut-il avoir peur de boire l'eau du robinet ?

  • 20 % des Français boivent de l’eau jugée non conforme.
    20 % des Français boivent de l’eau jugée non conforme. Repro CPA
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Centre Presse Aveyron

En 2021, environ 20 % des Français de métropole, soit quelque 12 millions de personnes, ont reçu au robinet, "régulièrement ou épisodiquement, une eau non conforme aux critères de qualité", selon les données recueillies par Le Monde auprès des agences régionales de santé, des agences de l’eau et des préfectures. Pour autant, cela doit-il nous empêcher de la consommer ?




 

L’eau est l’aliment le plus sûr et le plus contrôlé en France. Et pourtant, les pesticides et les molécules issues de la dégradation de ces derniers auraient de graves conséquences sur la qualité de l’eau. Faut-il s’inquiéter de cette nouvelle ? Boire une eau présentant des traces, même minimes, de pesticides est-il dangereux pour la santé ? 

Des chiffres « probablement » sous-estimés

Pour Julie Mendret, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier et spécialiste du traitement de l’eau, les résultats rendus publics jeudi 22 septembre sont « un pavé dans la mare ». « Les méthodes d’analyse progressent. Plus on va chercher, plus on va trouver [des pesticides dans l’eau]. On retrouve même des pesticides interdits… », se désole-t-elle.

En décembre 2020, la Direction générale de la Santé a fait étendre les champs de recherche de pesticides dans l’eau potable. Résultat : les 6 % de Français concernés en 2020 sont passés à 20 % en 2021. C’était « prévisible », estime Mickaël Derangeon, vice-président d’Atlantic’eau, service public de distribution de l’eau potable en Loire-Atlantique, et maître de conférences à Nantes Université en physiologie, l’étude du fonctionnement des organismes vivants. Ces nouveaux résultats sont « probablement en dessous de la réalité », ajoute-t-il.

Il existe deux types de contrôle de l’eau potable. D’abord, celui des Agences régionales de Santé (ARS), qui déterminent chacune une liste de molécules à rechercher.  Les gestionnaires des réseaux d’eau potable réalisent également des autocontrôles.

Partout en France, les pesticides jugés potentiellement dangereux ne doivent pas dépasser le seuil de 0,1 microgramme par litre (ou 0,3 microgramme pour certains) et leur somme ne doit pas dépasser les 0,5 microgramme/litre. Des seuils fixés en 2007, sans certitude sur la réalité des risques. 

Pour fixer des normes sanitaires, explique Le Monde, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a besoin d’études. Celles-ci n’existent pas encore pour tous les pesticides.

Autant de pesticides dans 1 kg de célerie que dans 500 000 litres d'eau

« Les effets à long terme sur la santé d’une exposition à de faibles doses de pesticides sont difficiles à évaluer », écrit le ministère de la Santé sur son site.

Faut-il donc avoir peur de boire l’eau du robinet ? Les quantités de pesticides présentes dans l’eau du robinet sont toutefois à relativiser, explique Mickaël Derangeon. « L’échelle est différente dans l’alimentation. Les aliments conventionnels [non issus de l’agriculture biologique] peuvent légalement contenir dans 1kg jusqu’à 500 000 fois plus de pesticides qu’un litre d’eau. Dans 1kg de céleri, vous pouvez légalement avoir autant de pesticides que dans 500 000 litres d’eau. »

« Mais même dans des quantités faibles, les pesticides peuvent avoir des conséquences. Le risque, avec l’eau, c’est l’exposition sur le long terme ou à certains moments de la vie, par exemple quand on est bébé ou enceinte », ajoute Mickaël Derangeon, évoquant notamment des effets sur le développement du cerveau de certains bébés. « On a les preuves scientifiques, mais il n’y a aucune réponse de santé publique », déplore-t-il.

Comment les pesticides se retrouvent au robinet ?

Alors que faire ? Il faut d’abord comprendre comment les pesticides se retrouvent dans notre robinet. L’épandage est la première cause d’infiltration des pesticides dans les sols. Ces molécules se retrouvent aussi dans la pluie et, enfin, dans nos stations d’épuration par notre alimentation. 

Une fois dans l’environnement, la molécule du pesticide peut se modifier au contact de l’humidité ou avec le changement de température, par exemple. Cette molécule modifiée s’appelle le métabolite. C’est lui qu’on retrouve dans l’eau du robinet. 

L’eau en bouteille, la solution ?

Faut-il alors boire de l’eau en bouteille ? « Moi, je bois de l’eau du robinet. Quand j’achète de l’eau en bouteille, je ne sais pas combien de temps elle a passé là, peut-être au soleil ! », témoigne le vice-président d’Atlantic’eau. Plusieurs études ont également démontré la présence de microplastiques dans ces eaux en bouteille. « Ce n’est donc pas une solution », évacue Mickaël Derangeon.

Julie Mendret souligne aussi l’impact environnemental des bouteilles d’eau. « Ce serait une catastrophe si tout le monde se mettait à boire de l’eau en bouteille », explique celle qui publiait cet été un article dans The Conversation défendant la consommation de l’eau du robinet, « plus sûre que l’eau en bouteille ».

« L’eau est l’élément le plus contrôlé en France », tente encore de rassurer Mickaël Derangeon, suggérant aux plus frileux de se tourner vers les bouteilles en verre.

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