Scandale : José Bové raconte la corruption au sein du Parlement européen

Abonnés
  • José Bové a été député européen de 2009 à 2019.
    José Bové a été député européen de 2009 à 2019. Archives Centre Presse - Guilhem Ricchaud
Publié le , mis à jour
Recueilli par Lucas Serdic

Après l'arrestation de quatre personnes dont une vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, pour  "blanchiment d'argent et corruption" dans une affaire qui impliquerait le Qatar, l'ancien eurodéputé aveyronnais témoigne.
 

Êtes-vous surpris par ce scandale à Bruxelles ?
Surpris, non. Si ce n’est que pour une fois, les enquêteurs sont parvenus à prendre les fautifs en flagrant délit. Mais pour la corruption en elle-même, pas du tout.

Pourquoi ?
Cette affaire a eu lieu dans le cadre d’une commission de lien direct avec le Qatar, comme il en existe beaucoup au Parlement européen. Ce sont des “lieux” où je dirais qu’il y a vraiment besoin de faire le ménage. On parle là de ce qu’on appelle à Bruxelles des « associations d’amitié » entre un pays et le Parlement européen. Ce sont en fait en quelque sorte des “clubs privés” de députés européens qui sont en lien avec tel ou tel pays. Le Parlement en tant qu’institution n’a aucun pouvoir sur eux. Ils se forment au niveau des députés. Mais ils représentent de vrais risques de conflit d’intérêts.

Comment ça se traduit ?
Bien souvent, les pays qui sont en lien avec ces « associations d’amitié » les utilisent sciemment pour faire avancer certains dossiers dans leur intérêt. J’ai moi-même, personnellement, assisté à plusieurs reprises à ce genre de scènes.

On vous a approché ?
Bien sûr. Je pense à l’association Europe Maroc notamment, une structure où on retrouvait des députés européens de tous les bords. Elle avait pour objectif, clairement, de soutenir les intérêts de l’État marocain. À l’époque, j’avais été approché fortement et avec beaucoup d’insistance par les autorités marocaines, et notamment le ministre de l’Agriculture, parce que j’étais rapporteur sur le dossier de l’accord de libre-échange agricole avec l’UE sur les fruits et les légumes. Voyant qu’il ne pouvait pas me tordre le bras, on m’avait proposé de m’envoyer « un petit cadeau ». Quand je leur ai donné l’adresse, ils m’ont dit qu’ils ne connaissaient pas l’endroit. Je leur ai répondu que c’était celle de mon avocate. Je n’ai plus eu de nouvelles (*).

Cette affaire n’était pas allée plus loin à l’époque ?
Non. En revanche, un conflit que j’ai eu avec la marque de cigarettes Philip Morris aurait pu donner des suites judiciaires. J’avais collaboré avec les autorités dans ce but, mais les personnages impliqués étaient basés en Suède. Les enquêteurs m’avaient expliqué qu’ils ne pouvaient pas aller plus loin, faute de moyens suffisants.

(*) José Bové livre son vécu au Parlement européen dans le livre “Hold-Up à Bruxelles”.
Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?