Canicules, submersions, moins de vaches... à quoi ressemblera l'Occitanie en 2100 avec 4 degrés de plus ?

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    Le changement climatique va remodeler le visage de l’Occitanie. Illustration - Midi Libre
Publié le , mis à jour
Morgane Masson

Quelles côtes, quels étés, quels hivers, quelles cultures ? Trois experts ont accepté d’imaginer l’Occitanie du futur, à la lumière des projections du Giec.
 

En préambule, rappelons que les processus de réchauffement sont déjà enclenchés et que les phénomènes évoqués s’installeront progressivement, et à des intensités variables. Pour illustrer, Denis Lacroix, prospectiviste à l’Ifremer, a une métaphore parlante.
"C’est un tsunami au ralenti qui approche, mais la vitesse à laquelle il arrive et la hauteur de la vague dépendent de nous."

1. Canicules et medicanes

En météorologie, il faut prendre en compte le facteur de variabilité climatique, rappelle Alix Roumagnac président de Predict, entreprise montpelliéraine spécialisée dans la gestion du risque climatique. "Ce n’est pas parce que l’air se réchauffe qu’il va faire 25 degrés toute l’année." Il identifie quatre conséquences majeures pour la région : les canicules, la sécheresse, la submersion marine, et "paradoxalement, les coups de froids tardifs, qui ne seront pas plus nombreux mais auront de plus lourdes conséquences".

Tout cela, nous y assistons déjà, direz-vous. "Mais il faut avoir en tête l’idée d’une courbe qui monte." "Peut-être que dans cinq ou dix ans, le record de chaleur ne sera plus à 46 mais à 47, 48, 50 degrés et les précipitations de l’ordre de 300 mm passeront à 400…"

Il n’exclut pas non plus l’apparition de nouveaux événements climatiques. Notamment, des "medicanes", contraction de Méditerranée et de hurricane (ouragan en anglais). "Quand on a des dépressions, les fameuses gouttes froides, et qu’elles trouvent une mer à plus de 28 degrés, on a le lancement d’un processus similaire à celui d’un ouragan. Mais comme la surface de la Méditerranée est très courte, il va rapidement trouver des terres et s’éteindre en générant des coups de vent très importants, de la houle, quasiment cyclonique."

En gros, "si on ne fait rien, ça va arriver plus vite et plus fort", résume Alix Roumagnac, reprenant sans le savoir l’image de la vague.

2. Submersions et requins…

Transition toute trouvée pour se tourner vers les côtes, composante identitaire forte de la région, où là encore, la transformation du visage du littoral est déjà engagée. Pour Denis Lacroix, de l’Ifremer, "toutes les simulations montrent désormais que la Camargue va être submergée". S’il faut s’attendre à en abandonner une partie, "ce qui va être plus compliqué à gérer, ce sont les stations balnéaires d’Occitanie".

Sans tomber dans le scénario catastrophe de la ville submergée par les flots, "le front de mer subira plus de tempêtes, la salinisation des sols va attaquer de plus en plus les fondations". Conséquence, "les gens auront plus de mal à vendre leurs maisons, les assurances vont cesser petit à petit d’assurer certains biens", résume-t-il.
Avec la hausse de la température de l’eau, "on pourrait voir des poissons subtropicaux, des poissons-perroquets, des requins aussi".

En somme, avoir une mer Méditerranée qui ressemblera de plus en plus à la mer Rouge. Péril également sur la conchyliculture. "Si on imagine l’étang de Thau avec 45 degrés pendant plus d’une semaine, pratiquement toutes les espèces vont mourir. S’y préparer, c’est vraiment important, car il y aura des accidents, plus ou moins importants" , alerte Denis Lacroix.

3. Moins de vaches, plus de pistaches

Les experts sont unanimes sur un point, s’adapter est crucial. Pour l’agroclimatologue héraultais Serge Zaka, notre région ressemblera "selon les scénarios, à Valence ou à l’Andalousie" . Pour lui, "le changement le plus radical sera l’évolution de la production régionale". Il pourrait ainsi y avoir "de la pistache, de la grenade, de la noix de cajou, du sorgho, du millet, des choses qu’on n’a pas l’habitude de produire" .

En parallèle, il faudrait faire une croix sur certaines cultures, comme l’abricot qui fleurit par exemple plus tôt que la pistache et qui pourrait remonter plus au nord.

Les goûts des aliments produits vont changer. Le vin notamment, puisque de nouveaux cépages devront être implantés. "Les pommes aussi devraient être un peu plus acides, et de nouvelles variétés pourraient être cultivées, notamment celles qui ont moins besoin de vernalisation (besoin de froid pour fleurir, NDLR).".

Côté élevage, les quelques vaches laitières de la région pourraient céder la place à des ovins et des caprins, "ça nous donnera des paysages pastoraux plus proches de ceux du Liban ou de la Crète" . Confiant sur la pérennité de l’agriculture, Serge Zaka rappelle "qu’il ne faut pas louper le coche de l’adaptation en se disant qu’on verra plus tard". À titre indicatif, il estime qu’implanter une nouvelle filière agricole prend en moyenne quinze ans. Il est donc temps.

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