Crime de guerre, 24 villes inondées, approvisionnement en eau... Les conséquences de la destruction du barrage de Kakhovka en Ukraine

  • La destruction du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka entraîne de graves répercussions environnementales.
    La destruction du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka entraîne de graves répercussions environnementales. Capture Twitter
Publié le
Nicolas Drusian avec Reuters

Vives inquiétudes après la destruction du barrage hydroélectrique de Nova Kakhovka, au moins 16 000 personnes se trouvant sur les zones inondables ont été évacuées d'urgence.

L'Ukraine a accusé, ce mardi 6 juin 2023, la Russie de s'être rendue coupable d'un gigantesque crime de guerre en faisant exploser le barrage de Nova Kakhovka, provoquant l'inondation des rives du Dniepr dans la région de Kherson dans le but, selon Kyiv, d'empêcher les soldats ukrainiens de traverser le fleuve pour mener leur contre-offensive.

Moscou assure de son côté que le barrage et la centrale hydroélectrique attenante ont été détruits par des bombardements ukrainiens, le Kremlin affirmant que Kyiv a ainsi voulu priver la Crimée, annexée en 2014, de son approvisionnement en eau via un canal qui part de Nova Kakhovka, et détourner l'attention de l'échec de sa contre-offensive.

Le ministère russe de la Défense a affirmé lundi soir avoir tué 1.500 soldats ukrainiens et détruit des dizaines de chars et de blindés dans la région de Donetsk, dont des chars Leopard de fabrication allemande, sans apporter aucune preuve à l'appui de son affirmation. La destruction du barrage de Nova Kakhovka, contrôlé par les forces russes, et l'inondation du delta du Dniepr qui en a immédiatement résulté, représentent l'une des plus grandes catastrophes humaines et environnementales depuis le début de la guerre.

Russian terrorists. The destruction of the Kakhovka hydroelectric power plant dam only confirms for the whole world that they must be expelled from every corner of Ukrainian land. Not a single meter should be left to them, because they use every meter for terror. It’s only… pic.twitter.com/ErBog1gRhH

— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) June 6, 2023

Des milliers d'habitants vivant en aval du barrage, en majorité côté ukrainien, ont dû fuir leurs maisons inondées et parfois même emportées par les millions de litres d'eau libérés par le barrage endommagé. La retenue d'eau de Nova Kakhovka est longue de 240 km et fait jusqu'à 23 km de large. Le Premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal, a annoncé que 16 000 personnes devaient rapidement être évacuées, quand Moscou parle de 22 000 personnes. Au moins 14 localités sont concernées.

Selon le maire de Nova Kakhovka installé par Moscou, le niveau de l'eau dépasse désormais 11 mètres. Plus loin, dans la ville de Kherson reconquise par l'Ukraine l'an dernier, un habitant, Oleksandr Syomyk, a déclaré à Reuters que le fleuve avait pour le moment crû d'un mètre, inondant certains quartiers.

A lire aussi : VIDEO. Les images impressionnantes du barrage de Kakhovka visé par des explosions, en Ukraine

"Crime de guerre"

En vidant au moins en partie la retenue d'eau sur le Dniepr, la destruction du barrage pourrait aussi compromettre la sécurité des systèmes de refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia, située en amont, même si l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) s'est montrée rassurante sur l'existence de solutions alternatives. Le chef de l'agence onusienne, Rafael Grossi, a indiqué qu'il se rendrait prochainement sur place pour évaluer la situation.

La destruction du barrage, édifice de 30 m de haut sur 3,2 km de large datant de l'époque soviétique, a suscité une vague de condamnations mondiales, les alliés occidentaux de l'Ukraine pointant du doigt la responsabilité de la Russie.

Les attaques contre les infrastructures civiles essentielles sont définies par les conventions de Genève comme des crimes de guerre, a rappelé Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, accusant Moscou de poursuivre ainsi son "chantage nucléaire". Il s'agit d'un "acte scandaleux, qui démontre une fois de plus la brutalité de la guerre de la Russie en Ukraine", a renchéri le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.

Profondément choquée par la destruction du barrage de #Kakhovka en #Ukraine. Une catastrophe humanitaire et environnementale qui s’ajoute aux crimes de cette guerre d’agression. Tout mon soutien au peuple ukrainien. La France est à ses côtés.https://t.co/4w4OgMwhOa

— Yaël Braun-Pivet (@YaelBRAUNPIVET) June 6, 2023

Kyiv a demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'Onu, quand bien même cette structure est paralysée par le droit de veto de Moscou. Le président Volodimir Zelensky, qui a convoqué une réunion en urgence de son propre conseil de sécurité, a imputé cette attaque aux "terroristes russes". "La destruction de la centrale hydroélectrique de Nova Kakhovka démontre au monde entier qu'ils doivent être chassés de chaque coin de la terre ukrainienne", a-t-il déclaré sur la messagerie Telegram.

La Russie est un "Etat terroriste", a également déclaré un représentant ukrainien lors d'une audience de la Cour pénale internationale de La Haye, aux Pays-Bas, consacrée au soutien apporté par Moscou aux séparatistes pro-russes qui ont abattu le vol MH17 de Malaysian Airlines au-dessus de l'est de l'Ukraine en 2014.

Guerre en Ukraine: les villes inondées et les habitants évacués après l'explosion du barrage de Kakhovka pic.twitter.com/C44nh9sWa5

— BFMTV (@BFMTV) June 6, 2023

Contre-offensive en toile de fond

Selon les autorités ukrainiennes, le barrage et la centrale hydroélectrique attenante ont été détruits par des explosions internes. Elles n'ont pas apporté de preuve visuelle de leur affirmation pour le moment.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a nié tout rôle de son pays dans l'explosion du barrage "Nous pouvons dire sans l'ombre d'un doute que nous parlons d'un sabotage délibéré de la part de la partie ukrainienne", a-t-il dit à la presse à Moscou, sans apporter davantage de preuves. "Le régime de Kyiv devrait porter l'entière responsabilité de toutes les conséquences."

À court terme, la destruction du barrage semble profiter davantage à la Russie, alors que l'assèchement des berges du delta du Dniepr pendant la période estivale aurait pu faciliter d'éventuelles opérations de l'armée ukrainienne en direction de la Crimée. Les Russes agissent "dans la panique" face à la perspective de la contre-offensive ukrainienne, ont estimé les services de renseignement militaires de Kyiv.

Aussi tragique soit-elle pour les civils vivant en aval du barrage, sa destruction ne fera pas dérailler les préparatifs de la contre-offensive ukrainienne, a assuré pour sa part l'armée ukrainienne, alors que les experts s'attendent à des attaques majeures dans la région de Zaporijjia, en amont de Nova Kakhovka. Les troupes ukrainiennes poursuivent pour le moment leur progression près de la ville martyre de Bakhmout, que les mercenaires de Wagner qui l'ont péniblement conquise le mois dernier ont récemment remise à l'armée russe

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?