C'est quoi cette "nourriture de Blancs" qui amuse les étudiants chinois sur les réseaux sociaux ?

  • Froide, sans assaisonnement ou très frugale, la "nourriture des Blancs" suscite l'interrogation et, parfois, la moquerie de la part d'étudiants chinois.
    Froide, sans assaisonnement ou très frugale, la "nourriture des Blancs" suscite l'interrogation et, parfois, la moquerie de la part d'étudiants chinois. alvarez / Getty Images
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Laurent Roustan, avec ETX

Un oeuf dur, une simple tranche de jambon ou une salade mangée telle quelle... Un déjeuner sur le pouce, qui peut paraître anodin pour un Américain ou un Européen, ne l'est en réalité pas du tout pour un Chinois. Des étudiants de l'Empire du Milieu qui suivent une formation à l'étranger s'amusent, et s'étonnent, de cette "nourriture de blancs" de leurs camarades occidentaux . On vous explique.

Un simple sandwich composé de tranches de pain de mie et de fines tranches de jambon et fromage, quelques carottes et une poignée de champignons crus... Voilà ce que l'on peut trouver dans le tupperware d'un salarié français, allemand ou néerlandais à l'heure du déjeuner. Un menu somme tout banal pour un occidental, et qui alimente pourtant une quantité de conversations entre étudiants chinois. Sur le site de microblogage Weibo ou le réseau social Xiaohongshu, ce genre de déjeuners est désigné comme de "la nourriture de Blancs" (báirén fàn, en chinois). Suivant des études aux Etats-Unis ou en Europe, ces internautes originaires de l'Empire du Milieu s'amusent à poster des menus divers et variés qu'ils accompagnent du hashtag #whitepeoplefood. Les adeptes de cette nouvelle tendance digitale n'hésitent pas à filmer ce qui les surprend, à l'image de cette vidéo qui fait beaucoup parler depuis sa diffusion fin mai dernier. Filmée lors d'un voyage en train vers Zurich, en Suisse, elle présente une femme ouvrant un sachet de salade pour manger quelques feuilles enveloppées de charcuteries.

C'est quoi de la "nourriture de Blancs" ?

Sur TikTok, l'influenceuse Lee Twodog explique concrètement pourquoi ces vidéos sont devenues aussi virales auprès de la communauté chinoise et décrit à quoi correspond cette notion de "nourriture de Blancs". Il s'agit en fait de manger froid ou sans assaisonnement, et notamment sans épices. De son avis, cela ne permet de donner aucune sensation en bouche. Par ailleurs, ce genre de déjeuners n'a aucun sens parce qu'ils ne sont pas nutritifs et n'apportent aucune énergie. A noter que l'on parle essentiellement de menus pris sur le pouce dans le cadre du travail ou sur les bancs de l'université. Sur Weibo, un blogueur indique que ces repas frugaux permettent de savoir ce que cela fait d'être mort ! Pour de nombreux internautes chinois, il s'agit même de "repas de la souffrance".

 

Au-delà des moqueries que suscitent ces repas froids ou simples, ou de la question potentiellement raciste d'utiliser l'expression "nourriture de blancs", ces échanges démontrent surtout combien la nourriture est un marqueur évident d'une culture. Pour les Chinois, la cuisine est le résultat de multiples ingrédients, d'assaisonnements et de sauces que l'on accommode.

Fatigués du "996"

Pour autant, si certains étudiants chinois partagent leur surprise, sinon leurs critiques, d'autres précisent bien avoir adopté ce régime alimentaire depuis qu'ils habitent en Occident. Sur Radio Canada, la professeure en sociologie Amy Hanser indique que cette tendance digitale "symbolise un changement de mentalité chez les jeunes chinois et une opposition à une vie de labeur". A travers ces vidéos, les étudiants venus de l'Empire du Milieu démontrent leur rejet du modèle de vie chinois, que l'on surnomme "996" pour signifier que l'on travaille de 9h à 21h, et ce six jours par semaine. Un schéma qui impose aussi de devoir cuisiner pour le repas du lendemain midi. Avec les menus occidentaux, les étudiants chinois peuvent se libérer de ce genre de contraintes.

Retour à l'envoyeur

De son côté, une professeure adjointe à l'École de gestion des ressources et de l'environnement de l'Université Simon Fraser (SFU), Tammara Soma, analyse cette tendance d'une autre façon. Il s'agit plutôt de se réapproprier le sarcasme quand le sujet culinaire est abordé dans une conversation. On ne peut en effet pas nier que les Occidentaux décrivent depuis longtemps la nourriture asiatique dans son ensemble comme des spécialités dites exotiques, voire parfois étranges... "La stigmatisation persistante contre la nourriture chinoise était étroitement liée aux histoires de sentiment anti-chinois aux États-Unis", a déclaré au Washington Post Lisa Li, une tiktokeuse connue pour être une militante ayant cofondé un journal spécialisé pour les restaurants chinois à New York.

Poulet basquaise, civet de lapin, coq au vin, blanquette où êtes-vous ?

Avec cette "nourriture de blancs" qui selon les Chinois nous donne un avant-goût de la mort, l'on en viendrait presque à vouloir un retour franc et massif des bons petits plats mijotés traditionnels dans les campus ou les bureaux. Entourés de civets de lapin, de blanquettes de veau, poulets basquaises et autres coqs au vin, nos voisins asiatiques ne pourraient que saliver.

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