ANALYSE. Rébellion de Wagner : "Tout cela montre que la Russie de Poutine est fragile"

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    Les mercenaires ont reçu l’ordre de regagner leurs camps. MaxPPP
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Manuel Cudel

La rébellion du chef de Wagner est un moment charnière de la guerre en Ukraine.

La créature de Poutine a fini par se retourner contre lui. L’entrée en rébellion du chef de Wagner, Evgueni Prigojine, "l’insurrection" dénoncée samedi par le maître du Kremlin resteront un moment charnière dans l’histoire de la guerre en Ukraine.

Les mercenaires russes ont fini par recevoir l’ordre de regagner leurs camps alors que Moscou se barricadait pour protéger ses institutions d’un éventuel coup d’État, un rebondissement qui questionne.

Comment en est-on arrivé là ?

Evgueni Prigojine "vient de franchir le Rubicon et c’est l’aboutissement d’un processus de dégradation de ses relations avec le Kremlin, la résultante des frustrations de Wagner qui dénonce un soutien insuffisant du commandement russe et son incapacité à trouver une solution tactique", explique le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale.

Les succès de Wagner, ont jeté aussi "une ombre et un discrédit sur l’armée russe", observe l’universitaire montpelliéraine Carole Grimaud, spécialiste de la Russie, experte à l’Observatoire géostratégique de Genève.
Les critiques acerbes de Prigojine, ses ambitions politiques croissantes, ont exacerbé les tensions au fil des semaines.

"Son refus de voir Wagner incorporé au ministère de la Défense, il y a quelques jours, a été le dernier “coup de poignard”. Il semblerait que la décision d’en finir avec lui se soit jouée là, avec une embuscade menée par l’armée russe contre Wagner lors de son retrait de Bakhmout et l’attaque ces dernières heures de missiles sur ses troupes", précise la politologue. Evgueni Prigojine se sait menacé. Il vient de rappeler sa capacité de nuisance.

Quelles leçons peut-on en tirer ?

La prise de parole de Vladimir Poutine, samedi, "est une déclaration de guerre, analyse le général Pellistrandi. Il le considère comme un ennemi de l’intérieur".

"N’oublions pas qu’il contrôle également un certain nombre d’ambassades à l’étranger, cela aussi, c’est un élément qui compte", glisse le général Pelistrandi.

Longtemps placé au cœur de la stratégie d’influence russe, notamment sur le continent africain, à la tête aujourd’hui d’une armée, l’ancien cuisinier est devenu, pour le maître du Kremlin, un danger.

Peut-il être, pour d’autres, une opportunité, celle "de tourner la page, renverser Poutine, sortir de ce piège dans lequel sont enfermés les Russes depuis le 24 février 2022 ?", via un coup d’État, s’interroge le général Pellistrandi.
"Les appels aux officiels et aux gouverneurs pour écrire des messages de soutien au pouvoir attestent de la menace d’un soulèvement populaire et du retournement des élites", analyse Carole Grimaud.

Tout cela "montre que la Russie de Vladimir Poutine est fragile", abonde le général Pellistrandi. "Prigojine a compris que le système se fissure et s’est engagé dans cette brèche en espérant gagner le soutien de l’armée, de la population, de la résistance formée à l’intérieur de la Russie", note Carole Grimaud. "Mais le soutien de l’armée russe lui a fait défaut et les garanties offertes par l’intermédiaire du président de la Biélorrussie, Alexandre Loukachenko, ont suffi pour lui faire entendre raison", ajoute la géopolitologue.

Evgueni Prigojine n’en est pas moins parvenu "à déstabiliser Vladimir Poutine, il reste en position de force", décrypte le général Pellistrandi.

"Il a fait peur au Kremlin, abonde Carole Grimaud, il a montré la fragilité du pouvoir à la population, c’est aussi un coup au moral pour les forces russes en Ukraine et c’est une menace qui va planer sur Vladimir Poutine dans les prochains mois. L’affaire n’est pas terminée, il y aura des répercussions. On n’en a pas fini avec Prigojine."

Alors que la contre-offensive de Kiev progresse, pour l’instant lentement, "cela peut être aussi une opportunité pour les Ukrainiens", souligne Jérôme Pellistrandi, car les Russes font face désormais à deux fronts.

"Tous les scénarios sont donc sur la table. Nous sommes à l’un de ces moments où l’Histoire peut basculer dans un sens ou dans l’autre et, en Russie, la boîte de Pandore est ouverte", observe le général Pellistrandi.

 

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