Rébellion de Wagner en Russie : déception en Ukraine après le repli surprise des troupes de Prigojine

  • En Ukraine, le visage de la guerre et de ses pertes ne change pas.
    En Ukraine, le visage de la guerre et de ses pertes ne change pas. MaxPPP
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De notre correspondant à Kiev, Alexander Query

Après l’espoir d’un conflit pouvant bénéficier à leur armée, le pays renvoie dos à dos Prigojine et Poutine, deux hommes parfaitement haïs.

Pour une fois, les traits tirés des Ukrainiens au matin du 24 juin ne sont pas seulement le résultat d’une nuit sous les bombes. Beaucoup ont passé la nuit les yeux rivés sur Telegram, pour comprendre si les bases militaires russes étaient toujours contrôlées par l’armée. Vu d’Ukraine, la surprenante saga des troupes de Wagner ressemble à une juste rétribution : au tour des Russes de récolter le chaos et la guerre qu’ils ont semés.

"Le monde a vu que les patrons de la Russie ne contrôlent rien, rien du tout", a écrit le président ukrainien Volodymyr Zelensky, avant d’en rajouter une couche : "Chaos complet, absence totale de toute prévisibilité."

Et la déception a été palpable en Ukraine lorsque le patron de Wagner a annoncé le retrait de sa milice. "Vous avez presque anéanti Poutine, pris le contrôle des autorités centrales, atteint Moscou et soudain vous avez reculé parce qu’un intermédiaire […] à la réputation douteuse, Loukachenko, a promis des garanties de sécurité de la part de Poutine", écrit Mykhailo Podolyak, un des conseillers de Volodymyr Zelensky.

L’idiotie de Lukachenko est devenue proverbiale depuis qu’il a dévoilé les cartes de l’invasion russe avant qu’elle ne commence. Et son manque de charisme confine à la caricature, un choix douteux pour un Machiavel de pacotille.
Les Ukrainiens rêvaient déjà d’un scénario de guerre civile qui affaiblirait à la fois les troupes de Wagner et l’armée russe, donnant une chance de plus à leur contre-offensive, qui a déjà permis la reprise à l’est de Krasnohorivka, sous occupation russe depuis 2014.

Lot de consolation d’un des épisodes les plus bizarres depuis le début de l’invasion russe de 2022 : la chute, en direct, de l’un des criminels de guerre les plus haïs d’Ukraine pour sa cruauté.

Le serpent et le crapaud

Au plus fort de l’avancée de Prigojine lors de la prise de Rostov, l’une des arrières bases cruciales des Russes, Andrii Yermak, le chef du staff de Zelensky, s’est fendu d’un énigmatique tweet en émoticone, avec un serpent et un crapaud, en référence triviale à une expression répandue en Ukraine, évoquant l’accouplement monstrueux des deux, pour illustrer le conflit entre Poutine et Prigojine.

Mais si l’idée de Moscou en proie à la guerre civile paraît séduisante aux Ukrainiens, pas question de prendre parti, sinon pour souligner l’impuissance de Poutine et de ses soutiens.

"Ils ne peuvent même pas empêcher une armée privée de marcher vers le Kremlin", écrit Maria Drutska, experte en défense ukrainienne.

La révolte de Prigojine n’a pas commencé le 23 juin, mais des mois auparavant, lorsque le patron de Wagner s’est plaint de ne pas avoir assez de munitions pour tuer des Ukrainiens.

Ici, la seule différence entre les deux se résume au nombre d’horreurs commises. Prigojine, chef d’une milice responsable de nombreuses exactions sur des civils, de décapitations et de castrations filmées de prisonniers de guerre, reste une figure honnie en Ukraine.

Quant à Poutine, il est quant à lui responsable d’atrocités commises sur les civils, viols systématiques, torture ou exécutions sommaires par ses soldats dans toutes les villes occupées par la Russie, des exactions acclamées en ligne par les Russes.

Les vidéos de la population locale applaudissant les mercenaires de Wagner à leur départ de Rostov confirment ce dont les Ukrainiens se doutaient déjà : cette guerre n’est pas seulement la guerre de Poutine.

 

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