"Des emmerdeurs, des corrompus" : bakchichs, attente interminable... la galère des convois humanitaires à leur arrivée au Maroc

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  • Les véhicules immobilisés de longues heures avant d'être inspectés.
    Les véhicules immobilisés de longues heures avant d'être inspectés. Repro Centre Presse - Célian Guignard - Midi Libre
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Célian Guignard

De l'avis de tous ceux qui le connaissent, le passage par le complexe industrialo-portuaire du nord du royaume, à Tanger, est toujours semé d'embûches. Mais les convois humanitaires, à l'image de celui parti de Lozère et d'Aveyron, mardi 19 septembre de Millau, n'imaginaient pas un tel traitement. On raconte.

Il est 23 h 30, mercredi 20 septembre 2023, à Tanger Med, cet immense complexe industrialo-portuaire du nord du Maroc, qui donne sur le détroit de Gibraltar. Le convoi humanitaire, parti la veille d'Aveyron et de Lozère, pour rejoindre le Haut-Atlas, région meurtrie par un violent séisme de magnitude 7 dix jours plus tôt, se gare sur une aire d'attente de la douane.

Après trente-trois heures de voyage, les moteurs des quatre utilitaires se coupent. Puis, plus rien. Aucune prise en charge. Aucune information. Il y a  juste, plus haut, une autre colonne qui se fait fouiller intégralement. "Je pense que l'on en a pour au moins quatre ou cinq heures d'attente", évalue Hervé Durand, le président d'Emmaüs Millau. "Essayez de dormir", conseille-t-il aux autres chauffeurs.

Un marathon administratif qui n'en finit pas

Près des quatre camions arrivés d'Occitanie, et remplis à craquer de 80 m3 de dons, cinq fourgonnettes immatriculées en Espagne sont aussi alignées. Le logo de leur ONG "Policia Amigo" est bien visible. Cependant, personne n'est à proximité pour donner aux Français le moindre renseignement. Les douaniers ne sont pas coopératifs. La nuit se passe donc à la belle étoile, pour les uns, et dans les cabines des véhicules, pour les autres, sans savoir de quoi demain sera fait. 

Quand le jour se lève, d'autres petits convois arrivent de Barcelone ou encore d'Ancenis (Loire-Atlantique). La douane ouvre à 9 h. L'attente se poursuit sans aucune information. Hervé Durand et Véronique Magnaux, la responsable de la communauté Emmaüs de Rodez, démarrent alors un marathon administratif de plusieurs heures dans le bureau de l'ordonnateur adjoint. L'attente est longue. Les règles changent sans cesse. Les documents à fournir sont toujours plus nombreux.

"Pourquoi ne pas nous faciliter le passage ?"

En fin de matinée, alors que rien ne bouge, les Espagnols de "Policia Amigo" rejoignent leurs véhicules. "Nous sommes arrivés, hier, à 17 h. Nous étions dans un hôtel que nous connaissions déjà", confie l'une des bénévoles qui s'interroge : "Pourquoi toutes ces humiliations, toutes ces difficultés ? Nous avons des informations qui nous parviennent depuis le Haut-Atlas. La nuit, il commence à y faire très froid. Ça gèle même. Nous avons tout le matériel nécessaire. Bien sûr qu'il faut nous contrôler. Mais pourquoi ne pas nous faciliter le passage ?"

"Des emmerdeurs, des corrompus"

Qu'ils soient Espagnols, Français, Marocains installés à l'étranger ou binationaux, tous partagent la même incompréhension et ce même sentiment d'injustice. "Tanger Med, ça a toujours été la merde, regrette un autre volontaire franco-marocain. Ce sont des emmerdeurs, des corrompus. Ils s'en foutent de nous. Ils le font exprès. Ils veulent tous leur billet. J'adore mon pays, mais quand je vois ça, oui, j'ai honte. Le Maroc, c'est la tolérance et l'hospitalité. Pas toutes ces conneries." 

Un groupe recalé à Ceuta

Aux alentours de 14 h, en ce jeudi 21 septembre, l'association basée à Malaga est finalement invitée à avancer sur la zone de déchargement et de contrôle. Puis, trois heures plus tard, vient enfin le tour des Aveyronnais et des Lozériens. Les camions sont en partie déchargés. La marchandise est inspectée. Les vêtements d'occasion, la nourriture, les médicaments ou encore les jouets pour enfants ne sont en théorie plus acceptés.

Dans le bureau de l'ordonnateur adjoint, de nouvelles personnes se présentent, comme ce groupe de quatre amis venus de Millau et de Montpellier. "Nous, on est d'abord partis à Ceuta, témoigne l'un d'entre eux. On a traversé la ville. Une fois à la douane, on nous a dit qu'il n'y avait plus d'échanges de marchandises entre l'enclave et le Maroc et qu'il fallait faire demi-tour. On s'est pris la tête avec les douaniers. Notre ami a failli se faire arrêter. On a réussi à calmer la situation avant de reprendre le bateau pour Algésiras et de refaire des billets pour Tanger Med."

Vingt-six heures d'attente

Les jeunes franco-marocains, habitués depuis toujours à effectuer la traversée, n'en reviennent pas. Ce qui les révolte le plus ? Les bakchichs que certains particuliers et associations se résignent à verser pour fluidifier les contrôles. "Ils (les douaniers) le paieront, un jour ou l'autre, s'étrangle ce Montpelliérain. Demander de l'argent à des gens qui viennent simplement aider. Ça rend fou."

Le convoi Emmaüs est finalement autorisé à partir à 23 h 30, soit exactement vingt-quatre heures après s'être présenté à la douane. Argana, son point de chute dans le Haut-Atlas, est encore à 765 km. Mais avant de reprendre la route, une nuit à l'hôtel, à Tanger ville, s'impose. 

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Les commentaires (2)
Altair3412 Il y a 6 mois Le 29/09/2023 à 09:35

Ces gens là sont bien éloignés de nos valeurs !

Milsabords Il y a 6 mois Le 28/09/2023 à 22:56

Dans la lignée de ce que nous avons pu constater dès le début avec le refus de l'aide extérieure ...