Quésaco : "le travail avide", un facteur qui contribue encore un peu plus à creuser les inégalités salariales hommes-femmes

  • Aux États-Unis, un phénomène contribue un peu plus à creuser les inégalités salariales hommes-femmes : le "greedy work".
    Aux États-Unis, un phénomène contribue un peu plus à creuser les inégalités salariales hommes-femmes : le "greedy work". nathaphat / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Les inégalités salariales hommes-femmes sévissent dans plusieurs pays du monde et peuvent se manifester différemment. Aux États-Unis, un phénomène contribue un peu plus à creuser cet écart : le "greedy work", terme conceptualisé par l'Américaine Claudia Goldin, qui a remporté le prix Nobel d'économie en 2023.

Si vous êtes une femme, peut-être avez-vous déjà vécu cette situation. Vous êtes au bureau, c'est la fin de la journée, vous avez un dossier urgent à rendre et votre boss planifie une réunion au dernier moment. Le souci, c'est que vous avez votre enfant à récupérer à la crèche et devez passer faire quelques achats de première nécessité avant que les magasins ne ferment. Pourquoi le père (dont vous n'êtes pas séparée ne se dévoue pas ? Parce que lui-même est encore au travail à cette heure-ci. Étant donné qu'il dirige une équipe importante depuis des années, vous vous êtes habituée à ce qu'il ne rentre pas à la maison avant 20h. Vous, en revanche, venez tout juste d'obtenir une promotion et devez donc faire face à de nouvelles responsabilités professionnelles, tout en jonglant avec vos obligations personnelles.

Loin d'être rare, ce phénomène a même été théorisé par l'économiste américaine Claudia Goldin, première femme à la tête du département de la prestigieuse université de Harvard et prix Nobel d'économie en 2023. Elle l'appelle le "greedy work". Ou, en français, le "travail avide". Dans son livre "Career and Family: Women’s Century-Long Journey toward Equity" paru en 2021, l'économiste de renom utilise ce terme pour désigner, aux États-Unis, la tendance des entreprises à très bien payer leurs salariés : en échange, celles-ci attendent un niveau quasi permanent de disponibilité, ce qui laisse peu de place à la flexibilité. Mais les femmes, à qui incombe encore le plus souvent la charge mentale (domestique, parentale ou aidante) ont de ce fait moins accès à ce type de poste, et sont donc moins bien rémunérées.

"Avec l'augmentation des aspirations professionnelles et familiales, une partie importante de la plupart des carrières est devenue apparente, visible et centrale. Pour de nombreuses personnes en cours de carrière, le travail est gourmand. La personne qui fait des heures supplémentaires, qui travaille le week-end ou le soir gagnera beaucoup plus", explique Claudia Goldin. Un aspect de plus qui accroît les inégalités économiques et salariales entre les hommes et les femmes. Et elles ne se cantonnent malheureusement pas aux États-Unis : en France, dans le secteur privé, le revenu salarial des femmes "est inférieur en moyenne de 24,4% à celui des hommes", selon des statistiques de l’Insee datant de 2021.

Un partage du temps et des tâches plus équitables au sein des couples hétérosexuels

Lorsque des enfants arrivent dans la famille, l'un des deux parents doit se rendre disponible, prêt à quitter le bureau ou le lieu de travail à tout moment. Le plus souvent, du moins au sein des couples hétérosexuels, la mère donc. "L'impact potentiel sur la promotion, l'avancement et les revenus est évident", appuie l'économiste nobélisée. Avant d'ajouter : "Si nous voulons éradiquer ou même réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, nous devons d'abord plonger plus profondément dans la racine de ces échecs".

L'une des solutions serait de déployer des politiques d'entreprise incitant à un meilleur équilibre pro et perso (par exemple en bannissant les réunions programmées en fin de journée), ainsi que de parvenir à un partage plus équitable du temps, des tâches et du travail parental au sein du couple. Claudia Goldin insiste également sur le fait de ne pas s'arrêter aux "rares exemples" de leaders économiques qui prennent leur congé paternité ou de femmes qui entrent au conseil d'administration. Une stratégie qui, selon l'économiste, "est aussi efficace que de jeter une boîte de pansements à une personne atteinte de la peste bubonique".

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