Le Sévéragais Alain Joyes, installé à Palavas : "J’étais un fou furieux, sans complexe"

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  • À 64 ans, Alain Joyes gère ses trois affaires sous le soleil de Palavas. À 64 ans, Alain Joyes gère ses trois affaires sous le soleil de Palavas.
    À 64 ans, Alain Joyes gère ses trois affaires sous le soleil de Palavas. Reproduction L’Aveyronnais
  • Le restaurant bar glacier Sur la braise, l'une des trois affaires d'Alain Joyes.
    Le restaurant bar glacier Sur la braise, l'une des trois affaires d'Alain Joyes. Reproduction L’Aveyronnais
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Emmanuel Pons

Avant de se poser à Palavas, dans l’Hérault où il est à la tête de trois établissements, Alain Joyes a pas mal bourlingué. Lui qui a grandi entre Sévérac-le-Château et l’Afrique, où il a aussi travaillé, ainsi qu’à Paris où il a effectué l’essentiel de sa carrière.

Pour moi, c’était les moutons ou la SNCF, plaisante Alain Joyes, originaire de Sévérac-le-Château. Ça aurait aussi pu être la santé, puisque sa sœur Sylvie et son frère Patrice sont respectivement médecin et pharmacien, et que lui-même a tenté sa première année de médecine à Nîmes, dans les traces du grand-père Yves Testor, docteur lui-même et surtout connu pour avoir été le maire de Sévérac-le-Château et conseiller général de l’Aveyron.

Les frères Joyes avaient installé leur atelier rue des Douves, à Sévérac. Ernest, le deuxième à gauche, est l’arrière-grand-père d’Alain.
Les frères Joyes avaient installé leur atelier rue des Douves, à Sévérac. Ernest, le deuxième à gauche, est l’arrière-grand-père d’Alain. Reproduction L’Aveyronnais

Ce sera finalement une longue carrière dans la restauration, commencée à Paris, poursuivie en Afrique et qui s’achève à Palavas-les-Flots, dans l’Hérault, où le sexagénaire est à la tête de trois affaires, les hôtels Le Brasilia et Les Alizés et le restaurant Sur la braise.

Une enfance africaine

Mais avant de se poser sur les bords de la Méditerranée, l’Aveyronnais a vu du pays. Et même des pays !

Né en 1959 à Paris – "Ma mère était à l’école d’infirmière et mon père terminait ses études d’ingénieur agronome et du génie rural" – le petit Alain découvre l’Afrique où son père sera en poste, dans plusieurs pays. Il y fréquente les écoles françaises, au Sénégal, au Niger, en Côte d’Ivoire, Algérie, Maroc… De cette enfance africaine, il garde de bons souvenirs, de l’insouciance. "On avait peu de repères mais c’était un monde merveilleux, avec les autres enfants. Quand on rentrait à Sévérac, je me rappelle qu’on courait pieds nus sur les gravillons. On avait de la corne sous les pieds", sourit-il.

Il poursuivra sa scolarité au CEG de Sévérac. Il y décroche son BEPC avant de repartir de l’autre côté de la Méditerranée, au Maroc, inscrit au lycée Descartes de Rabat. Il passe finalement son bac en France, à Nîmes, alors que son père quitte l’Afrique pour travailler sur le canal Philippe-Lamour qui irrigue la vallée de la Cros.

Alain Joyes, à Palavas-les-Flots, devant son hôtel-restaurant Le Brasilia, face à la plage.
Alain Joyes, à Palavas-les-Flots, devant son hôtel-restaurant Le Brasilia, face à la plage. Reproduction L’Aveyronnais

"Après le bac, j’ai fait une année de médecine mais ça n’a pas marché du tout. Alors j’ai décidé de revenir à mes premiers amours et je suis entré en BTS production culinaire." D’abord à Clermont-Ferrand puis à Chamalières. Diplôme en poche, Alain Joyes est embauché dans la restauration collective, chez Marest puis travaille un temps au McDonald’s des Champs-Élysées, un des premiers de France. "Un monde nouveau, se souvient-il, une drôle d’expérience."

Mais le jeune homme ne souhaite pas s’arrêter là. Il répond à une annonce pour intégrer l’Essec, à Cergy-Pontoise, grande école de commerce qui propose une formation couplée avec la prestigieuse Cornell University, dans l’État de New York, aux États-Unis. "Si je suis pris, propose-t-il à son père, tu me payes la moitié et je finance le reste." "Et j’ai été pris, c’était incroyable !"

Mais l’Aveyronnais doit améliorer son niveau d’anglais et part donc travailler six mois à Londres.

Une année "extraordinaire" à Brazzaville

"Dès que j’ai validé l’Essec, j’ai été embauché au Méridien de la Porte Maillot, à Paris, où j’ai développé toute la comptabilité informatique. Et quand ma copine, qui était aussi à l’Essec, a validé son année, on est allé travailler tous les deux pour l’hôtel Méridien de Brazzaville, au Congo, raconte Alain Joyes qui retrouve ainsi l’Afrique. J’étais directeur de la restauration de l’hôtel et du catering de l’aéroport. On faisait notamment les plateaux-repas pour les avions. Au Congo, j’ai vécu quelque chose d’extraordinaire. C’était à l’époque un régime communiste, dirigé par Sassou Nguesso qui était aussi président de l’OUA (1)."

"J’étais un fou furieux, sans complexe", avoue-t-il.

Des anecdotes, l’Aveyronnais pourrait en raconter pendant toute une soirée, sur cette période qui n’a pourtant duré qu’une seule année. "Mais ma femme ne supportait pas et on est rentrés à Paris." Et là, lui qui vient de vivre cet intense intermède africain et qui possède déjà une belle expérience dans l’hôtellerie et la restauration, vit une "cruelle déception". "Je pensais que tout le monde allait s’arracher mon CV, mais pas du tout. On m’a plutôt proposé de repartir à la base, constate le Sévéragais. Finalement, j’ai pris la gérance d’un Green Hôtels pendant une année avant de revenir dans la restauration collective, chez Pargest. J’étais acheteur et chef de produit. C’était le début des hôtels Balladins et des Relais Bleus. Mais avec la crise économique, tout s’est écroulé."

Au restaurant des francs maçons

Mais Alain Joyes rebondit à nouveau. "J’avais été initié à la Maçonnerie en 1989. Alors j’ai répondu à un appel d’offres pour gérer le restaurant du Grand Orient de France, L’Oie et le Grill", au septième étage du bâtiment qui abrite la loge, rue Cadet dans le IXe arrondissement de la capitale. Mais c’est au huitième, réservé aux francs maçons, lors de "banquets mémorables", qu’il croise de nombreuses personnalités du monde politique, économique, artistique… Des visiteurs sur lesquels il reste discret. Mais lorsqu’un nouvel appel d’offres est lancé, en 2005, il est temps pour lui de quitter l’établissement. "J’ai racheté Le Saulnier, dans le Xe. On accueillait beaucoup de groupes. Là, je casse les prix, je fais du volume, je change le système. Ça marche à fond !" Mais cette période faste prend fin avec plusieurs événements qui vont affecter le tourisme et particulièrement la restauration. "Nuage du volcan islandais, tremblement de terre au Japon, gilets jaunes, Covid…, énumère Alain Joyes. Tout s’est cassé la gueule. On a eu 150 000 euros d’annulation !" Mais dans son malheur, l’entrepreneur a de la chance. "Les murs appartenaient à la Mairie de Paris qui a pris les loyers à sa charge et les employés ont touché le chômage." C’est le moment que choisit l’Aveyronnais pour revenir dans le Sud, à Palavas-les-Flots où il gère, depuis maintenant douze ans, l’hôtel-restaurant Le Brasilia, un bel établissement trois étoiles en front de mer. Il est aussi à la tête d’un second hôtel, les Alizés – trois étoiles également – et du restaurant bar glacier Sur la braise.

"Quand j’avais encore le Saulnier, je faisais des allers-retours, en TGV, entre Montpellier et Paris. Et j’ai finalement vendu en juillet dernier."

Il est aussi en passe de vendre Le Brasilia à sa fille Sophie, âgée de trente ans. "Je ne pensais jamais l’avoir à mes côtés, dit Alain Joyes. Elle a deux masters en droit et, après des stages dans de gros groupes hôteliers, elle m’a appelé et m’a dit : "Papa, je veux venir travailler avec toi". Elle a appris sur le tas et s’est prise de passion pour le métier. Et elle a vu qu’on pouvait bien gagner sa vie si on travaillait bien."

Les Joyes ont encore de beaux jours à vivre (et à entreprendre) à Palavas. Et à Sévérac – "Mon port d’attache" – où Alain Joyes aime retrouver ses camarades, sur le marché, lui qui a aussi plaisir à accueillir les Aveyronnais dans ses établissements. "On sert de l’aligot saucisse, dans nos restos de Palavas !"

(1) Organisation de l’unité africaine
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