Aveyron : "Je ne m’y retrouve pas dans ce qu’est devenue la profession", les infirmiers entre usure et fortes espérances

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  • Sophie Guallar et Alexis Gemarin sont installés  à la Maison de santé  du Faubourg, à Rodez.
    Sophie Guallar et Alexis Gemarin sont installés à la Maison de santé du Faubourg, à Rodez.
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Xavier Buisson

Forts de respectivement 30 et deux ans d’expérience dans le métier, les infirmiers Sophie Guallar et Alexis Gemarin, installés à Rodez, se livrent sur leur quotidien et militent pour une meilleure reconnaissance de ce métier, central dans le système de soin mais de plus en plus difficile à exercer au quotidien.

La parallèle est flagrant avec ce que traversent de nombreux secteurs comme l’agriculture ou l’enseignement pour ne citer qu’eux : besoin de davantage de reconnaissance et de revalorisations financières, ce afin de susciter des vocations et d’éviter que leur milieu, à terme, ne manque de bras.

Sophie Guallar et Alexis Gemarin cumulent à eux deux 32 ans de carrière, dont 30 pour la première. Installés en cabinet à la Maison de santé du Faubourg, à Rodez, ils sont adhérents au Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL). Et, à les entendre, leur métier traverse actuellement une forte zone de turbulences.

"Surcharge administrative"

Si leur syndicat ne s’est pas inscrit dans le récent mouvement de colère de la profession, mené par le collectif des Infirmiers libéraux en colère, tous deux partagent la majorité de leurs revendications.

"Ce qui nuit à l’attractivité de notre profession, c’est notamment la surcharge administrative, ça nous pèse beaucoup", attaque Sophie Guallar. Même son de cloche du côté de son jeune collègue Alexis Gemarin, surpris de l’ampleur de cette tâche. "Quand on est formé à l’école, il n’y a rien sur l’aspect administratif", regrette-t-il.

Mais là n’est pas le seul grief vis-à-vis de leur quotidien. Tous deux ont parfois l’impression d’être le dernier maillon de la chaîne du système de soin. " Nous assurons de plus en plus de tâches qui ne sont pas vraiment les nôtres : récupérer des ordonnances, des médicaments à la pharmacie, aider un patient à prendre son petit-déjeuner… ", détaille Sophie Guallar, présidente départementale du SNIIL.

Le sentiment d’être "devenus un bien de consommation"

Tour à tour assistants sociaux, psychologues ou aide à domicile, autant de casquettes qui "représentent une charge qui devient trop lourde". "Je ne m’y retrouve pas dans ce qu’est devenue la profession, même si certains actes ont été revalorisés ainsi que les indemnités de déplacement", poursuit l’infirmière.

Une usure que partage la jeune génération, à l’issue de journées "longues et dures" et ce sentiment d’être "devenus un bien de consommation". Pour l’avenir, ils espèrent plusieurs avancées sur lesquelles travaille leur syndicat : mise en place du statut d’infirmier référent ou montée en charge des bilans de prévention, afin de libérer du temps médical, une prise en compte de la pénibilité de leur métier.

"Nous avons le sentiment d’être des bouche-trous, des petites mains… J’espère que tout va évoluer dans le bon sens et que le système de santé français va rebondir, pour motiver les nouvelles générations. Car si demain il n’y a plus d’infirmières, je ne sais pas ce que ça va donner", affirme Sophie Guallar.

Perspectives. "Les dix ans à venir vont être très difficiles", annonce Michel Bonnemaire, réélu à la tête de l’Ordre infirmier

Il vient d’attaquer son troisième mandat et va, pour six nouvelles années, prendre en charge la bonne marche de la profession. Il y a quelques semaines, Michel Bonnemaire a été réélu à la tête de l’Ordre infirmier de l’Aveyron, qui compte à ce jour 3 016 inscrits sur un total de près de 3 400 professionnels dans le département. "Les problématiques, actuellement, c’est de réguler la profession en faisant en sorte que tous les infirmiers soient inscrits à l’Ordre", explique le "nouveau" président, qui poursuit : "Tous les professionnels qui exercent sans être inscrits à l’Ordre sont hors la loi".

Durant les six prochaines années, Michel Bonnemaire et son équipe vont travailler, comme il l’explique, à "protéger la profession" à l’issue d’une précédente mandature marquée par le Covid, une crise au cours de laquelle "la profession a beaucoup donné". Pour les infirmières et infirmiers du département, le contexte est délicat : des durées d’hospitalisation de plus en plus réduites, générant un surcroît d’activité pour la profession mais aussi la fermeture de cabinets médicaux. Une disparition des "prescripteurs" d’actes infirmiers qui pourrait aboutir à "la fermeture de cabinets", analyse Michel Bonnemaire. "L’Aveyron manque d’infirmières. Certains Ehpad n’arrivent pas à en trouver. Il faudrait 200 infirmières de plus aujourd’hui dans l’Aveyron dans ce contexte de population vieillissante et de diminution du nombre des médecins. Les 10 ans à venir vont être très difficiles".

"Nous rencontrons de plus en plus de situations complexes chez les patients : problèmes financiers, violences intrafamiliales, situations sociales dégradées. Notre profession est en première ligne et fait des remontées aux médecins". De nouvelles professions voient actuellement le jour comme les infirmiers référents ou les Infirmiers en pratique avancée (IPA). L’Ordre va s’atteler dans les prochaines années à avancer dans la reconnaissance du métier, avec notamment en vue la possibilité de signer des actes de décès, une prérogative réservée jusqu’alors aux médecins. "Notre avenir, je le veux positif, j’espère que les jeunes prendront conscience que c’est un métier important. On en voit beaucoup trop qui abandonnent les études d’infirmiers en cours de route, c’est dommage".

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