Qu'elle chante du Piaf aux JO de Paris les dérange : enquête sur les attaques racistes visant Aya Nakamura

  • L'extrême droite à bâtons rompus sur Aya Nakamura.
    L'extrême droite à bâtons rompus sur Aya Nakamura. Facebook - Aya Nakamura
Publié le , mis à jour
L. R., avec Reuters

Chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde depuis "Djadja" en 2018, star à l'aura internationale, Aya Nakamura est devenue une cible pour l'extrême droite, furieuse à l'idée que la Franco-Malienne puisse chanter à l'ouverture des JO de Paris.

Un mois après son sacre tardif aux Victoires de la musique, elle ne s'attendait probablement pas à devenir "un sujet d'état numéro un", comme elle l'a regretté sur les réseaux sociaux.

Une extrême droite allergique

Mais la simple possibilité, relayée par l'hebdomadaire L'Express, que la chanteuse noire, née à Bamako et qui a grandi à Aulnay-sous-Bois (près de Paris), interprète Edith Piaf lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques le 26 juillet, a suffi à déclencher des attaques, de la part d'Eric Zemmour, président du parti Reconquête, ou encore d'un groupuscule de l'ultradroite, Les Natifs.

En cause, notamment, l'argot introduit dans ses chansons. "Cette femme ne chante pas en français", a ainsi répété sur BFMTV Marion Maréchal, tête de liste Reconquête pour les européennes de juin.

L'ancien footballeur Lilian Thuram, une autre star française noire victime de racisme, a résumé l'enjeu sur franceinfo : "Nous sommes en train de parler d'une star mondiale. On a l'impression que nous sommes en train de parler d'une petite artiste qui viendrait de la banlieue".

Star mondiale, dénigrée dans son pays ?

Star mondiale, Aya Nakamura l'est depuis 2018 et "Djadja", morceau à l'écho planétaire, qui cumule 950 millions de vues sur YouTube et a même fait danser les enfants de Madonna, comme on l'a vu sur ses réseaux sociaux.

Quant au statut de "petite artiste", elle l'a quitté très vite : à l'époque de la sortie de son 3e opus, "Aya", à l'automne 2020, elle s'affichait sur les écrans XXL de Times Square à New York.

Et cela même si les instances françaises ont tardé à lui délivrer ses lettres de noblesse : avant la Victoire de l'artiste féminine, remportée en février, elle n'avait décroché qu'un titre de l'artiste la plus streamée.

Double culture

La chanteuse de 28 ans, qui a sorti l'an passé son 4e disque, "DNK", joue dans la cour des très grands. Elle a livré fin 2022 un show interactif dans "Fortnite", blockbuster du jeu vidéo friand de ce genre de collaborations. Ce type de passerelles est réservé aux mégastars mondiales, comme le rappeur américain Travis Scott ou la vedette brésilienne du foot Neymar.

"Elle s'aligne à l'international", expliquait à l'AFP Angelo Gopee, patron de Live Nation France, une des plus grosses sociétés de production de tournées au monde.

Dans ses textes, Aya Nakamura, qui a baigné dans la musique au sein d'une famille de griots, creuse un même sillon: "Le sentiment amoureux sous toutes ses facettes", comme elle l'avait expliqué à l'AFP fin 2020. Sans esquiver, dans son dernier album, les violences conjugales, elle qui a été condamnée à 10.000 euros d'amende - et 5.000 euros pour son ancien compagnon et père d'une de ses deux filles, le producteur Vladimir Boudnikoff - dans une affaire de violences réciproques.

Et Aya Nakamura malaxe toujours autant la langue française avec argot ouvert à tout vent ("Beleck"). "Je peux comprendre que certains se disent : pour qui elle se prend celle-là, à nous narguer avec notre langue française ?. Mais c'est important d'accepter la culture des autres et, moi, j'ai une double culture", disait-elle encore à l'AFP.

 

J.O ou pas J.O, une enquête sur les attaques racistes

Le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) a ouvert une enquête après la réception ce mercredi 13 mars du signalement de la Licra "dénonçant des publications à caractère raciste au préjudice d'Aya Nakamura", a indiqué ce vendredi 15 mars le parquet.

Le week-end dernier, le groupe identitaire Les Natifs a diffusé sur les réseaux sociaux la photo d'une banderole sur laquelle était écrit: "Y'a pas moyen Aya, ici c'est Paris, pas le marché de Bamako".

La chanteuse franco-malienne est "renvoyée à des origines maliennes manifestement disqualifiantes aux yeux de l'extrême droite", a poursuivi SOS Racisme vendredi dans un communiqué, annonçant saisir la justice à son tour.

Près d'un Français interrogé sur deux (49%) juge que son éventuelle participation aux J.O est une "mauvaise idée", contre 21% estimant que c'est une "bonne idée" et 30% qui n'ont "pas d'avis", selon un sondage Elabe pour BFM TV publié le 13 mars.

Mais cette participation éventuelle n'a été officialisée à ce jour ni par la chanteuse, ni par les organisateurs des Jeux, ni par l'Elysée.

Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?