"J’ai découvert la musique par le biais du militantisme" : le Saint-Affricain Alain Charrié donne le "La" au son du hautbois à Escale à Sète

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  • Alain Charrié en tenue officielle pour le tournoi de joutes organisé dans le cadre d’Escale à Sète, ici au pied du Belem, porteur de la flamme olympique, présent au festival. Alain Charrié en tenue officielle pour le tournoi de joutes organisé dans le cadre d’Escale à Sète, ici au pied du Belem, porteur de la flamme olympique, présent au festival.
    Alain Charrié en tenue officielle pour le tournoi de joutes organisé dans le cadre d’Escale à Sète, ici au pied du Belem, porteur de la flamme olympique, présent au festival. L'Aveyronnais - Jennifer Franco
Publié le , mis à jour
A Sète, Jennifer Franco

Le hautbois languedocien est à Sète ce que l’aligot est à l’Aubrac. Grâce aux défenseurs des langues occitanes comme l’Aveyronnais Alain Charrié, installé sur l’île Singulière, et aux joutes languedociennes, la pratique se perpétue. Comme ici à Escale à Sète, festival qui met à l’honneur les gens de la mer et le patrimoine maritime.

Ce n’est pas encore l’heure des joutes, mais les hautbois commencent déjà à gratter leur anche et à s’accorder… Et le premier festival des traditions maritimes en Méditerranée, Escale à Sète, qui tous les deux ans pour Pâques, accueille grands voiliers et vieux gréements, est le parfait entraînement pour les musiciens traditionnels qui tout au long de l’année, honorent le travail des pêcheurs, des marins, tonneliers, dockers et autres charpentiers.

"Mon cœur est aveyronnais"

À Sète, les joueurs de hautbois se comptent sur les doigts d’une main, réunis dans une association, Chiviraseta. Parmi eux, l’Aveyronnais Alain Charrié, bientôt 70 ans, qui a jeté l’ancre à Sète il y a vingt-quatre ans mais dont les racines restent bel et bien ancrées en Aveyron. "Mon cœur est aveyronnais", clame-t-il fièrement.

Des parents instituteurs et une enfance dans le Sud-Aveyron

Le musicien a grandi à Saint-Affrique dans une famille d’instituteurs, "mon père était originaire de Saint-Geniez-d’Olt-et-d’Aubrac, ma mère de Camarès. J’ai vécu toute mon enfance entre Lincou, Réquista, Saint-Sever-du-Moustier, Saint-Izaire, et Saint-Affrique, tout ça parce que mes parents étaient instituteurs. Ils se sont rencontrés à l’école normale de Rodez et avaient des postes doubles mobiles. J’ai donc visité tout le Sud-Aveyron et à l’âge de 8 ans, j’ai abouti dans le Saint-Affricain", raconte le hautboïste.

De Toulouse à Montpellier

C’est là qu’il effectue sa scolarité, son primaire à l’école Saint-Jean-Baptiste (aujourd’hui devenu le groupe scolaire Blanchard-Caussat, NDLR), puis son secondaire au lycée Jean-Jaurès. Une fois son Bac S en poche, "je me suis d’abord exilé à Toulouse où j’ai démarré un IUT de Génie civil" avant de finalement changer de voie et de bifurquer sur Montpellier "où je suis rentré à l’école d’architecture".

Fasciné par l'Occitan et Jean Boudou

C’est dans la capitale héraultaise qu’Alain Charrié découvre la musique. "Par le biais du militantisme", faisant référence à l’affaire de la lutte du Larzac. Nous sommes en 1971. "J’ai rencontré des Occitanistes, des gens comme Mans de Breish qui chantaient Boudou. Il s’avère que Jean Boudou exerçait le même métier que mon père, instituteur itinérant agricole. Ils étaient tous les deux syndiqués au SNI (le syndicat national des instituteurs). Tous les jeudis, on accompagnait mon père en famille à Rodez et on mangeait avec Jean Boudou".

De ses rencontres hebdomadaires avec le grand écrivain de langue d’Oc, va naître une vraie fascination chez Alain Charrié. Avec une influence certaine dans la partition musicale qu’il va composer au fil de sa vie. "C’était un homme captivant. Quand j’ai appris à lire l’occitan deux, trois ans plus tard, j’ai découvert quel écrivain il était. J’ai dévoré tous ses bouquins". C’est naturellement par la cabrette qu’Alain Charrié débute son initiation, instrument emblématique de l’Aubrac qu’il affectionne particulièrement.

De la Cabrette au hautbois languedocien

"Comme disaient les Inconnus, j’entendais le pays qui me disait “Reviens”. La Cabrette, c’est l’instrument de mes racines. C’est ensuite que j’ai découvert le hautbois languedocien devenu mon compagnon de prédilection". Une pratique qui s’associe à la culture occitane qu’il défend et qu’il chante. Instrument en bois d’une quarantaine de centimètres de long, il faut une bonne colonne d’air pour en jouer.

Un instrument qui a aussi acquis ses Lettres de noblesse pour avoir surtout donné sa voix au personnage du canard, dans « Pierre et le Loup » de Prokofiev. "Je suis tombé amoureux du hautbois tout de suite, de sa sonorité chaude et ronde", décrit-il. "J’ai commencé à chanter en 1973 avec le groupe Cardabèla dont le nom est tiré d’un poème sur le Larzac de Roland Pécout, poète provençal que l’on a mis en musique". 

Il devient professionnel en 1983

Autodidacte dans l’apprentissage, c’est en 1983 qu’Alain Charrié passe professionnel. Il décide alors de se former et entre au Conservatoire de musique de Montpellier où il apprend le basson.

De 1991 à 2002, il joue avec un nouveau groupe qu’il a contribué à fonder, "Une anche passe", tout en s’essayant à la musique de rue et en s’ouvrant à bien d’autres horizons et rencontres. Mais historiquement, c’est surtout aux joutes - chaque 25 août, les jouteurs disputent le Grand Prix de la Saint-Louis en l’honneur de Louis XIV, fondateur de la cité sétoise - que le hautbois languedocien sert de vitrine aux côtés de son ami le tambour, les deux instruments étant indissociables sur les barques accompagnant l’ensemble des passes des jouteurs.

Le hautbois et les joutes

"Enfant, je me souviens que je venais passer l’été au village de vacances du Lazaret et qu’on allait voir les joutes". Et c’est avec les hautboïstes, en 1976, qu’Alain fait son introduction dans le cercle très privilégié et fermé des joutes, en devenant musicien dans la barque rouge. Mais les hautboïstes ont un répertoire bien plus large que celui des joutes et ils l’affirment.

"Depuis le XVIIIe siècle, le hautbois est omniprésent dans la région accompagnant les mariages, les bals, les carnavals…" Titulaire du diplôme d’état de musicien haut languedocien, il lance en 1995, un cours de hautbois à l’école de musique de Mèze, sur l’étang de Thau.

Avant d’intégrer celle de Sète un an plus tard où il enseigne toujours. Depuis le début de la semaine et jusqu’à demain, les mélodies résonnent dans tout le cœur de l’île singulière pour faire vibrer Escale à Sète. Plus de 40 groupes de musiques jouent et chantent toute la diversité de la culture des gens de la mer. Au son de son hautbois, Alain y déroule aussi sa partition avec passion et bonheur.

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