PFAS : est-il possible de remplacer ces "polluants éternels" qui irriguent notre vie courante depuis les années 1940-50 ?

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Centre Presse Aveyron avec Reuters

Une proposition de loi visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, communément nommés "polluants éternels", est examinée ce jeudi 4 avril 2024 par les députés à l’Assemblée nationale.

Est-il possible de remplacer les substances per- et polyfluoroalkylées, PFAS ou "polluants éternels" qui s’accumulent au fil du temps dans les sols ou l’eau ? L’AFP a interrogé des industriels qui en produisent ou qui en utilisent, et des scientifiques. Une proposition de loi visant à restreindre leur fabrication est examinée ce jeudi 4 avril 2024 à l’Assemblée nationale.

Où trouve-t-on des PFAS ?

Les PFAS irriguent la vie moderne depuis les années 1940-50. Ces éléments fluorés se trouvent dans des vêtements sportifs, les textiles imperméables, farts de ski, poêles antiadhésives, emballages alimentaires, mousses d’extinction d’incendie, détergents, cosmétiques, médicaments, prothèses, enduits et peintures, membranes de filtration d’air ou d’électrolyse, mais aussi sur des durites de sondes spatiales ou dans la micro-électronique.

Il en existe des milliers, sous forme gazeuse, liquide ou solide. Leur résistance à la corrosion, à la chaleur ou à la lumière explique leur attrait. Mais une fois dans la nature, ils ne se désagrègent pas.

Les plus dangereux sont "les plus petits, les plus mobiles", indique à l’AFP Mehran Mostafavi, directeur adjoint scientifique du CNRS Chimie.

Les PFAS polymériques, inertes et stables, comme ceux qui servent pour les revêtements anti-adhésifs des poêles, ne sont pas problématiques en condition normale d’utilisation, selon le chercheur.

"En effet, sans surchauffe des poêles, le polytétrafluoroéthène (PTFE) ne pénètre pas dans l’organisme, mais sa fabrication peut générer des tensioactifs fluorés potentiellement toxiques", complète Pierre Labadie, directeur de recherche au CNRS en chimie de l’environnement. De même, lors de son incinération ou de son recyclage, "il y a la possibilité de générer des PFAS problématiques".

Est-il possible de s’en passer ?

"Il faut tordre le cou à l’idée que les polluants éternels sont indispensables", estime Martin Scheringer, professeur de chimie environnementale à l’École polytechnique de Zurich et président du groupe d’experts internationaux sur la pollution chimique (IPCP), qui souligne néanmoins les travaux en cours au niveau européen visant à définir le concept dérogatoire "d’usage essentiel" pour des PFAS dont on ne peut se passer.

"Il y a des applications dont on peut se passer, d’autres pour lesquelles existent des alternatives, pour le secteur des médicaments c’est très compliqué", détaille M. Mostafavi.

Sur la base des travaux européens en cours, le gouvernement français présente ce jeudi 4 avril un plan pour interdire le plus rapidement possible des PFAS intentionnellement ajoutés dans les jouets, le textile ou les cosmétiques, jugés dangereux et non essentiels, mieux mesurer la présence de PFAS dans l’air, l’eau, le sol et l’alimentation, et réduire les rejets dans l’environnement.

Côté industriel, pour Benoit Lavigne, délégué général de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), qui représente 6 500 entreprises, il "n’y aura pas de transition énergétique sans PFAS", présents dans les pompes à chaleur ou les batteries et "partout où il y a des échanges thermiques importants".

"Pour des usages qui exposent le plus les consommateurs", la démarche "doit être axée sur la substitution" des substances problématiques via l’innovation, "comme pour les emballages à contact alimentaire" qui viennent d’être réglementés au niveau européen, estime Magali Smets, directrice générale de France Chimie qui représente 3 000 entreprises. À condition que le remplacement ne soit pas pire.

L’industrie chimique souhaite le maintien des PFAS dans les processus de fabrication, dès lors "que l’industriel prouve qu’ils sont utilisés de manière responsable" pour les consommateurs, les salariés et l’environnement "notamment via les études sur les rejets dans l’eau", souligne Mme Smets.

D’une manière générale, beaucoup d’industriels "sont déjà sortis des PFAS ou sont en train de le faire", note M. Scheringer.

Substitution : le cas des cosmétiques, des farts de ski et des mousses incendie

L’OCDE a identifié 36 PFAS, émulsifiants, stabiliseurs, agents hydrofuges, ajoutés dans les produits de beauté. L’association des industriels du secteur Cosmetics Europe s’est engagée en octobre à les remplacer d’ici 2026.

La Fédération internationale de ski a interdit le fart au fluor au début de la saison 2023-2024.

En France, "des mousses incendie de substitution sans PFAS viennent d’être qualifiées au terme de deux ans de travail avec le ministère de l’Environnement", indique Mme Smets. Cette "initiative française" a besoin d’un temps d’adaptation pour s’installer, car il va falloir "rincer" les équipements utilisant ces mousses et définir de "bonnes pratiques".

Détruire les PFAS ?

"La particularité de ces molécules est de présenter une liaison très forte entre un atome de carbone et un atome de fluor […] Pour casser cette liaison, quatre méthodes expérimentales sont identifiées", explique Mehran Mostafavi, du CNRS Chimie.

"Une méthode "enzymatique" développée par les biochimistes, une méthode dite de "sono-chimie" créant des bulles à très haute température où les liaisons C-F se cassent, une méthode par "plasma-froid" utilisant un arc électrique dans une solution de PFAS, et une approche dite "radiolytique" " via un rayonnement ionisant.

"Elles ont prouvé leur efficacité", dit M. Mostafavi, "le défi serait maintenant de passer à l’échelle industrielle".

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Les commentaires (1)
RienCompris Il y a 24 jours Le 05/04/2024 à 10:12

Je ne suis pas contre les polluants ou les pesticides à condition que soit mentionné en gros caractère "PRESENCE DE PESTICIDES" sur les produits vendus. Producteur, industriels et consommateurs y trouveront leurs comptes.