Aveyron : "Ma manière de travailler est une recherche abstraite dans la figuration", à la découverte de l'œuvre de l'artiste Hadrien Alvarez

Hadrien Alvarez, originaire de Villefranche-de-Rouergue est un enfant de la balle. Son père étant peintre, le rapport à la peinture a toujours été présent dans la vie du jeune homme, notamment le dessin qu’il expérimentera vers la fin de sa période lycéenne. Après avoir intégré en 2006 l’école supérieure des Beaux-Arts de Marseille, Hadrien s’orientera dès la deuxième année de sa formation vers la peinture et se liera d’amitié avec ses condisciples.

"Dans les quartiers, il y avait beaucoup d'artistes"

À la fin de leurs cursus en 2011 et fraîchement diplômés, tous ces futurs artistes enthousiastes, décideront ensemble de s’envoler pour Berlin. En effet, "en France, au milieu des années 1985 jusqu’aux années 2005, la peinture était totalement discréditée ", explique l’artiste." Certaines écoles des Beaux-Arts considéraient qu’être peintre c’était de n’avoir rien compris à l’art contemporain. À l’inverse de l’Allemagne où dans cette même période, se découvrait une activité picturale très vivante, où des artistes étaient très enracinés dans l’histoire de la peinture. "

Avec une vie culturelle très foisonnante et la découverte d’une capitale européenne, toutes les conditions étaient réunies pour attirer ces jeunes artistes (9 Français et 3 Coréennes), vers de nouvelles aventures. À Berlin, ils louent un atelier, dans lequel ils travaillent et organisent des expositions. "Dans les quartiers, il y avait beaucoup d’artistes et des ateliers privés s’ouvraient hors de toute institution juste pour montrer de l’art au public".

Il rentre en France en 2014

Ils resteront trois années en Allemagne, se partageant un atelier collectif. "Ce fut, pour moi, une période d’étude propice pour rentrer dans la vie active et dans le marché de l’art", reprend Hadrien, qui avec sa compagne rencontrée à Berlin, décideront tous deux de rentrer en France, en 2014. Gérard Alvarez artiste peintre (lire Centre Presse du 24 septembre 2023) a invité son fils au sein de l’association Aux Pont des Arts, à Marcillac.

C’est le début, le point de départ pour ce jeune animateur culturel qui mènera de front une pratique artistique personnelle avec la mise en place d’une programmation mensuelle au sein de l’association, en invitant des artistes extérieurs au département.

Il en est de même aujourd’hui avec la galerie ruthénoise Réplique, qui a succédé Aux Ponts des Arts, toujours gérée par les artistes eux-mêmes et où le collectif étudie toute proposition pour de nouveaux vernissages.

L’acte de recherche

Hadrien Alvarez crée des sérigraphies et travaille à différents types de publications dans les magazines culturels. En tant qu’illustrateur, il collabore pour différentes revues comme "Le Bateau et L’organisation de la chute", respectivement parisienne et lilloise. À noter également sa collaboration avec l’artiste Nicolas Fremion, dont ce dernier expose, du 12 au 27 avril, à la galerie Réplique, où quelques œuvres d’Hadrien sont aussi à découvrir. Bien plus qu’une démarche artistique, le travail d’Hadrien Alvarez est avant tout un acte de recherche, où l’artiste met le rapport aux outils numériques à celui du foisonnement des images puisées sur Internet, faisant naître des juxtapositions parfois provocantes, mais ô combien pertinentes !

"Je travaille sur des éléments typiquement numériques, ne conservant que des fragments d’images, collant des calques les uns sur les autres afin d’obtenir des effets qui, tout en étant exogènes à la peinture, seront transformés en matière picturale", précise l’artiste qui précise aussitôt ; "Ma bibliothèque iconographique est constituée d’une base d’images aux origines diverses, qu’il s’agisse des reproductions glanées sur la Toile ou des photos de familles." Voilà une nouvelle conception, un tantinet subversive, pour la création d’œuvres picturales, en dehors des outils comme les pinceaux et les palettes que les peintres utilisent habituellement.

"De ce matériau brut que je m’approprie – détaille Hadrien – je ne mets en œuvre que les images qui provoquent chez moi une résonance intérieure propice à mon travail pictural : une sensation qui cristallise un souvenir, une émotion, une composition, des couleurs…"

Le vocabulaire de la peinture

La part sensible de l’artiste est "d’inviter les gens à ce rapport très particulier que permet la peinture aujourd’hui." Car ce qui intéresse Hadrien est de montrer, parmi ce flux permanent des images instantanées qui sont oubliées aussi vite qu’elles sont apparues, "la complexité de l’interprétation. Il suffira alors de replacer les images dans le centre du jeu pour créer des choses intéressantes. Inviter enfin le public à les regarder autrement, que ce ne soient plus de simples graphiques qui nous envahissent. Mon but est de soumettre l’aspect narratif du sujet traité à une structure visuelle qui servira de socle à une construction spécifiquement plastique."

Par ce biais, en dehors de la seule représentation picturale, Hadrien Alvarez met en scène le vocabulaire de la peinture et engage un processus de dépassement du récit, au profit des sensations. En effet, la rencontre inopinée de personnages et de divers éléments d’apparence contradictoires apporte quelque chose de neuf, d’inédit, de surprenant. "Je peins pour rendre ambigu et complexe ce qui en premier lieu aurait pu s’envisager simplement comme une scène de genre. Ma manière de travailler est une recherche abstraite dans la figuration", conclut le peintre.

Somme toute, des œuvres esthétiques parfaitement cohérentes et immédiatement perceptibles du public. Telle est la marque de fabrique d’Hadrien Alvarez.