Turquie: ras-le-bol contre la dérive autoritaire du Premier ministre Erdogan

  • Une voiture de police endommagée à Istanbul, lors des manifestations, le 2 juin 2013
    Une voiture de police endommagée à Istanbul, lors des manifestations, le 2 juin 2013 AFP - Ozan Kose
  • Un manifestant à Ankara, le 1er juin 2013
    Un manifestant à Ankara, le 1er juin 2013 AFP - Adem Altan
  • Des manifestants aident un blessé à se relever, en marge des manifestations, à Ankara, le 1er juin 2013
    Des manifestants aident un blessé à se relever, en marge des manifestations, à Ankara, le 1er juin 2013 AFP - Adem Altan
  • Des manifestants affrontent les policiers dan sles rues d'Istanbul, entre Taksim et Besiktas, le 1er juin 2013
    Des manifestants affrontent les policiers dan sles rues d'Istanbul, entre Taksim et Besiktas, le 1er juin 2013 AFP - Gurcan Ozturk
Publié le
AFP

Partie d'un petit groupe de militants associatifs, la contestation populaire qui a embrasé Istanbul et d'autres villes de Turquie a agrégé la colère d'une population excédée par un gouvernement qui monopolise tous les pouvoirs depuis dix ans.

De l'extrême gauche à la droite nationaliste, c'est tout le spectre politique turc qui s'est rejoint samedi pour envahir la place Taksim et célébrer aux cris de "dictateur démission !" la défaite du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan face à la rue.

Tous ont exprimé la colère accumulée contre la politique du gouvernement islamo-conservateur, exacerbée par la violence de la répression policière.

"Ces manifestations ne sont pas l'oeuvre d'une poignée de militants ou d'une organisation mais l'expression d'une frustration généralisée de la part de gens de toutes les tendances politiques", juge le politologue Ilter Turan, de l'université privée Bilgi d'Istanbul.

La déception des laïcs

"C'est un mouvement populaire sans précédent, soudain (...) qui résulte de la frustration et de la déception des franges laïques de la société qui ne peuvent plus influer sur la vie publique depuis dix ans", renchérit Sinan Ulgen, de la fondation Carnegie Europe.

Issu de la mouvance islamiste, le Parti de la justice et du développement (AKP) a été porté au pouvoir en 2002 par une Turquie qu'avaient épuisée une crise financière et l'instabilité politique elle-même nourrie par les interventions de l'armée dans la vie publique.

En dix ans, son gouvernement est parvenu à multiplier par trois le revenu par habitant grâce à une croissance économique qui a dépassé les 8% en 2010 et 2011, a généralisé l'accès à l'éducation ou la santé et mis l'armée au pas. Mais il a aussi fait entrer la religion dans l'espace public, au grand dam des tenants de République laïque.

Le voile islamique a été autorisé dans certaines universités. Le pianiste virtuose Fazil Say a été condamné pour blasphème après une série de tweets moquant la religion musulmane. La semaine dernière, le gouvernement a fait voter une loi qui interdit la vente d'alcool à proximité des mosquées et des écoles. La liste est longue, sans compter les tentatives pour limiter le droit à l'avortement ou prohiber l'adultère.

Un "nouveau sultan"

De nombreux manifestants d'Istanbul, d'Ankara et des autres villes turques ont exprimé ce ras-le-bol face à un pouvoir qui, disent-ils, veut leur "imposer sa façon de vivre".

De leur côté, la gauche et l'extrême gauche ont aussi dénoncé la répression exercée par les autorités, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Des milliers de personnes, dont des avocats, étudiants ou journalistes, sont détenues dans l'attente d'un procès pour leur soutien à la cause kurde.

Tous montrent du doigt la dérive autoritaire d'un pouvoir fort de ses succès électoraux. Face à une opposition dépassée, le parti de M. Erdogan a largement remporté les élections législatives de 2007 et 2011, avec 47% et 50% des voix.

Contraint par les règles de l'AKP à céder la direction du gouvernement en 2015, M. Erdogan ne cache plus son intention de briguer l'an prochain le poste de président, qui sera pour la première fois élu au suffrage universel.

Ses adversaires raillent déjà un "nouveau sultan" et ses projets pharaoniques lancés ces derniers mois à Istanbul, comme le troisième pont sur le Bosphore et le futur aéroport géant de cette ville.

"M. Erdogan n'accepte aucune limite à son pouvoir de chef de la majorité", note Ilter Turan, "il considère que tout ce qu'il fait est le fruit de la volonté démocratique".

Certains veulent toutefois croire que les événements des trois derniers jours ont changé la donne. "La vague de protestation de Taksim a écorné pour la première fois l'image de toute-puissance du Premier ministre", a écrit dimanche l'éditorialiste Murat Yeykin, du quotidien libéral de langue anglaise Hürriyet Dailynews.

Dans un discours prononcé dimanche, M. Erdogan n'en a pas paru affecté. "S'ils appellent dictateur quelqu'un qui sert le peuple", a-t-il lancé, ironique, "qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ?"

Source : AFP

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