Afghanistan: le casse-tête des postiers de Kaboul

  • Le facteur Mohammad Rahim prépare sa tournée dans l'un des bureaux de poste de Kaboul le 11 juin 2013
    Le facteur Mohammad Rahim prépare sa tournée dans l'un des bureaux de poste de Kaboul le 11 juin 2013 AFP - Shah Marai
  • Le facteur Mohammad Rahim effectue sa tournée dans les rues de Kaboul le 11 juin 2013
    Le facteur Mohammad Rahim effectue sa tournée dans les rues de Kaboul le 11 juin 2013 AFP - Shah Marai
  • Ni nom de rue, ni numéro: le casse-tête des postiers de Kaboul
    Ni nom de rue, ni numéro: le casse-tête des postiers de Kaboul AFP - Bethany Matta
  • Le facteur Mohammad Rahim effectue sa tournée dans les rues de Kaboul le 11 juin 2013
    Le facteur Mohammad Rahim effectue sa tournée dans les rues de Kaboul le 11 juin 2013 AFP - Shah Marai
Publié le
AFP

A Kaboul, les rues n'ont bien souvent ni nom ni numéro, la faute à trois décennies de guerre et de constructions anarchiques. Alors pour la centaine de postiers de la ville, la distribution du courrier se transforme parfois en véritable travail d'enquêteur.

Mohammad Rahim fait sa tournée dans les rues escarpées de la capitale afghane juché sur une vieille bicyclette. Fort de dix ans d'expérience, même les adresses les plus énigmatiques ne lui font pas peur.

"Ça, c'est une lettre adressée à un homme qui vit près de le maison d'un certain Dr Hashmat", dit Rahim, 46 ans. "Et comme je ne connais pas cette adresse, il va falloir que je trouve le moyen de savoir où ça se trouve".

Rahim à quelques indices à sa disposition: le nom du destinataire, le fait qu'il habite près d'un médecin et des instructions au dos de l'enveloppe indiquant "Colline Kart-e-Sakhi, derrière le ministère de l'Agriculture".

Instructif, certes, mais pas suffisant. Alors Mohammad "Sherlock" Rahim va mener son enquête en interrogeant les gens du quartier.

"Et mon frère, tu sais où ça se trouve la maison du Doctor Hashmat?", demande-t-il à un commerçant. "Tu montes la colline et tu tournes à droite", répond son interlocuteur.

Rahim enfourche son vélo et suit cette direction. La piste est chaude. "Tourne à droite, c'est la troisième maison à gauche", dit un autre homme. Le postier s'engage dans un chemin poussiéreux, couvert de pierres et de déchets. La pente raide l'oblige à descendre de son vélo. Quelques mètres plus loin, il finit par dénicher la bonne maison.

L'épouse du destinataire, une femme d'une quarantaine d'années, vient récupérer la lettre sur le pas de la porte, et en profite pour tresser des louanges à Rahim. "Nous recevons des lettres des Etats-Unis, du Canada, d'Allemagne et du Pakistan et il parvient toujours à nous les apporter en temps et en heure", assure-t-elle.

Le salaire d'un postier: 70 euros par mois

La capitale afghane est depuis quelques années en pleine métamorphose: sa population a fortement progressé en raison des flux migratoires d'Afghans venus chercher un emploi ou fuyant les violences, et atteint désormais 5 millions d'habitants. Conséquence: de nombreuses constructions ont fleuri un peu partout dans la ville, souvent sans aucun permis de construction.

Mais le calvaire des postiers pourrait bien prendre fin: il y a quelques semaines, le ministère des Communications a conclu un accord avec la municipalité pour mettre en place un nouveau système d'adresses.

Les rues et les maisons devraient ainsi être recensées, numérotées et identifiées sur une carte, grâce un dispositif de géolocalisation par satellite. Le projet devrait prendre deux ans et le gouvernement espère l'étendre à d'autres villes.

Khan Agha, un autre postier de 42 ans, attend cette révolution avec impatience, car pour l'heure, le plan chaotique des rues de la ville fait de la distribution du courrier "le travail le plus difficile au monde".

"Une fois que ce sera mis en place, on pourra faire notre travail plus facilement", dit-il.

De quoi accepter alors peut-être plus facilement le maigre salaire qu'il reçoit pour son labeur. Malgré leurs efforts, les risques qu'ils encourent à travailler dans un pays en proie aux violences, les 900 postiers afghans, dont 100 à Kaboul, sont mal payés.

Afgha gagne l'équivalent de 70 euros par mois, à peine de quoi nourrir sa famille de huit personnes.

Avant de commencer sa tournée, cet ancien soldat, encore gêné par une balle reçue derrière la tête et "ressortie par l'orbite droite", doit trouver les lettres qui concernent son secteur dans un gros tas de plis éparpillés sur le sol de la poste.

Parfois, explique-t-il, "un numéro de téléphone au dos de l'enveloppe peut aider". "Nous appelons le destinataire, qui nous dit où il se trouve", ajoute Afgha, postier depuis 22 ans, actuellement affecté dans un quartier du centre de Kaboul.

"Il faut qu'on donne ce courrier à Mme Barbara, ça vient d'Allemagne", dit-il. Comme bien souvent, la lettre n'indique qu'un nom de quartier. Pas de numéro de maison, pas de rue : une nouvelle enquête peut commencer.

Source : AFP

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